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 La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau

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Irinwe

Panseuse d'Ibenholt

Irinwe
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MessageSujet: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyMer 2 Avr - 14:33

Fiche © Quantum Mechanics
La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau.





Flashback - 5E918
L
a demeure majestueuse des Ebonhand aurait pu sembler morose depuis le décès de l’épouse d’Hulgard. Les pièces d’envergure se succèdent, les meubles finement ouvragés et le bois ciselé y régnant en maître des lieux. Et le silence qui peut sembler si lénifiant n’en semble pas moins terrifiant, lui qui aurait pu se lier aux craquements de la bâtisse rendue sinistre par le vide et l’absence de vie. Les Hommes semblent apprécier les grands espaces qui leur servent à exposer leurs richesses, même s’il n’y a pas grand monde pour venir les admirer. Et pourtant, dame Ebonhand n’est pas partie pour ne laisser qu’un vide absolu que son époux se serait hâté de combler par les guerres et les conseils harassants. Non, elle lui a aussi laissé une fille, la prunelle de ses yeux.
Jora. Elle est le nouveau-né chétif qu’elle a tenu dans ses bras en déplorant la mort de sa mère. Malgré la peine ressentie, Irinwe s’est résolue à fondre d’affection pour la petite fille qui grandirait avec comme seule figure d’autorité son paternel. L’on se réconforte comme on peut. N’est-ce pas la plus belle mort qui soit de donner la vie en perdant la sienne ? C’est au moins ce que l’on se dit pour délier l’amertume qu’amène irrémédiablement le deuil.
Irinwe se rappelle comme si c’était hier, des grandes mirettes cristallines que l’enfant a posé sur elle lorsqu’elle la tenait dans le berceau de ses bras. La promesse faite à sa mère s’est présentée comme une certitude inébranlable. Elle qui a vu ses parents se faire exécuter par Kalanar, elle qui a été contrainte à la domesticité pour payer le prix de leur prétendue trahison. Il ne lui restait plus rien, jusqu’à ce lady Ebonhand intervienne et la sauve de la déchéance et de la perdition. Irinwe, du haut de ses cent printemps, a toujours goûté à l’érudition avec une témérité inébranlable. Alors lorsque la noble dame lui a proposé d’être la préceptrice elfique de son enfant, elle s’est réjouit à l’idée de faire ce pour quoi elle était la plus douée. Enseigner, protéger, veiller.
Et le nouveau-né est vite devenu une petite fille à la chevelure chatoyante, une enfant docile et curieuse. Et Irinwe s’est surprise à la couvrir de tendresse et d’affection. Tout naturellement.



U
n soupir rauque franchit les lèvres de l’une des servantes qui presse le pas dans les escaliers, empoignant ses frusques de manière disgracieuse. Malgré que Jora soit l’unique enfant de la famille Ebonhand, la demeure reste peuplée par bon nombre de domestiques qui s’affairent à garder le lieu impeccable et à veiller à ce que la petite ait tout ce dont elle ait besoin. En voilà une belle cage dorée pour une enfant qui ne rêve que de mettre le nez dehors pour découvrir de quoi son père la tient éloignée. La civilisation.
Alors qu’Irinwe revient dans l’un des couloirs, les bras chargés de quelques gravures elfiques, la servante l’alpague d’un air courroucé. « Irinwe ! As-tu vu lady Jora ? Il a suffi que je tourne le dos une seule fois pour m’occuper de l’argenterie et voilà que je ne la trouve plus ! » Le ton est quelque peu suffisant et méprisant. Il en va de soi lorsqu’on s’adresse à une elfe arriviste à qui l’on accorde plus d’importance qu’à une simple domestique au service de la famille depuis plus de trente ans. La femme est forte et rougeaude d’énervement, mais Irinwe préfère ne pas y porter réellement d’attention. Il arrive que les Hommes perdent souvent patience lorsqu’ils se trouvent submergés par leurs responsabilités. L’elfe à la crinière brune avise une table en bois de chêne agrémentée d’un pot de fleurs aux couleurs égayantes et y dépose les gravures avant de planter les poings sur ses hanches. « Je vais me charger de la trouver Hilda. Retourne donc à tes occupations où lord Hulgard va être furieux de voir le retard pris dans nos tâches de la journée. » D’un demi-sourire conciliant, les prunelles d’Irinwe se dardent sur la figure agacée de sa comparse qui s’en retourne à ses occupations en courbant l’échine, grommelant un mécontentement qui n’a rien de surprenant. Un éclat venimeux furète brièvement sur l’expression d’Irinwe avant qu’elle ne secoue la tête d’exaspération, oubliant les comportements déplacés pour se préoccuper de tout ce qui compte. La petite Jora.


A
prés s’être attardée dans chaque aile de la maison, intimant d’un timbre chaleureux à l’enfant de se montrer, une pointe d’inquiétude fait froncer les sourcils de la belle qui vient à se soucier de ne pas la voir apparaitre. Se mordillant fugacement la lèvre inférieure, Irinwe s’apprête à retourner sur ses pas lorsqu’un grincement l’arrête dans son geste. « Lady Jora ? Est ce qu’est c’est vous ? » Demande-t-elle dans le vague, se sentant stupide alors que le silence s’étire en guise de réponse. « Que diriez-vous de déguster quelques biscuits au miel ? Vous adorez tant ma recette... Nous pourrions les faire ensemble. » Tente-t-elle finalement, son ton hésitant se muant en un certain amusement. Les bras joints dans son dos dans une posture détendue, Irinwe traverse le palier à pas lents, caressant du regard l’environnement familier à la recherche d’un indice. Puis, alors qu’elle s’apprête à aborder le détour d’un couloir, l’enfant apparait brusquement dans son champ de vision comme un diable sorti de sa boîte. L’elfe sursaute, naturellement, mais sa main se porte à sa poitrine d’un air prétendument effrayé. « Ma lady ! Vous avez bien failli me faire mourir de peur ! » S’exclame l’elfe d’un battement de cils émotif. Elle feint de s’évanouir avant de couler une œillade malicieuse à Jora qui trépigne devant elle. L’elfe s’abaisse finalement à son niveau pour glisser une main affectueuse dans la flavescente chevelure. « Vous savez bien qu’il ne faut pas vous cacher lorsqu’on vous appelle, ma lady. Vous mettez le personnel de maison dans tous ces états. » Attendrie, elle reste durant quelques secondes à l’observer - se remémorant les sept années passées à la dorloter.



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Jora Ebonhand

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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyJeu 3 Avr - 12:29




S
es petons martelaient le sol froid dans une discrétion toute relative, déchaussée pour mieux pénétrer le protagoniste d'un merveilleux conte qui se rédigeait au gré de l'instant dans ses pensées infantiles. Elle s'imaginait fille de la pénombre, parangon de diligence et de mysticité en mission de haute importance pour délivrer ses landes enchantées de quelques succubes mal intentionnées – à traduire, elle tentait de sauvegarder une once de délassement en échappant aux serres des serviteurs du domaine patriarcal. Son espièglerie ne sévissait qu'en de rares cas, et jamais, dans le dessein de nuire à autrui, qu'il eut s'agit d'hôtes potentiels ou de l'ensemble des domestiques qui oeuvraient nuit et jour, et avaient au moins le don d'insuffler un semblant de vie dans une demeure aussi séculaire qu'amèrement vide. A la fois reflet fastueux d'une très haute dignité familiale, et miroitement contristant d'un clan ancestral moribond, dont le père et la fille demeuraient les derniers représentants, la résidence Ebonhand avait cette dualité qui laissait coi. Sciemment esseulée, à l'instar d'une gemme sculptée dans une unicité telle qu'on la jugeait trop fragile, trop précieuse, pour affronter le monde aussi vaste et diversifié pouvait-il être. Si les ères fluaient, si la société évoluait – ou s'atrophiait, c'était selon. - les Hommes, eux, restaient ces mêmes créatures dissolues, vénales, et gangrénées par les pires replis de leur acabit. C'était tout du moins ce dont se persuadait Hulgard, qui, non avare d'amour pour la chair de sa chair, préférait encore la savoir candide dans une détention sûre que parfaitement éveillée dans l'insécurité extérieure. C'était la raison pour laquelle son terrain de jeu trouvait ses lisières en celles du logis, et son apprentissage, dans les pages surannées d'une pléthore d'ouvrages. Parfois, l'exception confirmant assurément la règle, elle jouissait de la compagnie des fils Snowhelm ainsi que de leur père, figure avunculaire s'il en était. Et lorsqu'il n'y avait rien de tout cela, une nourrice s'empressait toujours à ses abords, veillant comme lionne sur progéniture qu'elle ne souffre d'aucun manque. De pâles simulacres d'une mère qu'elle n'avait jamais connue et pour laquelle elle n'avait été qu'une conception assassine, ainsi que l'unique héritage d'une épouse à son mari.

Des truismes, des conjectures et des controverses trop obscures et pernicieuses pour entacher la fleur qui ne faisait qu'éclore, à l'abri des regards. Encore bercée par l'innocuité et des priorités d'enfant, elle ne se sentait pas si inconfortable, dans sa jolie cage dorée. L'espoir fleurissait d'être un jour à même de prendre son essor, lorsque son âge et sa distinction le lui permettraient. En attendant, elle se sustentait de son imagination fertile, qui transfigurait ces corridors en allées d'une sylve magique. Mélodie du textile qui se froisse sous la mouvance et couinements qui retenaient un rire franc et naïf de s'esclaffer plus franchement. Leonild serait furibonde, à n'en point douter, qu'elle se soit soustraite à sa vigilance à peine l'échine tournée. L'occasion avait été trop belle, et en dépit de sa bienséance, elle n'avait pu résister. Son regard empli de constellations insondables scrutèrent une paire de lourds rideaux liliaux, qu'elle visualisa comme la longue frondaison d'un arbre bicentenaire qui la conviait à se cacher. Elle engouffea son minois au revers du tissu, curieuse de savoir si l'information de sa fuite mettrait du temps à proliférer d'une oreille à une autre. Un peu de patience, et elle reconnut le pas cadencé et les plaintes maugrées de sa geôlière qui passa sans la voir. La demoiselle étouffa un ricanement, et plus tard, entendit la voix cristalline et rassurante de sa préceptrice, à laquelle elle ne répondit pas immédiatement. Elle la laissa dépasser l'angle du couloir, qu'elle rejoignit ensuite à foulées feutrées, et après une oeillade, elle bondit devant elle. « Bouh ! » La réaction d'Irinwe la fit rire aux éclats, puis elle se dandina en feignant l'innocence épurée, ne pouvant chasser les érythèmes de malice qui coloraient ses pommettes. « Je ne suis pas une lady, je suis un membre d'élite des Sycophantes ! » La risette juvénile qui ornementa sa physionomie contrasta avec une déclaration qui en aurait décontenancé plus d'un, et pour cause, quelle fillette digne de ce nom aurait souhaité appartenir à une guilde aussi sombrement réputée que celle-ci ? « C'est un Ebonhand qui est à l'origine de leur création, alors, il est normal que j'en fasse partie, non ? » Elle fit papillonner ses cils, subitement dubitative. « J'ai entendu Père en parler à lord Dralvur. » L'explication n'était pas plus alambiquée que cela, elle avait agriché une bribe de conversation entre les deux seigneurs et amis à propos des fameux Sycophantes, nés de la paranoïa du roi Reylan Ebonhand, avant que les adultes ne la remarquent et ne la congédient. Mais outre le fait qu'ils étaient des guerriers de l'ombre extrêmement talentueux, elle ne savait rien à leur propos, d'où sa lubie ingénue d'en devenir un.

