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 The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )

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Jora Ebonhand

Perle de Nacre

Jora Ebonhand
Perle de Nacre
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MessageSujet: The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )    The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )  EmptySam 5 Avr - 12:35



Flashback - An 930




A
défaut de brandir l'oriflamme de l'honneur chevaleresque à l'instar des fins bretteurs, ou d'encenser plèbe et masse seigneuriale pour faire fructifier brigue et autres conspirations, elle s'instruisait. Jora n'avait toujours vécu ses odyssées que par procuration littéraire, spoliant les protagonistes de leur rôle pour s'introduire à même leurs récits et feindre d'écrire la sienne. Une plus galvanisante, diaprée des teintes criardes de la contingence et des déconvenues qui s'achevaient cependant toujours par un inénarrable succès. Les recueils historiques s'amalgamant aux opuscules fantastiques, elle se sentait s'épanouir dans un univers parallèle dont elle seule possédait la clé, et où fantasmagorie flirtait avec réalité. Combien de fois, déjà, s'était-elle surprise à béer en mirant l'horizon depuis le balcon de ses appartements ? Intimement persuadée, qu'un jour viendrait où, telle l'oiselle qu'elle était, elle prendrait son essor et ainsi pourrait saisir les brides de son existence. Outrepasser les lisières d'Ibenholt, la Cité qui l'avait vu naître, grandir, et semblait être destinée à la voir péricliter puis mourir. Contempler et visiter par-delà les remparts, ceux-là même qu'on lui avait toujours présenté comme les confins de sa cage. La liberté était une utopie à laquelle elle n'aurait jamais droit, c'était un fait limpide qu'elle n'était plus assez sotte pour inhumer de sa naïve espérance, mais à ce noble idéal, elle voulait goûter au moins une fois. Même un simple mirage, aurait suffit à la contenter, au moins avant qu'elle ne soit promise à un quidam qui la ferait captive d'un lien matrimonial, après avoir été la prisonnière de celui filial. L'avenir ? Elle n'en distinguait rien dans la brumasse des théories, s'agrichant aux décisions et aux prévoyances d'un père qui, elle le savait, ne désirait que son bien. Joyau diaphane et précaire d'Hulgard, il ne la sertirait pas à n'importe quelle destinée, trop alouvi d'omnipotence et de reconnaissance pour un patronyme qui s'était périlleusement raréfié au gré des siècles. Et c'est bien pourquoi, lorsqu'il s'en était venu lui annoncer son départ imminent pour Ravenhole, elle avait omis de s'exalter. Il exauçait pourtant l'un de ses voeux les plus chers, celui de quitter ses terres natales pour fouler d'autres sol, mais... Pourquoi diable dans le nid du Freux ? Elle avait lu, dans l'abîme de ses yeux couleur céladon, qu'il s'agissait d'une exorde à des projets auxquels il ne voulait point qu'elle assiste. Des projets suffisamment obscurs, pour qu'il ressente la nécessité impérieuse de la loger en sûreté, très loin de sa dite cage dorée.

Une pérégrination sans précédente, des lands toutes disparates et enchanteresses, Middholt bien plus éblouissant et indicible que tout ce que les méandres de son esprit fécond auraient été à même d'imaginer. Coite d'admiration devant chaque horizon, avec la sensation que chaque aube augurait une pléiade de nouveautés dont elle ne se serait jamais douté. Le voyage, certes éreintant, l'avait emplie d'une extase propre à une enfant découvrant un monde qui avait pourtant toujours été à l'orée de sa porte. Cependant... dès lors que l'ivresse de la découverte se tamisait, une sapidité étrangement âcre venait altérer l'harmonie de ses traits. Puis, elle se remémorait des derniers vers de son géniteur, après qu'il eut baisé son front en guise d'onction paternelle. « Nous n'aurons de chance d'être nous-mêmes que si nous ne répudions aucune part de l'héritage ancestral. Aucune. » Et il l'avait abandonnée à sa cohorte de chevaliers gratifiés et de servantes dévouées, tout autant que dans une houle d'appréhension et d'incertitudes dont il n'aurait pas apprécié de goûter l'embrun. Elle s'était tue, telle la descendance docile et bienséante, n'avait fait que darder une oeillade emplie d'une détresse aphone au lord Snowhelm, puis s'était mise en route.

