La calèche cahotait légèrement dans la campagne de Ravenhole, terre d'enfance de la jeune noble. Elle regardait distraitement les paysages défiler au rythmes de l'attelage. Par là, la rivière où elle jouait avec sa soeur. De l'autre côté, la forêt dans laquelle elle allait se perdre quelques fois. Elle avait la sensation d'accomplir un voyage initiatique, lors duquel elle abandonnerait l'enfance, ses croyances et ses facilités pour le monde dur mais autrement plus attirant de l'âge adulte. Si elle éprouvait en son for intérieur un pincement au coeur, elle était surtout excitée de découvrir la Cour. Elle ne doutait pas de devenir rapidement une habituée des jeux des nobles. Et même si cela ne se révélait pas être son talent naturel, elle s'efforcerait à apprendre. Elle le devait, pour le bien des Fairgate.

Elle pensa à son enfance. Fille aînée de sa famille, elle avait grandi choyé sur leur petit domaine. Elle avait appris très tôt la devise de sa famille. "Humble et servile". Dieux qu'elle haïssait ces mots !  Si dans son enfance, elle les avait appliqués à la lettre, elle avait surtout appris à les exécrer durant son adolescence. Qui sur terre rêvait d'être humble et servile ? On lui avait raconté que son ancêtre s'était battu lors d'un tournoi et l'avait remporté aussi aisément que s'il prenait un jouet à un enfant. En récompense, le Lord Ravncrow de l'époque lui avait donné des terres et un titre. Comme son nouveau domaine était le seul passage vers la source et que son ancêtre était l'homme le plus aimable, le nom de Fairgate s'est imposé de lui-même. Quant à la devise, des générations de courbettes, de léchage de bottes et d'autres bassesses ont confirmé les mots qui avaient étaient pressentis. Il n'était pas étonnant que les Fairgate ait été considérés comme des moins que rien, toujours  la bouche pleine de mots doux pour les grands et la cervelle aussi développée que celle qu'on accordait à l'animal qui les représentait : le moineau.

Il était plus que temps pour elle de reprendre en  main le destin de la famille. Ce n'était certainement pas son père, bonhomme jovial mais inutile, qui s'en occuperait. En effet, si elle n'avait pas agi dans les temps, elle aurait été mariée... à un fermier ! 'un bon ami à moi', avait dit son père. Ruiné et sans nom, avait-elle souligné. Elle avait 14 ans à l'époque et elle remerciait depuis les Dieux de lui avoir donné la bénédiction des Fils de Septentrion. Elle avait plus ordonné que négocier la cessation de ces discussions. Et sa mère qui n'avait rien dit... Enfin, il était vrai qu'elle même avait été laitière avant de devenir Lady Fairgate... Dans la famille, on suivait son coeur et non sa tête, et cela, Aileen ne le comprendrait sans doute jamais. Elle avait eu pendant quelques instants de l'espoir avec son cousin, fier guerrier au bras fort, mais il s'était engagé dans les Sentinelles d'Alfeynheim. Un cas désespéré...

C'étaient donc là les raisons de son départ. Il n'y avait que des incapables dans sa famille et avec la naissance de son jeune frère deux mois auparavant, elle se devait de dorer le blason de sa famille. Si elle montait, toute le reste suivrait. En effet, qui ne voudrait pas épouser le frère d'une Lady importante ? Restait tout de même à trouver un mari et des amies. Même si elle ne doutait pas qu'elles ne seraient jamais vraiment ses amies.

Elle sourit tendrement à la campagne environnante. Elle doutait de la revoir un jour, si ses plans fonctionnaient, mais elle ne regrettait rien. Demain, elle serait une Lady digne de ce nom.

Félicitations, très cher pion, et bienvenue sur l'échiquier de Frostfall. Gare à toi, parce qu'ici, la félonie est un plat qu'on sert à toutes les sauces...

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   Sur ce, nous te souhaitons bon jeu sur Frostfall et espérons que la Fatalité te sera favorable !