« Lady Jora ! » La nymphette fit volte face pour se retrouver devant une Leonild dont le soulagement se tapissait derrière une épaisse couche de contrariété, sa figure mafflue rubiconde à en imploser. Mains sur les hanches, penchée en direction de sa maîtresse miniature, elle la toisait d'un œil improbateur qui, à lui seul, voulait tout dire. « A quoi pensiez-vous donc ? Cela vous délasse t-il, d'apeurer toute la maison avec pareille désinvolture ? Vous devriez avoir honte de votre comportement, soyez sûre que je référerai de votre frasque au seigneur votre père dès son retour ! » Jora baissa les yeux, sans pour autant arborer une quelconque mimique contrite, car elle jugeait ne pas être tant fautive. Elle le savait, la servante pansue avait une certaine propension à l'emphase lorsqu'il s'agissait de rapporter les évènements journaliers à Hulgard qui, s'il pouvait être sûr d'être mis au fait des moindres faits et gestes qui avaient eu lieu durant son absence, avait la présence d'esprit de ne pas uniquement se baser sur les délations de sa domestique. Tout comme il ne se fiait pas seulement aux dires d'Irinwe, qui, a contrario, était encline à adoucir les aspérités d'une situation. « Et vous voilà déchaussée, qui plus est ! Vous êtes une fille de lord, pas une va-nu-pieds ! Remettez moi tout de suite vos chausses, avant de vous meurtrir je ne sais où ! » La donzelle s'exécuta docilement et sans objecter, ni se montrer physiquement incongrue. Parfaitement calme et compréhensive malgré les circonstances, elle darda un regard tranquille sur son interlocutrice, puis, sans une prose, se plaça à côté de l'elfe et glissa sa frêle menotte dans sa main. Un tableau qui tira un rictus à Leonild, qui se redressa et prit un moment pour contempler un binôme qu'elle n'agréait pas particulièrement. Elle jaugea la sylphide aux cheveux de bois avec une morgue illégitime et qui ne lui seyait pas, faisant brûler le torchon d'une inimitié aussi absurde que vaine, avant de hoqueter avec tout autant de suffisance. « Ha ! Je ne devrais point être pantoise, certaines influences sont terriblement néfastes, dans cette demeure. Sous les plus jolies minois se cachent les plus mauvais atavismes. » Elle guigna une dernière fois la demoiselle, leva le menton, et s'en retourna vaquer à ses occupations à défaut d'avoir véritablement voix au chapitre.

Un flottement fit souffler l'aquilon, au son du départ toujours aussi rythmé de la servante qui disparut dans une pièce. « ... » Jora cligna des yeux, manifestement peu perturbée par ce qui venait de se produire. « Elle ressemble à une grosse tomate. En plus laide. » Conclut-elle d'une phonation tout bonnement naturelle, avant de lever ses calots azurins sur la vénusté elfique, sur laquelle elle resserra un peu plus sa tendre poigne. « Elle ne t'aime pas. Je crois qu'elle ne m'aime pas non plus. Elle n'aime rien ni personne. Sauf tes biscuits au miel, je l'ai vue en piquer la dernière fois. » Elle retrouva son sourire, un tantinet railleur, et souffla sur une mèche flavescente qui s'était décrochée de sa coiffure. « Moi aussi je les adore, peut-on aller en faire ? Pourrai-je tremper mon doigt dans le miel ? » Là encore, une incartade qui n'aurait pas été tolérée par d'autres, mais la naïade était à l'Ebonhand ce que l'astre diurne était aux fleurs. Elle lui octroyait plus de libertés, et savait lui expliquer avec un ton et des termes adéquats lorsqu'elle ne pouvait pas accéder à l'une de ses requêtes. « Dis Irinwe... C'est quoi, atavi...mse...isme ? »

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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyVen 4 Avr - 10:04

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La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau.





N’
est-elle pas adorable ? La prunelle Ebonhand à la chevelure d’albâtre, pétillant d’insouciance et l’esprit remplis d’histoires qu’elle aimerait vivre au grand jour. Ouvrant les yeux avec un réel enthousiasme, un rire aux lèvres, Irinwe finit par se mordre la lèvre lorsque l’enfant prétend faire partie de la guilde d’assassins qui fait tant frémir l’échine de tous. Ce n’est pas la première situation inconfortable devant laquelle la préceptrice se retrouve, elle qui ne lui a jamais appris pareille chose à raconter à tout va. Pinçant ses lèvres d’un air réprobateur, abaissée à son niveau, l’elfe se presse de poser son index sur les lèvres de Jora qu’elle intime au silence en lui murmurant : « Oh non, ma lady, il ne faut pas parler de ce genre de choses, ou cela va vous attirer des ennuis. Ce que seigneur votre père et lord Snowhelm se disent sont des affaires d’hommes, qu’il ne sied guère à une enfant d’entendre. » Surtout ces affaires là, truffées de mensonges, de cruauté et de morts. Fronçant les sourcils dans le souci de comment réagir face à cette vérité que la petite vient d’énoncer, Irinwe reprend sur un ton hésitant. « Et bien, sachez simplement que l’Ebonhand qui a créé les Sycophantes a décidé de tourner le dos à votre famille, ma lady. Il est donc tout naturel d’éviter de l’évoquer en public. » Elle darde un regard convenu dans celui de la demoiselle en attendant son approbation, puis elle lui taquine le nez du bout du doigt avant de se redresser, lissant sa robe avec satisfaction.


C’
est alors que déboule une Leonild aux joues empourprées d’agacement et d’impatience, qui se poste derechef devant Jora pour la gronder avec ténacité. Irinwe reste immobile, l’expression grave transfigurée par quelques éclats de peine à l’égard de la petite qui ne voulait point causer de tort à quiconque. Evidemment qu’elle trouve Leonild dure et antipathique, derrière ses airs de bonne femme expérimentée dans la tenue d’une maison. Qu’elle en retourne à ses chiffons ! Irinwe se considère bien plus apte qu’elle à donner des leçons utiles à la fille du lord. Croisant les bras contre sa poitrine tout en dardant un sombre regard sur la furibonde, la préceptrice se mord la langue et s’évertue à ne pas s’interposer. Elle sait pertinemment que ça ferait tâche et l’acariâtre bonne femme s’empresserait d’aller dévoiler leur désaccord à lord Hulgard. Elle se contente donc de patienter, comme lors de ces nuits d’orage où la petite est effrayée - même si c’est faire trop d’honneur à cette vieille bique que de l’apparenter à l’inconstance des intempéries. Alors que Leonild ordonne à Jora d’enfiler ses chaussures, la petite s’exécute avec tranquillité avant de venir se placer aux côtés d’Irinwe, lui attrapant la main dans un signe de complicité évident. La préceptrice est surprise par l’initiative mais coule un regard rieur à la demoiselle dont elle serre la menotte avec réciprocité. Le rayon de soleil chaleureux qu’elle incarne à elle toute seule n’est pas prêt à se dissiper, même sous les injonctions carnassières et méprisantes de cette bonne vieille Leonild qui n’en manque pas une pour asseoir son autorité. Irinwe se saisit du morne regard que lui lance la domestique, la moue dédaigneuse se couplant au refrain de paroles vexantes qu’elle garde en réserve pour leur face à face. Comme tout elfe qui se respecte, qui a dans les gênes une prédisposition à ignorer avec froideur toutes les remarques désobligeantes qui lui sont adressées, Irinwe essuie le venin de par un regard trouble, où miroite un brin de suffisance aliénant un éclat jubilatoire. « Vous vous oubliez très chère... » Une simple remarque qu’elle siffle entre ses dents serrées, avant que Leonild ne daigne faire taire son entêtements et s’en retourner à ses corvées. Irinwe la regarde s’éloigner en silence, la mâchoire crispée sur le flot de paroles médisantes qui ne demande qu’à lui écorcher le palais.


Q
uoiqu’encore captive des rouages de sa colère, l’elfe finit par incliner la tête en direction de sa protégée qui - d’une voix des plus innocentes et adorables - formule une critique enfantine et imagée de cette bonne vieille Leonild. A n’en pas douter que la vérité vienne de la bouche des enfants ! La belle hausse d’abord les sourcils, circonspecte, puis étouffe un rire tout en s’imaginant la chose. Si Irinwe n’aime pas spécialement médire sur les autres, la domestique à la voix stridente qui s’échine à rester sur ses talons pour la rabrouer, est bien celle qui mérite toutes les moqueries du monde. Soupirant avec tendresse, la préceptrice se baisse à nouveau, gardant bien précieusement la mimine de l’enfant dans la sienne. « Je crains que Leonie ne soit trop attachée à l’ordre et la rigueur lady Jora. » Lui souffle-t-elle, drapée de sa bienveillance habituelle. « Ce qui lui fait oublier l’essence même de ce que un enfant peu convoiter. L’amusement et la légèreté. » Un constat peut-être un peu triste qui s’efface pour la laisser rayonner d’un sourire. La mention des biscuits au miel parmi lesquels la servante rondouillarde n’hésite pas à piocher étire un sourcil moqueur à l’elfe qui secoue légèrement la tête, rappelée à sa tâche par la voix fluette de Jora. Si Erinwe aime à dispenser sa sagesse par diverses leçons historiques et connaissance d’herboristerie, elle apprécie encore bien plus les moments de complicité échangés lorsqu’elle apprend à la petite quelques unes de ses recettes privilégiées. « D’accord, mais ce devra être notre secret alors. »La question que Jora lui pose au sujet de la signification d’atavisme lui fait étirer une moue dubitative. « Hmmm... C’est un autre mot pour parler de l’héritage ma lady. » L’elfe lui effleure affectueusement la joue avant de se redresser et de l’entraîner à pas lents vers le rez-de-chaussée. « Je crois que Leonild n’aime pas beaucoup les elfes. » Sans aucun doute, même.


H
eureusement, le personnel de cuisine ne s’affaire pas encore à préparer le repas du soir, ce qui leur laisse le chambre libre sous couvert de discrétion. Après avoir jeté quelques coups d’œil jusqu’à la réserve pour s’assurer d’être seules, Irinwe vient refermer la lourde porte en bois massif et demande à la petite de lui énoncer les ingrédients nécessaires. Alors qu’elle acquiesce à chacune de ses réponses justes, comme le ferait la préceptrice devant une leçon récitée, l’elfe s’empare des éléments afin de les disposer sur la table qui trône devant un âtre crépitant. « Il nous faut d’abord faire la pâte lady Jora. Et quelle est la clé pour obtenir un mélange onctueux qui ne manquera pas d’être croustillant une fois dans le four ? » Malicieuse, Irinwe s’empare du large pot de miel en terre cuite dont elle délace le tissu pour le tendre à l’enfant. « Le beure évidemment. » Poursuit-elle en s’abaissant à son niveau, l’invitant à tremper un doigt dans la substance dorée et collante. « Nous ferons une fournée de biscuits mais il ne va pas trop falloir en manger, ma douce. Il faut que vous gardiez de l’appétit pour le repas du soir. Seigneur votre père compte passer du temps avec vous. » Un éclat de sombre mélancolie atténue le vif des prunelles de l’elfe alors qu’elle songe à la seule compagnie des adultes que doit supporter l’enfant. Elle redoute bel et bien que ça lui fasse perdre toute joie et innocence et que ça la pousse à la désillusion, bien trop tôt.    


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Jora Ebonhand

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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptySam 5 Avr - 23:56




N
e jamais évoquer un Ebonhand félon en public : le conseil n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde, même si la fillette était loin d'intégrer l'essence même de l'histoire du pauvre fou qu'avait été le roi Reylan, et surtout, de ce que sa vésanie avait coûté à sa famille. Le trône de Jais, rien que cela en corollaire de son aliénation que l'on avait osé croire héréditaire. Une information mortifiante qu'Hulgard aurait exécré ouïr de la bouche de son unique enfant, et cela, l'elfe le savait pertinemment. S'il y avait bien un sujet sur lequel ne jamais badiner avec le maître, c'était bien la dignité familiale. Comme tout bon patriarche, il préférait se remémorer des hauts faits de ses aïeux pour mieux endiguer les actes d'opprobre qui avaient pu maculer son patronyme. Sa fille aurait tôt fait d'apprendre qu'aucun nom, pas même le sien, n'était immaculé dans les sombres méandres de l'Histoire. Il en allait du devoir éthique de sa préceptrice, que de ne pas la laisser ignorante tout en préservant son innocuité aussi longtemps que plausible. Une préceptrice qui n'aurait pu porter que ce titre, mais qui avait su devenir un pilastre plus que substantiel et exemplaire pour sa jeune maîtresse, qui se sustentait de sa suavité pédagogique plus que tout autre leçon moraliste de la part de ses autres servantes et nourrices. Alors, des convictions raciales de Leonild, elle n'en avait cure, et ne s'inspirerait jamais de la matrone pour forger ses propres moeurs. Trop de rigorisme n'était guère propice à l'éducation d'une jeune lady, les activités ludiques aidant bien davantage à façonner la noblesse tout en faisant fleurir l'innocence tant qu'elle le pouvait encore. Le temps des prises de conscience et des questions existentielles auraient tôt fait de venir la tarabuster une fois le bon âge acquis, si tant était que le lord de maison daignait un jour à lui ouvrir les huis du monde extérieur. En attendant, Jora était ravie d'enrichir son vocable d'un nouveau mot, qu'elle s'échinerait à introduire dans l'une de ses tirades devant son géniteur dans l'espoir de l'impressionner – même s'il y avait fort à parier qu'elle ne saurait plus le prononcer convenablement. « Les elfes sont pourtant jolis. » Arbora t-elle en guise de défense contre l'intolérance de la domestique ventripotente, une opinion qu'elle pensait naïvement suffire en guise d'argutie. Mais à quoi bon ergoter ? L'appel des sucreries terrassait la philosophie des adultes, qu'elle leur laissait volontiers.

Elle se mit à la même rythmique des pas de sa nourrice, observant avec un certain intérêt des environs qu'elle connaissait pourtant plus que par coeur. Une fois parvenues dans les cuisines encore inutilisées, la silhouette pouponne sautilla jovialement jusqu'à la table où elle s'installa, parée à entamer leur odyssée culinaire. Opuscule adéquat sous le nez, elle se mit à graduellement énoncer les ingrédients nécessaires, incapables de les retenir en dépit du nombre de fois qu'elle avait évoqué cette liste. Ebaudie par la seule intonation onctueuse de la sylphide, elle prononça en simultané, frappée par l'évidence. « Du beurre ! » Un immense sourire vint tapir sa physionomie de chérubin lorsqu'elle vit le miel à portée de main, et ce fut dans un éclat de rire malicieux qu'elle plongea l'index dans l'élément sirupeux, prompte à guider le fil dorée jusqu'à ses lèvres gourmandes avant de soubresauter à l'entente de la nouvelle. « Père sera là ce soir ?! » Elle en oublia la substance agglutinée à sa phalange, indiciblement enchantée d'apprendre que le pater fort occupé trouverait le temps de partager sa compagnie. « J'aime bien quand il est là, même s'il a l'air méchant, il a toujours été gentil avec moi. » Hulgard n'avait pas le physique affable, même sa flavescente crinière échouait à l'auréoler d'une quelconque chaleur humaine, et ses iris verts n'avaient d'admirable que leur propension innée à vous fendre l'âme. Il était un haut dignitaire diapré dans sa morgue, un squale implacable qui aimait que les choses soient agencées à sa manière, à tel point austère qu'il était plus que surprenant de le voir agir avec patience, délicatesse et affection pour son héritière. Il aurait aisément pu la façonner à son image et donc l'affubler d'un traitement bien plus rigoureux, mais il se contentait de la protéger, et de la rendre aussi heureuse qu'il le pouvait. Si nul ne la lui aurait prêté, il avait une véritable fibre paternelle, qu'il n'exploitait pas autant qu'il l'aurait souhaité faute de ses coercitions politiques. « Han ! » Inspira soudainement la demoiselle en voyant une perle de nectar goutter de son doigt et chuter sur le textile de sa robe parme, qu'elle macula d'un cercle plus sombre. « Oh-oh. » Elle tenta de rattraper sa bévue en récupérant le suc, qu'elle ne fit cependant qu'étaler sur une plus grande surface. « Je crois qu'il faudra que je me change avant l'arrivée de Père... »

Le constat fait, elle vit le pot s'éloigner et saisit l'avant-bras de sa pédagogue dans un élan de fausse détresse. « Non ! Attends ! Je n'en ai même pas mangé ! » Elle réitéra donc son geste, fourrant son index dans la mixture, mais y ajouta cette fois la complicité du majeur, avec une idée en tête. Elle récupéra la mélasse sur l'un, et étala impunément celle de l'autre sur le nez de l'elfe, avant de s'esclaffer de sa boutade. Puis, elle prit place pour entamer la préparation des fameux biscuits que tous dans le logis semblaient envier, attentive aux recommandations et appliquée dans chacun de ses gestes. Bien que, au bout de plusieurs minutes, elle ne fut plus que spectatrice, et préféra faire la conversation. « Père dit que je suis une petite princesse. Il dit que c'est mon privilège, et qu'un jour viendra où il déposera sur ma tête la plus belle des couronnes ! » L'augure de desseins qui sommeillaient encore dans la pénombre du quant-à-soi, un but ultime qui, ainsi déclaré, pouvait paraître anodin, alors qu'il n'était question que du jeu des trônes, dans lequel le lord Ebonhand était lancé corps et âme. Ce n'était malheureusement point d'une vulgaire tiare que le paternel avait l'intention de ceindre le crâne de sa progéniture, une véracité à en devenir dont nul n'imaginait encore l'impact. Pour l'heure, les pommettes rehaussées par sa risette ingénue, elle était heureuse à l'idée que son pater puisse la couvrir de cadeaux. « Tu penses que je suis une princesse, toi ? » Jora posa ses coudes sur la surface encombrée de la table, puis soutint ses joues rondelettes dans la paume de ses mains, boursouflant un peu plus un faciès déjà tout en courbes. « Irinwe... Tu peux me redire comment elle était, maman ? » La belle n'avait coudoyé la défunte lady que le temps de quelques mois, mais c'était bien plus que la fillette, qui n'avait jamais eu ne fut-ce que la chance de l'apercevoir un jour. Et dans sa candeur enfantine, une autre interrogation lui vint à l'esprit, qu'elle n'hésita pas à poser malgré son caractère délicat et privé. « Et toi, comment sont-ils, tes parents ? Tu ne les vois plus ? Es-tu fâchée avec eux ? » Elle n'avait jamais connu sa nourrice qu'en tant que telle, et s'intéressait à sa vie outre son statut de domestique pour la première fois.

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Irinwe

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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyLun 7 Avr - 15:40

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La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau.





P
renant très à cœur l’éducation de la petite lady, Irinwe n’a cessé de se montrer patiente et compréhensive sur des sujets épineux qui auraient pu faire bondir de rage Leonild et son entêtement pour les bienséances. Jora témoigne là d’une curiosité et d’une vivacité d’esprit qui surlignent l’intelligence exigüe de la demoiselle qui saura mettre le doigts sur tous les non-dits et les sombres évènements qui, en filigrane, entachent le nom de sa maison. Même si le désir de l’elfe de protéger l’enfant se fait irrémédiable, elle doit se résoudre à l’aider à grandir en lui donnant toutes les armes pour affronter les jugements extérieurs. C’est avec émotion que la donzelle se dit que la petite aux mirettes attendrissantes deviendra bien vite une adolescente, confrontée avec bien plus de virulence à cette cage dorée qui la tient éloigner des autres. Et qu’elle ne tardera pas à devenir une femme, rayonnante et responsable, que son père empressera de marier dans l’espoir de perpétrer son nom au sein de la noblesse d’Ibenholt.


U
ne fois dans la cuisine, à lui faire énoncer les ingrédients nécessaires pour ses fameux biscuits au miel, Jora se montre docile et enthousiaste à l’idée de mettre la main à la patte. Comme toujours. Mais dés lors sa préceptrice lui accorde de tremper son doigt dans le miel, mentionnant la présence de son paternel au repas du soir, que la demoiselle semble piquée par un soubresaut enthousiaste qui arrache un sourire à Irinwe. Hulgard étant un homme occupé par les affaires de la cour, il ne passe que peu de temps avec celle qu’il considère comme la prunelle de ses yeux - le genre d’autre tâche d’ombre qui vient ternir à l’enfance de Jora qui est contrainte de supporter ses domestiques comme seule présence de proximité. Le sentiment de l’elfe concernant le lord a toujours été fait de respect et de circonspection. Après tout, c’est lady Velanna, son épouse, qui s’est échinée à le convaincre de la prendre à son service lorsque sa vie ne tenait qu’à un fil. Mais il faut reconnaître qu’Hulgard ne s’est jamais trop montré méfiant ou rebuté à son égard, esclave des émotions de sa fille la concernant. Au commentaire de la jeune lady, Irinwe biaise sur elle un regard inquisiteur, les traits pétris de douceur et d’affection. Il est vrai que lord Ebonhand s’est toujours montré implacable et sévère - l’apanage des hommes de pouvoir qui, malgré leur amour, préfère agir de manière pragmatique et sans la moindre effervescence émotive. « Vous êtes ce que votre père aime le plus au monde ma lady. » Et s’il ne l’affiche pas comme il le devrait, sûrement est-ce du à cette pudeur seigneuriale dans laquelle s’enlisent les lords respectables. Irinwe verse un peu de farine sur la table pour y  joindre un peu de beurre, mais voilà que faute d’inattention, Jora tâche sa robe d’une goutte de miel. L’elfe se mord la lèvre avec légèreté et plisse un œil malicieux à sa petite interlocutrice. « Ne vous en faites... Peut-être pourriez-vous mettre la robe de soie émeraude ? Je suis certaine que seigneur votre père aime vous voir ainsi vêtue. J’enlèverai cette vilaine tâche après avoir enfourné les pâtisseries. » Lui confie-t-elle dans un murmure, comme si c’était leur secret. Alors que d’une main avisée, Irinwe s’apprête à éloigner le pot tentateur de la frimousse de la petite, cette dernière l’interpelle pour pouvoir y goûter comme il se doit. Docile, l’elfe rapproche la mixture et offre un regard amusé à Jora qui y trempe deux doigts sans pour autant se douter de ce que l’enfant a en tête. Surprise par le geste qui vise à lui en étaler une bonne partie sur le bout du nez, Irinwe affiche une moue désinvolte, s’éloignant en feignant son mécontentement. « Lady Jora ! » Ses sourcils se froncent comme s’il elle s’apprêtait à la gronder, mais elle finit par secouer la tête en laissant un rire sincère franchir ses lèvres. « Je suis certaine que le miel est bon pour la peau ! En tout cas, pour sûr qu’il est délicieux ! » Eloignant le pot vers le centre de la table, l’elfe récupère du bout du doigt la mélasse sucrée pour la porter à sa bouche, après quoi elle se saisit d’un torchon pour mieux l’essuyer de sa figure. « Allez, il nous faut pétrir où nous n’aurons jamais fini ! » Si la petite se montre assidue au tout début de la recette, la préceptrice prend bien vite la relève pour ne pas qu’elle ne se tâche davantage. Malaxant la pâte pour la scinder en biscuits aux formes amusantes, Irinwe prête une oreille attentive aux dires de Jora. Quelque peu prise au dépourvue par la tournure de la discussion, elle hausse les sourcils en biaisant un regard sur elle. Il est connu de l’histoire d’Ibenholt que les Ebonhand siégeait sur le trône avant que le roi fou ne s’immole et que sa Main du Roi, un elfe, reprenne le flambeau. C’est ainsi que la lignée souveraine devint elfique et que les Ebonhand payèrent cher le prix de cette bavure, étant relégué au rôle de simple nobliaux dans la cité qu’ils auraient pu gouverner. Les choses sont ainsi faites, et pourtant, dans les paroles formulées en toute innocence - ce qui a de quoi s’apparenter à un rêve d’enfant, rien de plus - Irinwe commence à entrevoir le joug de l’ambition politique se distiller dans les veines du seigneur de maison. Ne sachant comment aborder le sujet, Irinwe laisse le silence s’installer un court instant avant de lui répondre. « Et bien... Vous serez toujours la princesse de votre père, lady Jora. » Hésitante, la préceptrice ne peut s’empêcher d’émettre un petit soupir. Cela ne fait-il pas partie des leçons d’histoire que d’apprendre à Jora les pérégrinations de la couronne d’Ibenholt ? « Il est vrai que beaucoup d'Ebonhand ont jadis porté la couronne, Jora. » Commence-t-elle, patiente tout en se concentrant sur son ouvrage. « Mais les circonstances ont fait que l'un d'eux a perdu sa couronne, pour la donner à une lignée elfique. » Haussant brièvement les épaules, elle coule un regard vers la figure juvénile. « Et de ce fait, les Ebonhand ne sont plus jamais remontés sur le trône. » A-t-elle bien fait de lui conter cette histoire ? Alors que son père s’échine à l’envelopper dans cette image de princesse en devenir ? « Bien sûr que vous êtes une princesse à mes yeux ma lady. » Lui confie-t-elle tendrement en effleurant la joue ronde de son index enfariné. Dans un petit rire confus, elle lui essuie le visage à l’aide d’un torchon propre  avant de se redresser, rattrapée par les questions de la petite. « Votre mère ? » Velanna Ebonhand lui évoque beaucoup de choses et de sentiments contrits. Elle était une femme qui voulait le meilleur pour son enfant, une personne compréhensive qui ne manquait pas de prudence pour protéger ses intérêts. C’est surtout en tant que femme qu’Irinwe l’a connu et c’est en tant que telle qu’elle s’en souvient. « C’est grâce à elle que je suis à votre service aujourd’hui lady Jora. C’était une belle femme, au port de reine et au sourire sincère. Elle tenait à vous offrir le meilleur, tout comme votre père. » Une vague tristesse s’imprègne du faciès de l’elfe, bien vite chassée par la nouvelle question qui fleurit aux lèvres de l’enfant.  Ses parents. La gorge de la belle se noue mais elle n’essaie de ne rien faire transparaitre de son trouble. « Oh non, je ne suis pas fâchée contre eux. Tout comme votre mère, ils sont partis il y a déjà plusieurs années. » Exécutés comme des traîtres à la couronne, alors qu’ils ne l’ont jamais été. Irinwe se sent toujours révoltée quand elle y repense, mais à quoi bon ressasser le passé ? Ses parents sont morts et elle ne peut rien y changer. « Mon père était originaire de Sorhelm et a quitté la région pour rejoindre Ibenholt et épouser ma mère. Il était quelqu’un de très instruit et il aimait tant me faire part de ses connaissances. Cela me manque beaucoup aujourd’hui, mais j’espère sincèrement vous apporter autant que lui a su m’instruire. » Irinwe préfère se concentrer sur son dur labeur. Elle enduit les biscuits modelés de miel et les dispose sur une plaque qu’elle se presse d’enfourner. Se rinçant les mains dans la cuvette d’eau fraîche, elle les essuie contre son tablier en soupirant d’aise. « Et voilà ma lady ! Rien qu’un peu de patience et vous pourrez en grignoter un. » Tendant brièvement l’oreille vers les couloirs, l’elfe fronce les sourcils et reprend dans un murmure. « Mais j’entends que l’on vient. Vous devriez vous faufiler jusqu’à votre chambre pour changer votre robe. Je passerai vous apporter l’un des biscuits dés qu’ils seront prêts. » Elle échange une risette malicieuse avec la prunelle des Ebonhand et la guide gentiment vers la porte de biais. Rien de mieux pour chasser les plaies de l’esprit que d’en revenir aux jeux légers de l’enfance.

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Jora Ebonhand

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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyMar 8 Avr - 15:06




L
a robe smaragdine serait parfaite pour accueillir le maître de maison et lui faire honneur. Qui plus est, cette tenue lui seyait à ravir – si, c'était Hulgard qui le lui avait dit, et il ne la mystifiait jamais. Une cécité filiale et confiante qui, au gré des vicissitudes et des ans aurait loisir à se faire excorier puis étêter, mais en attendant, la probité du patriarche lui semblait irréfrangible. Elle ignorait encore de quelle sombre notoriété souffrait la Main Blanche, dont elle hériterait tant du patronyme que des responsabilités, et des péchés. Pour l'heure, l'unique vice dont on aurait pu affubler la fillette était la gourmandise et sa propension à se bâfrer de friandises, quitte à ne plus avoir d'appétit lorsque la véritable pitance arrivait. Travers d'enfant – ou d'oisif – que l'elfe veillait à contenir, récompensant son obédience par quelques exceptions comme avec le nectar dont elle s'était faite badigeonner le nez. Et après avoir témoigné d'une irrécusable concentration, voilà que Jora n'avait pu museler ses questions fallacieusement existentielles et sa curiosité certes innocente, mais fort inopportune. Elle était une graine de lignée jadis royale, son paternel lui avait déjà confié ce secret, brûlant d'une fierté qu'elle ne lui avait jamais vu ni avant, ni après. Savoir que du sang bleu fluait dans ses marbrures lui donnait la sensation d'être unique parmi le commun des sujets, elle se plut d'ailleurs à contempler le dessous de son avant-bras et son réseau veineux comme s'il avait été plausible d'apercevoir la marque de sa grandeur ancestrale. Beaucoup de ses aïeux avaient été des rois – exemplaires ? Elle n'en avait pas la moindre idée, pas plus de cette déconvenue qui les avait conduit à perdre la couronne au profit d'un souverain elfique. « Ah bon ? » Une pléiade de conjectures bourlinguait dans son esprit, si bien qu'une hypothèse ubuesque parmi les plus plausibles fleurit, et elle ne songea pas davantage avant de l'énoncer. « Peut-être que le roi Ebonhand a juste fait tomber sa couronne de sa tête, qu'elle a roulé jusqu'aux chausses d'un elfe et il l'a récupérée. Puis il est devenu roi. Tu crois que c'est possible ? » L'univers à travers les mirettes d'une petite fille devenait un monde de vaudevilles et de fantaisie à mille lieues de toute logique, mais son attendrissant minois et cette façon qu'elle avait de légèrement incliner la tête sur le côté à la suite d'une naïveté excusaient sa sottise.

Puis, elle sourit lorsque son interlocutrice entérina la voir comme une princesse, elle aussi, et fit silence quand elle commença à réciter la personnalité qu'avait été la défunte mère et épouse. La demoiselle connaissait sa description et le conte de l'enrôlement d'Irinwe au service de leur famille par coeur, mais elle ne se lassait jamais de les écouter à nouveau. Un discours concis qui lui suffit, et elle s'intéressa ensuite de près aux parents de sa préceptrice dont, en revanche, elle entendait parler pour la première fois. Quitter les landes méridionales au profit de celles septentrionales par amour, cela résonnait comme une douce mélodie aux tympans de l'héritière, qui aspirait candidement à ce noble idéal qu'étaient des sentiments sincères et réciproques, prompts à tout défier et vaincre. Sans distinguer le malaise qu'apportait la discussion, elle commenta avec entrain. « Ce devait être un bon papa ! » Ardu de se prononcer sur l'acabit d'une bonne génitrice, alors qu'elle ignorait même ce que cela pouvait être. Aussi s'abstint-elle et contempla sagement les confiseries prendre forme avant d'achever leur course dans le four, duquel elles ressortiraient prêtes à être dégustées. Et elle se languissait déjà, avant qu'elle ne voie Irinwe tendre l'oreille et qu'elle ne l'imite dans un parfait mimétisme, alors persuadée que l'on venait effectivement. Elle bondit de sa place et trottina jusqu'à l'huis. « D'accord ! Attention à ne pas te faire prendre, il faudra te faufiler dans les ombres comme un Sycophante !... Euh... Mais un Sycophante gentil. » Elle haussa les épaules après sa piètre tentative de se rattraper, puis elle se pencha pour examiner le corridor et sortit enfin pour rejoindre l'étage, dans une discrétion toute relative mais une impatience palpable.





An 926


S
i l'hiver semblait être une notion sempiternelle en Ibenholt, le coeur de sa saison harpait le royaume dans un vortex de gèle et de neige qui aurait pu épeurer quiconque n'étant pas natif de cette région. De l'aquilon tranquille, les forces éoliennes étaient passées à des bourrasques cinglantes qui dissuadaient les braves gens de trop se hasarder hors de leur logis, autant qu'elles molestaient ceux qui n'avaient pas la chance d'avoir un toit sous lequel s'abriter. Les températures chutaient et les cieux larmoyaient de gargantuesques quantités de flocons qui s'amoncelaient, inlassablement, menaçant d'ériger une nouvelle montagne en plein milieu de la Cité. Cela faisait déjà un chapelet de journées que le simulacre d'une tempête s'était abattu sur la contrée, obstruant les venelles et condamnant les habitants à la plus grande vigilance s'ils daignaient mettre le nez dehors. L'on évitait les déplacements inutiles et les activités superflues, mais la ville ne pouvait se figer dans l'inertie en attendant le triomphant retour des beaux jours, il fallait s'armer de son courage et d'une épaisse pelisse, puis vaquer à ses coercitions, car le monde ne s'arrêtait pas de tourner pour autant. Ceux qui avaient le privilège de n'avoir aucun devoir auquel répondre demeuraient dans le confort des foyers, où il était plaisant de contempler l'extérieur polaire tout en se faisant lécher le derme par la chaleur des âtres qui crépitaient. De quoi avaient-ils à se lamenter ? L'on était infiniment mieux dedans que dehors.

« JE N'EN VEUX PAS DE TES BISCUITS AU MIEL !! » L'assiette explosa en mille éclats sur le sol, jetée avec la force d'une ire qui effleurait la démence. Les brisures manquèrent d'écorcher les chevilles à proximité, et les gâteaux gourmands dont la réputation n'était plus à faire s'éparpillèrent par terre... où ils furent rageusement écrasés, réduits en miettes éparses par les talons d'une jouvencelle littéralement endiablée. Elle les piétina, encore et encore, faisant de ce geste inconsidéré l'emblème de son abrupte et violente insurrection que nul n'avait et n'aurait jamais pu prévoir. Après s'être déchainée sur l'ennemi culinaire, la respiration erratique et un pourpre furibond aux joues, elle déporta son regard hostile sur les trois seuls témoins de sa folie. « Je ne veux plus de votre dévouement ! Je ne veux plus de vos airs affables ! Je ne veux plus de vos précieux conseils ! Je ne veux plus de vos leçons et de votre éthique ! Je ne veux plus de votre pitié affectueuse !! » Elle les toisa avec une haine torrentielle, comme si, de servantes attentionnées, elles s'étaient altérées en succubes qui ne désiraient et n'avaient toujours désiré que son malheur. Elles étaient responsables, elles aussi, de cette infortune cossue et sentencieuse dans laquelle elle était indûment claustrée. D'ailleurs, après les friandises, ce fut au tour de sa coiffeuse de faire les frais de sa colère. Elle en balaya toute la surface et fit choir bijoux, baumes et parfums. « Je ne veux plus de ces fioritures, de ces atours qui me sont totalement inutiles ! » Cette fois, elle s'en prit à sa chevelure, ôtant les ornementations et pinces qui enjolivaient et retenaient ses mèches en une coiffure habile et distinguée. Les mèches argentines tombèrent en une oeuvre chaotique, accentuant l'aspect et l'aura débridée d'une hydre à en devenir. « Lady Jora !! Vous vous arrachez à moitié les cheveux, arrêtez ! Vous allez vous faire mal ! » Osa Leonild en s'approchant, comptant sur son galbe plus dodu pour immobiliser sa maîtresse, mais celle-ci recula, manqua de trébucher au passage et poussa un glapissement d'une rage infernale qui effaroucha la domestique. Celle-ci fit un gigantesque bond en arrière, sa masse capillaire dressée sur la tête. « Par tous les Dieux, elle est possédée ! Elle est devenue folle ! »

L'était-elle ? Jora elle-même se le demandait. Ce cocon d'illusions dans lequel on se plaisait à la calfeutrer n'était pas la réalité, elle avait l'impression d'être une créature capable de se rompre sous un simple coup de vent, de n'être qu'une poupée de sucre à laquelle tout était interdit... Fragile au point que des praticiens la suivaient, l'auscultaient, et la soignaient contre un ml inexistant depuis sa plus tendre enfance. Des cautères dont elle n'avait jamais compris le sens qu'elle en avait assez d'avaler sans raison apparente – et cette solitude... et cette cage dorée... et ces chaînes de soie épineuse qui l'empêchait de prendre son essor. Quinze ans. Quinze ans, et elle ne connaissait absolument rien, ou si peu, de l'extérieur. Elle aurait aisément pu compter ses sorties sur ses doigts, et n'avait jamais dû se fier qu'aux opuscules qu'elle lisait et aux dires de ceux qui avaient la chance de pouvoir sortir. Jusqu'alors, elle ne s'était jamais plainte, fillette docile et obéissante, sans jamais un caprice, sans aucun mot plus haut que l'autre... Puis, elle était devenue femme. Un récent matin, ses draps s'étaient maculés de sang durant la nuit, et on lui avait dit qu'elle n'était plus une enfant. Prête à concevoir et porter un héritier – prête à être mariée. Depuis, elle se confrontait aux inéluctables changements qu'impliquait cette évolution dans la vie d'une jeune fille, des changements pernicieux, les voix d'une sédition qu'elle s'était échinée à ignorer, jusqu'à aujourd'hui... Elle avait osé. Osé soumettre une requête pourtant légitime à Hulgard, celle d'obtenir plus de libertés, à présent qu'elle était adulte. Le lord, qui avait gravi les échelons jusqu'à se hisser à la place de Main du Roi, avait catégoriquement refusé. Il était ensuite tombé des nues en entendant, pour la toute première fois, sa progéniture rétorquer, et même, le sommer d'accéder à sa réclamation. Offensé, l'Ebonhand l'avait âprement remise à sa place, et ordonné qu'elle retourne dans ses appartements pour ne plus en sortir jusqu'à nouvel ordre, sous peine d'une punition autrement plus sévère. La donzelle s'était exécutée, en essayant vainement d'éteindre le brasier qui lui calcinait les entrailles, pour finalement entrer en irruption à l'arrivée pourtant obligeante de ses servantes. C'était ainsi que tout avait commencé, et la situation n'allait vraisemblablement pas en s'arrangeant.

« Vous êtes ses gouvernantes attitrées, moi pas ! » Cracha la pansue Leonild à l'attention d'Irinwe et d'une tierce personne, l'air paniqué. « C'est à vous de gérer cela ! » Et elle fit volte face pour sortir de la chambre, puisque son autorité usuelle n'y faisait rien, couarde qu'elle était. Meryll, une trentenaire au crin noir freux et au faciès maternel, échangea une oeillade avec l'elfe à ses côtés, tâchant de ne pas céder à l'effroi ou à tout autre sentiment négatif. Avec la préceptrice, elle était la nourrice la plus proche de Jora, qu'elle avait elle-même sustenté au sein – car étrangement, Hulgard n'avait jamais voulu octroyer ce qu'il jugeait être un privilège à Irinwe, peut-être parce qu'il avait jugé que du lait elfique aurait été inadéquat pour sa petite princesse. « Calmez-vous mademoiselle Jora, par pitié... Cela ne vous servira à rien d'agir de la sorte, si ce n'est vous attirer les foudres du seigneur votre père... » Abasourdie par la tournure des évènements, la gouvernante tentait tant bien que mal de pacifier les choses, et se plut à précautionneusement s'écarter pour approcher comme on le ferait avec un animal potentiellement dangereux. « Là, venez, nous allons parler, il y a d'autres moyens de... NE ME TOUCHE PAS !! » Derechef, la nymphette avait reculé, et sans plus réfléchir, saisit sa brosse à cheveux qu'elle lança en direction de Meryll. Celle-ci eut le réflexe de se baisser pour éviter le projectile, qui percuta un vase et le fit se casser par terre. Profondément choquée, la pauvre femme se tourna vers sa semblable. « Irinwe ! Fais quelque chose ! Oui, Irinwe, fais quelque chose ! » Les prunelles embrasées de la demoiselle se posèrent sur cette dernière, qu'elle sembla empaler d'une fureur sourde et elle l'enjoignit sur un ton péremptoire. « Fais-moi sortir d'ici ! »

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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyMer 9 Avr - 15:18

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Flashback - 5E926


D
églutissant avec peine, Irinwe se met à blêmir. Cela fait depuis quelques jours déjà, que la sensation d’être sur une pente raide l’étrangle. L’évidence même que lady Jora puisse se lasser de sa cage, aussi dorée soit-elle, n’a cessé de la hanter dés l’instant où la jeune femme s’est mise à fleurir. Mais que peut-elle faire mise à part redouter que la donzelle ne se laisse dépérir dans l’espoir d’attirer l’attention de son paternel qui la surprotège ? De le forcer à obtempérer sous peine de risquer à la perdre définitivement ?
Les moindres inquiétudes de sa lady plongent l’elfe dans un flot d’émotions contradictoires, elle qui l’a vu naître et l’a bercé dans ses bras protecteurs. La prunelle des Ebonhand a pourtant bien grandi, femme faite et prête à offrir descendance à un époux éventuel - elle n’est plus une enfant et Irinwe a la fâcheuse tendance à l'oublier, comme une mère peinerait à laisser s’envoler l’oisillon du nid. La belle n’est pas sans savoir que Jora a exigé plus de libertés auprès d’Hulgard, désormais Main du roi Kalanar, mais la réponse de ce dernier ne fait nul doute en vue du comportement revêche de la donzelle qui semble moudre en son sein une colère indicible. Malgré le froid qui règne à l’extérieur, cristallisant l’architecture d’un voile immaculé, Jora semble s’entêter à vouloir mettre un pied dehors. Une exigence qui sonne aux oreilles de la plupart de ses servantes comme un caprice saugrenu qui serait susceptible de s’atténuer grâce à quelques sucreries et occupations débonnaires. Et pourtant, elle est bien loin l’enfant curieuse et docile qui se plaisait à se cacher dans les recoins pour faire gentiment grommeler le personnel de maison - ça, Irinwe le sait pertinemment.


Q
uand l’assiette vient se briser avec fracas sur le sol, les trois servantes échangent un regard pantois. Les prunelles troubles d’Irinwe s’écartent de ses paires pour afficher succinctement une note d’agacement et de déception, les lèvres imperturbablement closes malgré l’injonction de sa maîtresse - cette dernière, qui s’échine à piétiner les pâtisseries avec fureur comme si elles étaient les seules responsables de son enfermement. Jamais les servantes de Jora n’ont eu l’occasion de la voir aussi furibonde car la jeune femme s’est toujours abstenue jusqu’à aujourd’hui de faire payer ses domestiques pour le refus de son père de lui céder ce qui semble être dorénavant une nécessité. Et pourtant, à l’image d’une donzelle capricieuse dans le besoin de faire asseoir son autorité sur ceux qui lui sont dévoués, Jora fait montre d’une amertume sans pareille qui a de quoi sidérer les protagonistes ici présents.
« Ma lady... » Ose Irinwe sur un ton suppliant en se coulant vers elle avant que la vive hostilité de la donzelle ne la fasse reculer aussitôt. Jora relève vers elles un sombre regard, habité par un grain de folie qui a de quoi faire frémir l’échine de la plus bravache. Statufiée dans une expression inquiète et mûre de circonspection, l’elfe ne dit mot, trop occupée à assimiler les paroles vexantes de son interlocutrice. La fureur de la lady au crin d’argent se heurte bien vite à la figure inexpressive d’une Irinwe qui se mord la langue en attendant patiemment que le déluge cesse. Même si l’elfe trouve sa maitresse sévère, à ainsi les accabler de tous les torts, elle ne peut que comprendre son aversion pour ce mode de vie imposé par son père depuis son plus jeune âge. Le monde est tentateur, et celle qui a été jadis la petite princesse à son père, est devenue féroce et téméraire. Bien assez pour ne plus pouvoir se contenter de l’amour étouffant qu’il a à lui offrir.
Irinwe reste immobile, une main sous-pesant l’autre contre sa panse en suivant de ses vives prunelles anthracites les faits et gestes de sa maîtresse qui leur crache sa bile avec hostilité. Alors que dans un torrent de véhémence, la donzelle s’abat sur sa propre coiffeuse pour envoyer valser tout ce qui s’y trouve, Irinwe ressent la nervosité de ses paires qui se mettent à grincer des dents dans un soupir confus. L’elfe se contrefiche bien de voir tous ces flacons répandus au sol, déversant leur contenu hors de prix sur le bois verni. Les efles ne s’attachent que rarement aux biens et aux apparats de richesse, eux qui préfèrent vivre en toute modestie avec leur mémoire et leur savoir. Toutes ces choses là, futiles et fugaces, ne leur survivent jamais alors... Que Jora les brise et les fracasse, si seulement ça puisse avoir une utilité exutoire ! Qu’elle le clame haut et fort, que c’est injuste de l’enfermer ici en espérant la préserver de tout ! Tout est vrai, tout est justifié, mais Irinwe se sent bien impuissante à y changer quoi que ce soit.
Lorsque la jeune femme s’attaque à sa coiffure sophistiquée en arrachant épingles, perles et voilages, Leonild est la première à se stranguler d’outrage. Les yeux rivés sur la figure rageuse et le crin emmêlé de leur interlocutrice, Irinwe plisse les yeux dans un vague abattement. Taillée dans un roc de patience, elle se souvient pourtant sans mal l’aversion portée au roi Kalanar après que celui-ci l’ait fait mandé au palais pour œuvrer en tant que domestique - pour ne pas dire esclave. Farouche et venimeuse, ne supportant guère qu’on la traite comme une moins que rien malgré son érudition, Irinwe est restée suspendue sur le fil de la lame sentencieuse. Sans le moindre remord. Prête à ce qu’on mette fin à sa vie de prés de cent ans. D’une certaine manière, l’elfe admire la pugnacité de ceux qui tapent du poing pour se faire entendre, las de n’être qu’un murmure au milieu d’un torrent de domination. Et alors que Leonild s’affole avec vigueur, faisant appel à la folie pour justifier le comportement de lady Jora, Irinwe n’en demeure que trop compréhensive et conciliante à son égard. Mais désespéramment mutique.

   
D
ans un flottement d’incompréhension et d’impétuosité, voilà que la servante assermentée dans la rigueur et l’autorité tourne les talons pour quitter la pièce et laisser Jora en compagnie des deux autres gouvernantes qui en restent saisies de stupéfaction. Irinwe croise brièvement les onyx de sa comparse qu’elle a côtoyé la majeure partie de son temps depuis la naissance de leur maîtresse commune. Si elle peut lire toute la circonspection et la détresse qui animent la dénommée Meryll, les deux servantes ne peuvent que s’en remettre l’une à l’autre dans un accord tacite pour espérer voir la colère de Jora s’éteindre avant que cela n’empire. Le ton de la nourrice se fait doux et prudent et alors qu’elle essaie d’approcher la furibonde, mais cette dernière ne semble pas le moins du monde encline à la voie pacifique. Alors qu’elle ordonne à Meryll de ne pas la toucher sur un ton qui laisse à présager le pire, la pauvre humaine se tourne vers Irinwe dans l’espoir qu’elle mette sa pierre à l’édifice. Les bras reposant contre les flancs, les yeux de l’elfe se braquent sur ceux de sa maîtresse qui exige qu’elle la fasse sortir d’ici.
« Que je vous fasse sortir d’ici lady Jora ? » Répète-t-elle en pesant bien le silence qui s’installe entre leurs dires. « Et comment suis-je censée faire ça ? Vous savez très bien que le seigneur votre père me trainerait sur le billot pour bien moins que ça. » Son timbre est réprobateur mais elle s’éclaircit pour reprendre un brin de contenance. « Ma lady... J’ai été la première à redouter que ce jour arrive. Je comprends votre désir de voir le monde et je ne peux que déplorer l’entêtement de lord Hulgard à vous considérer comme une fleur fragile. Vous êtes une femme dorénavant. Forte, qui plus est. Je n’ai jamais douté que vous le deviendrez. » Un miroitement attendri embrase ses prunelles mais elle chasse bien vite tout ce qui pourrait être interprété comme une preuve de pitié affectueuse. « Ce n’est pas les éclats de voix qui parviendront à vous faire entendre de votre père, ma lady. Un homme n’a que faire des caprices de sa fille faite femme. Il ne pourra guère vous cacher longtemps au regard de vos prétendants... Un lord, Main du Roi qui plus est, ne peut se permettre de garder jalousement sa fille unique, croyez-moi... » Irinwe porte sa main tout contre sa poitrine dans une émotion sincère et elle esquisse un pas pour se saisir d’une jarre d’eau fraiche. « Irinwe dit vrai mademoiselle Jora. Je vous en supplie, nous pouvons parler de tout ceci et trouver une solution comme nous l’avons toujours fait. » Meryll s’empare d’un verre que l’elfe remplit en surveillant d’un regard inquisiteur leur maîtresse effarouchée. « Et ce n’est pas la meilleure des périodes pour mettre le nez dehors. Il fait si froid que vous pourriez attraper mal. » Ajoute la nourrice d’un air plus confiant en s’approchant de Jora pour lui tendre le verre d’eau. « Je vous en prie, buvez. Cela vous fera du bien. »   




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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyJeu 10 Avr - 12:28



An 926


P
ourquoi... Ces quelques lettres résonnaient douloureusement dans les confins de son âme tourmentée, meurtrie dans d'insondables abysses, altérant l'éclat naguère si épuré du joyau qu'elle avait toujours été. Mais pourquoi ? Pourquoi ne comprenaient-ils pas, pourquoi ne l'aidaient-ils pas ? Ils se contentaient d'une inertie mêlée à un voyeurisme particulièrement vicieux, contemplant avec une impuissance qui s'apparentait davantage à de l'indolence à ses yeux celle qu'ils avaient vu grandir, n'être qu'une éternelle poupée que l'on expose dans une encoignure de la pièce. A quoi bon chérir sa descendance à outrance si cela signifiait la garder jalousement pour soi ? A quel jeu inique son père s'amusait-il à jouer, sa fille en pion primaire, elle se le demandait. Et ces calots prétendument maternels qui léchaient son galbe avec une commisération étouffée par une incroyable et intolérable placidité. Que ses interlocutrices – exception faite de Leonild qui avait préféré prendre ses jambes à son cou et feindre de ne pas savoir ce qui se tramait à l'étage du dessus. - demeurent aussi flegmatiques et n'égarent rien ou si peu de leur contenance était un combustible allégrement jeté sur le brasier qui mangeottait le sens commun de l'Ebonhand. Peut-être la vésanie était-elle latente, dans cette famille controversée qui avait la propriété de fasciner autant que d'effrayer, à l'instar de trop belles chimères anthropophages. Des créatures... dont personne ne voulait ? Qu'était-elle, que voulait-elle être, que voulait-on qu'elle soit – les interrogations, conjectures et doutes s'amoncelaient en une éminence impossible à ascensionner et dont elle dévalait vertigineusement le versant. Sa plus intime psyché évoluait, sans que le reste ne progresse en diapason avec elle, c'était comme inexorablement croître et se sentir subitement à l'étroit dans une geôle que l'on avait pris le soin d'enjoliver, mais elle n'en restait pas moins une. Bien plus qu'une ire inconsidérée, il s'agissait d'une clameur de détresse, d'un appel à l'aide térébrant qui semblait pourtant infructueux. Elle ignorait comment hisser le pavillon de sa désespérance de façon plus adéquate, prise en abordage par d'occultes démons dont elle découvrait seulement l'existence. Qu'il était ironique, au fond, de se sentir perdue et sans boussole au sein de sa propre demeure, qu'elle avait si rarement quitté au profit du dehors. Dehors. Les flocons défilaient en poussière sardonique, appelant à la véhémence nouvelle pour que la demoiselle puisse venir danser parmi eux. Mais cela ne serait pas...

Elle s'était surprise à espérer voir Irinwe frémir sous le joug de son regard incisif, dans l'espoir utopique qu'elle cède à sa lubie et mette sa propre vie en péril pour subvenir à ses désirs. Dans la pulsion de l'instant t, Jora concluait qu'un sacrifice serait peu cher payé pour une liberté si ardemment fantasmée. Aveuglée par un égotisme qu'elle-même ne se connaissait pas, elle en omettait ce truisme qui disait que la perte de sa préceptrice serait une blessure si béante qu'elle ne serait pas même certaine d'être apte à s'en relever. Toutefois, sa sincère affection pour ses gouvernantes n'était présentement que cendres qu'elle abandonnait aux furieuses bourrasques. Bien sûr, qu'Hulgard les ferait exécuter si elles osaient s'insurger contre l'éducation qu'il était le seul à avoir choisi pour son enfant, séance tenante et sans une once de culpabilité. Si Jora n'avait jamais eu l'opportunité de constater de la cruauté de son père, elle savait malgré tout qu'il n'était pas de ces quidams emplis de mansuétude ou d'une quelconque aménité si cela ne lui profitait point. Trop enlisé dans sa haute opinion de lui-même pour octroyer autrui à avoir voix à un quelconque chapitre lui appartenant, et il en allait de même pour son héritière, démunie face aux réponses de la sylphide. Le calme nourricier de cette dernière ne lui donnait que plus envie d'imploser, et ce n'était qu'une question de temps avant que cela n'arrive. Un voile de perdition sur la physionomie, elle baissa ses mirettes et aurait volontiers prier pour qu'on lui porte l'estocade, ici et maintenant, en finir avec cette bile corrosive qui la détruisait de l'intérieur. Finalement, les propos des deux femmes ne furent plus que de lointains échos, des chants d'oiseaux trop éthérés pour pouvoir percer la sphère enténébrée qui la séparait de la réalité. Sans réelle volonté, elle saisit le verre qu'on lui tendait, le regard suspendu dans un obscur néant et l'esprit devenu bohème.

C'était donc tout ce qu'on lui promettait. De vaines discussions qui se chargeraient d'aplanir ses dissonances, sans que rien ne soit voué à changer. Ils lui offriraient l'abdication sur un plateau d'argent avec des risettes évasées et de nouvelles décoctions à ingurgiter. En serait-ce ainsi, pour le reste de sa piètre existence ? Comment diable chatoyer de piété filiale si nul ne lui en ployait jamais l'occasion ? La colère muta en amertume, l'amertume enfante l'affliction, et l'affliction créa une crue émotionnelle qui fit apparaître la rosée à ses cils. Ses yeux s'embrumèrent, ses courbes faciales s'étirèrent en une expression dévastée, puis une perle lacrymale roula sur sa pommette pour tomber dans l'eau de son verre. Elle se sentait comme cette larme... Elle avait un jour existé, jusqu'à déchoir et n'être qu'une goutte indécelable dans l'océan.

« Mademoiselle... » Intervint Meryll, peinée par la scène dont elle était témoin. « Tout ira bien... » Elle avala la distance qui la séparait encore de sa maîtresse, et ses doigts échouèrent sur ses frêles épaules. Un contact qui fit office d'un acide sur son derme d'albâtre, et instantanément, le volcan entra en irruption. « JE VEUX SORTIR !!! » S'époumona la jouvencelle, qui entra dans un état second d'une incontrôlable rage. Elle se mit à glapir comme si d'invisibles incubes se complaisaient à lui faire subir les pires sévices imaginables, s'excoriant la gorge sous la puissance de ses cris éperdus et déchirant probablement les tympans en même temps que la circonspection de ses domestiques. Le verre fut à son tour jeté et créa une rosace de brisures sur le miroir de sa coiffeuse, puis, dans une indomptable frénésie, se mit à se griffer les avant-bras jusqu'au sang et à s'arracher les cheveux, obligeant cette fois Meryll à agir physiquement. Celle-ci se mit également à hurler pour ramener l'adolescente à une réalité dont elle n'avait manifestement plus conscience, ainsi à un paroxysme de fureur comme nul n'en avait jamais vu. Mais Jora était incapable de s'extirper de ce vortex incandescent au point qu'elle avait véritablement la sensation que des flammes lui brûlaient les entrailles, tout n'était qu'intenable chaleur et incoercible besoin de vociférer. C'était au-delà de sa volonté propre, et elle ne sut bientôt simplement plus où ni même qui elle était. Une peur viscérale la tenailla, au loin, elle entendit un gémissement de souffrance et d'horreur digne des plus sombres cauchemars, c'était comme si elle pataugeait en plein Abîme parmi les mânes damnées.

Puis...
Le souffle erratique, la cavité gutturale irritée et douloureuse, le teint exsangue et humecté par les larmes et la sudation, elle rouvrit les paupières. Paniquée par sa propre eurythmie infiniment trop prompte qui pulsait à ses oreilles, elle se sentit encore à demi prise dans les limbes de la déraison, et chercha autour d'elle un quelconque repère visuel pour se rassurer. Mais, devant elle, un spectacle d'une telle atrocité qu'il était banni de dialecte pour le décrire. A ses pieds, le cadavre putrescent de Meryll, la mâchoire disloquée dans une expression d'épouvante et ses globes oculaires presque hors de leurs orbites. Une fragrance pestilentielle eut tôt fait de se dégager du corps suintant et suppurant, une odeur qui manqua de faire rendre gorge à Jora qui préféra cependant pousser un nouvel hurlement d'effroi. Elle voulut reculer, mais chancela sous la faiblesse de ses membres, pour finir par s'aliter sur le sol et ramper jusqu'à se réfugier sous sa coiffeuse, fiévreuse et totalement éplorée. Elle était responsable. Elle venait d'occire l'une de ses plus proches amies, une mère de substitution, une femme qui s'était toujours saignée aux quatre veines pour son bien-être, et qui n'était désormais plus qu'un macchabée en décomposition. Elle ignorait comment, elle ignorait pourquoi, mais elle était persuadée que cette innommable mort était de son fait. La pauvrette se laissa secouer par de puissants spasmes qu'elle ne parvenait à lénifier, en proie à un traumatisme immuable qui la hanterait pour le reste de sa vie. Dans une encoignure de la chambre, elle distingua le galbe de sa préceptrice qui, par un quelconque miracle, avait échappé au funeste sort de sa malheureuse consoeur. La raison de sa survie au même titre que son propre choc pour avoir assisté à l'ensemble d'un mystérieux drame furent relégués au second plan pour la nymphette, qui se mit à balbutier. « I...I...Irinwe... Irin ! Irinwe... !! » Appela t-elle en kyrielle, un recours tronqué par les pleurs et les soubresauts qui s'y affiliaient. Elle tendit une main atrocement tremblante en direction de l'elfe sans pour autant sortir de sa cache, bouleversée, la suppliant de ne pas l'abandonner là, dans les ignominieux vestiges de sa crise.

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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyVen 11 Avr - 17:27

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La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau.



L’
elfe a beau se montrer distante  avec sa maîtresse, elle ressent toute la peine qui la taraude, qui fane ses traits juvéniles et gracieux dans une grimace de sourde détresse.  Jora est une femme qui se sent incomprise, étouffée par le luxe futile et les apparats qui sonnent creux. Tout ceci n’est en réalité que le cloaque riche et puant de la captivité familiale. Irinwe se sent transie dans son immobilisme, affectée par la peine qui transfigure l’expression de la donzelle à la chevelure argentée qui se liquéfie d’une rage dévorante. La préceptrice aurait tant voulu se montrer réconfortante comme l’aurait fait une mère face au dénuement de sa progéniture mais elle s’en sent incapable. Parce qu’Irinwe sait pertinemment qu’elle n’a pas d’influence sur Hulgard et que sa fille ne pourra qu’en souffrir tout au long de sa vie. Et que c’est à elle et à ses paires que revient la tâche ardue d’essayer de recoller les morceaux d’un affect anéanti pour ne pas laisser dépérir la fleur Ebonhand qui n’a que ses rêves pour vivre pleinement. Le regard que lui lance Jora la blesse et la vexe - et pourtant, elle ne peut que se mettre à sa place pour imaginer dans quelle indigence elle se trouve. Etre désespérée au point d’en perdre l’esprit et l’étincelle de pugnacité qui anime sa carne - elle en connait l’amère saveur. La rage laisse finalement place au dépit. Et c’est toujours ainsi que les choses se finissent.
Irinwe prononce ses paroles dans une neutralité qui sonne sentencieuse et elle s’en veut, même si la conviction que Jora ne se montrerait pas plus compréhensive par un ton conciliant se présente à elle. Comme la belle l’a dit un peu plus tôt - elle ne veut plus de leur pitié ou de leur affection. Du moins, c’est ce qu’elle croit à l’heure actuelle en bravant les bienséances pour ne laisser filtrer qu’une haine farouche à leur encontre. Les phalanges de l’elfe s’emmêlent dans le tissu de sa robe et elle passe sa langue sur ses lèvres asséchées par le désespoir de voir Jora dans cet état. Le crin en pagaille, les mirettes dans le vague, et cette expression confrontée à une désillusion des plus totales, cette dernière semble se claquemurer derrière un brin de résignation. Meryll s’empresse de lui tendre un verre d’eau dont elle se saisit machinalement sans sembler se rendre compte de la situation. Perdue dans les méandres de ses pensées contradictoires embrasées par l’impression d’être esseulée, la physionomie de la noble attire irrémédiablement le regard inquiet de sa préceptrice. Cette dernière la sent vacillant sur le fil fragile de la raison, dans un mauvais pressentiment qui cavale bruyamment dans sa caboche comme un glas funeste. Par Xehmethys, faites que ça cesse.
Irinwe sent son derme tressaillir et sa gorge se nouer plus encore lorsque les yeux de Jora s’embuent de larmes. Sa propre impuissance la sidère et la rend furieuse - elle sent comme une main griffue qui lui étreint le cœur au point de l’arracher de sa poitrine. C’est douloureux et ça la statufie, contrainte à être témoin du chagrin de Jora sans pouvoir la prendre dans ses bras. Un soupir s’échappe des lèvres entrouvertes de l’elfe qui baisse ses mirettes vers le sol pour tenter de reprendre le contrôle sur ce corps qui ne lui obéit plus. Meryll prend les devants et s’approche de leur maîtresse, joignant un geste à la parole pour essayer de la réconforter.


U
n effort vain. Un tort même, à en voir la réaction de la donzelle qui se raidit dans un cri véhément. L’éclat de voix terrifiant se lie au geste féroce qui envoie le verre d’eau se briser dans un crissement à faire grincer les dents. Jora s’époumone comme une folle furieuse, happée par une impulsivité destructrice qui la pousse à se griffer les bras et à s’arracher les cheveux. Jamais Irinwe n’a vu de pareille crise, aussi violente et manquant cruellement de lucidité. Car la nymphe semble agir contre un cauchemar, se débattant pour s’arracher à l’étreinte glaciale de l’effroi et vitupère comme si elle avait le diable au corps. La respiration d’Irinwe devient chaotique alors que les yeux roulent dans leurs orbites, effarés. « Jora, non ! » Qu’elle trouve le courage d’articuler alors que Meryll se confronte brusquement à elle pour lui faire entendre la voix de la raison. Les hurlements et apostrophes se lient dans une cacophonie débridée et Irinwe s’anime dans un élan désespéré pour avaler la distance qui la sépare des deux jeunes femmes. Mais voilà que son cœur manque un battement. L’elfe s’arrête, saisie par la torpeur qui s’installe sur sa physionomie comme un voile blême et funèbre. Le cri strident de Meryll, au delà du maigre espoir de faire revenir un peu de clairvoyance dans l’esprit de sa maitresse, traduit une telle souffrance qu’il est impossible à Irinwe de se mouvoir. Ses yeux se braquent sur la silhouette de la servante qui se tord dans tous les sens, sa peau se flétrissant comme du vieux parchemin sous les affres du temps - et la donzelle se trouve incapable de faire quoi que ce soit. La tête enfoncée dans les épaules, la bouche entrouverte et le souffle bloqué dans sa gorge, l’elfe réalise doucement ce qu’il est en train de se passer. Meryll s’écroule, consumée par la colère de sa jeune maîtresse.


C
hoquée, elle reste figée dans le temps, frôlant les limbes de son inconscience. Peut-être aurait-il été préférable qu’elle s’écroule pour ne pas assister à ça ? Cette altération anormale, cette souffrance indicible. Comment cela a-t-il bien pu arriver ? Sous ses yeux, sans qu’elle ne fasse rien pour l’arrêter. Buvant d’un regard torve et absent l’expression de terreur profonde imprégnée sur les traits de sa comparse, Irinwe cligne des paupières pour se sortir de son état léthargique. Ce sont les glapissements paniqués de Jora qui parviennent à l’extirper de cet engluement contemplatif. Elle se couvre la bouche d’une main tremblante alors que les prunelles cristallines daignent s’intéresser à l’adolescente qu’elle a choyé depuis l’enfance. Recroquevillée sous sa coiffeuse et ébranlée par des sanglots terrifiés, Jora répète son nom en tendant une main aux phalanges crispées dans sa direction. Si la peur soulève le cœur de la préceptrice, ce n’est pas pour autant qu’elle tourne les talons pour prendre la fuite. Au contraire, plus que jamais elle réalise que Jora est comme son enfant et qu’elle ne peut se résoudre à la rejeter, la craindre, ou à la fuir. Elle refuse de se faire terrasser par la crainte de finir comme cette pauvre Meryll, essuyant un courroux divin qui a transcendé leur maîtresse sans crier gare.
Dans une inspiration, Irinwe se décide à se mouvoir. Libérant ses épaules de la fine cape émeraude, la belle se coule en direction du corps meurtri de la servante qui git face contre terre pour la recouvrir du fin tissu. Elle le fait pour Jora et non pour elle, car elle-même se sent incapable d’oublier l’expression d’épouvante transfigurée sur les traits émaciés de la servante. Elle peine à croire que la petite est à l’origine de cette tragédie - elle qui n’a jamais témoigné avant de ce mysticisme terrifiant. Hasardant une main moite contre son front, l’elfe trouve finalement le courage de se rendre auprès de Jora, sans craindre le traitement qu’elle puisse lui faire subir en retour. Les doigts de la préceptrice se mêlent à ceux de la jeune fille, les refermant sur sa paume avec douceur et la donzelle vient s’asseoir sous la coiffeuse aux côtés de la pauvrette secouée par d’irrépressibles tremblements. L’invitant à se serrer contre elle en amenant sa tête d’une main tendre contre sa poitrine, elle lui chuchote : « Schhhh... C’était un accident Jora. C’est fini, maintenant. » La mâchoire bloqué contre le sommet du crâne de la belle dont elle caresse les cheveux argentés dans l’espoir qu’elle se calme, Irinwe sent son regard diverger à nouveau vers le linceul funéraire. Elle est contrainte à y penser et à le ressasser des années durant, ce souvenir indélibile. Sa mémoire est son fardeau et elle ne peut que prier pour que Jora puisse oublier ce qu’il vient de se passer. Car ce n’est pas quelqu’un de mauvais, ni de cruel. Tout ceci n’est que le résultat de cette asphyxie incessante et son paternel en est le seul responsable. Renversant légèrement la tête vers l’arrière, la préceptrice clôt les paupières en faisant rouler son timbre doucereux à l’oreille de celle qu’elle considère comme étant sa fille. La mélodie est douce et rappelle sans mal le chant elfique qui la berçait quand elle était encore qu’un nouveau-né - celui qui avait le don de calmer ses pleurs contrariés. « Votre père vous laissera sortir lady Jora. Je vous en fais la promesse. Il vous faut oublier tout ça maintenant... » Les lèvres pincées, Irinwe se rend compte qu’elle ne peut verser aucune larme pour celle qu’elle a côtoyé durant ces vingt dernières années pour le bien de leur maîtresse commune. Maigre compensation que d’imaginer qu’avec cette tragédie horrifique, Meryll est probablement celle qui a aidé du mieux qu’elle a pu lady Jora à accéder à sa requête de voir l’extérieur plus souvent. Pour sûr qu’avec cet évènement, lord Hulgard se montrera compréhensif. Il y sera contraint, sous peine de voir son personnel de maison condamné par le courroux incandescent de sa fille.

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MessageSujet: Re: La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau   La captivité est une malédiction qui vous colle à la peau EmptyDim 13 Avr - 14:22



An 926


T
out ira bien. Cela avait été les derniers mots de Meryll. L'ironie était garce, frappant contre toute éthique sans aucune pitié ni distinction, épouse despotique et facétieuse du Destin qui la laissait décidément agir à sa guise. Ce fut à cet instant que Jora comprit, mortifiée dans son traumatisme encore incandescent, que rien n'irait jamais bien.  La désespoir vint s'enrouler à sa gorge à l'instar d'un serpent dont la robe de spumes la faisait frémir, en plus des violents spasmes qui l'empêchaient de reprendre la maîtrise de son corps ou même de ses émotions. Elle s'était certes enlaidie en harpie le temps de sa crise, mais elle n'avait voulu cela. Souhaiter la mort de quiconque et en particulier de l'une de ses plus proches servantes lui semblait être tellement profane qu'elle n'y aurait jamais songé auparavant. Comment pouvait-on aspirer au trépas de quelqu'un ? Du haut de ses quinze ans, elle ne parvenait encore à comprendre cette sombre notion pourtant inexorable. Et elle voulait disparaître. S'évanouir dans le néant, ne pas avoir commis cette ignominie, se libérer du joug de ce monde où toutes les subtilités lui échappaient. Et plus ardemment encore, elle réclamait les bras bienfaiteurs de sa nourrice, dont elle craignit un moment la fuite avant de la voir recouvrir le cadavre d'un linceul d'infortune. Puis l'elfe vit enfin, la donzelle ne perdit pas une seconde pour se lover contre son sein et se harper à cette tendresse qu'elle avait naguère et à tort qualifié de pitié affectueuse, un peu comme un naufragé s'accrocherait à son seul récif. Elle éclata en incontrôlables sanglots, emplissant cette fois la chambre de plaintes éplorées et trempant le buste de sa préceptrice de larmes coupables. Les doucereuses notes de la berceuse parvinrent à la lénifier, et des pleurs térébrants elle passa aux couinements plus discrets, mais à l'affliction tout aussi saisissante. Oublier, elle ne le pourra jamais, mais elle pourrait feindre. Feindre de ne pas se souvenir, tout comme le ferait très certainement Irinwe, et tous ceux qui seraient mis au fait de la situation.

D'ailleurs, de l'effervescence provint du corridor, où un émétique fumet de putrescence flottait. L'huis des appartements s'ouvrit brusquement pour voir apparaître le lord de maison, que les domestiques étaient allés quérir suite aux hurlements et à la fragrance de mort. La haute stature du seigneur Ebonhand fut secouée par une respiration moins placide qu'à l'accoutumé, car son sang n'avait fait qu'un tour en imaginant qu'il ait pu arriver quelque chose à sa précieuse enfant. Il fronça instinctivement le nez à la forte odeur qui émanait encore de sous la cape, puis aperçut les deux femmes tapies sous la coiffeuse. Si son coeur fut ceint d'inquiétude en voyant l'état de sa fille, il n'en démontra pour l'heure rien et se contenta de se rassurer de la voir toujours en vie, bien que manifestement abîmée. Il s'approcha lentement, se baissa pour saisir le tissu et le soulever juste suffisamment pour constater des dommages. Une indicible expression se niella sur son visage, avant que ses prunelles de jade ne dardent un regard inquisiteur à l'elfe dont il devinait, présentement, aisément les pensées. Etait-ce de sa faute ? Mais plus que tout, qu'était-ce que cette occulte magie qui avait transformé la gouvernante en macchabée suintant ? Il aurait pu remettre toute la responsabilité sur Irinwe en l'incriminant de sorcellerie, mais, étrangement... Hulgard savait que ce n'était point elle. En revanche, ce dont il était certain, était qu'elle était le seul et unique témoin du drame...

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