Et voilà qu'à présent, ils arpentaient les sentiers étriqués des Falaises d'Orkerkysten, dénombrant les miradors et autres belvédères à traverser avant d'apercevoir les majestueuses aspérités de l'Arête du Ciel et la ville échafaudée à ses bases, recelant des ouailles qui, chaque jour, priaient ces tours grisâtres que leur ville demeure à jamais inexpugnable. Tandis que le coche pénétrait les venelles pentues, Jora écarta les pans du rideau virginal, pour mieux observer commerces, faubourgs et populace et secrètement les comparer à ce qu'elle connaissait d'Ibenholt. Un instant, elle osa se pencher à l'extérieur dans l'idée d'épouser le firmament de ses mirettes, non sans qu'un sigisbée en monture ne l'avise de préserver son minois à l'intérieur de la voiture. Une bourrasque eu tout juste le temps de s'engouffrer de sa crinière d'un blond inusuel, entérinant ce qu'elle avait jadis pu lire sur cette commune que l'on disait aire de tous les vents. Elle se languissait de pouvoir l'admirer des cimes du plus haut juchoir des environs, tout autant qu'elle angoissait à la seule pensée de voir apparaître les nues coupables des desseins paternels. Après maints efforts, le périple touchait à sa fin, les huis du palais s'ouvrir et leur offrir l'hospitalité de l'Argonaute, où l'architecture était aussi prompte à couper le souffle que ne l'était l'altitude. La diligence arrêtée, la sylphide put enfin mettre un pied dehors et se faire aussitôt convier à rallier la salle d'Aquilon, où un influent comité d'accueil patientait déjà pour la recevoir personnellement. Ainsi, entourée d'une garde férocement armée et secondée par ses domestiques attitrées, elle s'y rendit, croisant bientôt la route de moult regards intrigués dont un chatoyait d'une précieuse teinte cérulienne. Ce fut au-devant de ces calots princiers qu'elle s'immobilisa, jouvencelle ingénue qui n'avait jamais reçu autant d'honneurs qu'aujourd'hui. Avant elle, s'avança l'un des plus proches conseillers de son père qui s'inclina avec déférence et entama les civilités adéquates en amont. « […] et voici lady Jora Ebonhand, fille de la Main du Roi Hulgard Ebonhand. » Il fit une nouvelle courbette tout en s'écartant pour mieux céder la place à la donzelle, qui se rapprocha d'un pas timoré et fit une révérence courtoise. « Mon prince. » En se redressant, elle ne dit plus mot, scellant ses lippes d'incarnat dans un mutisme circonspect plutôt que les exerçant à une logorrhée malhabile. Néanmoins, elle comprit furtivement que l'on attendait d'elle un chapelet de verbes, n'importe quelle déclaration, tant qu'elle ne restait pas pétrie de sottise face à ses hôtes. Mais à l'instant t, elle se sentit ankylosée par l'oeillade amicale et pourtant pénétrante du Ravncrone, qu'elle se contentait de fixer, comme subjuguée. Le diplomate à ses abords sembla inconfortable, il se racla la gorge dans l'espoir de faire réagir la nymphette, en vain, et reprit finalement la parole pour briser l'inertie de la rencontre. « Veuillez excuser votre convive prince Lorkhan, la fatigue des pérégrinations a tendance à éteindre même la plus distincte des facondes, soyez sûr que la maison Ebonhand vous sait gré de votre hospitalité et de la bienveillance portée à son héritière. N'est-il pas, mademoiselle ? » Il lorgna la jeune fille avec plus d'insistante, et cette dernière daigna enfin réagir. « Oui... » Répondit-elle dans une expiration encore évasive, avant de reprendre de manière plus audible. « Oui, bien entendu. C'est un honneur, mon prince, mais au risque de vous paraître incongrue, puis-je humblement vous demander de me faire conduire à mes appartements ? C'est la première fois que je quitte les lisières d'Ibenholt, et je crains que les revers de l'excursion ne me fassent être de mauvaise compagnie. » La second fils de Jorkell eut la bonté de lui octroyer du repos, ce qu'elle accueillit avec soulagement et dans une seconde salutation adéquate, avant que des serviteurs du domaine ne les guident dans ce dédale froid. Un dernier regard au protagoniste au crin noir corbeau, sans savoir que penser de cette ineffable prestance qui caractérisait tous les Grands des Cinq Royaumes, puis elle se retira.




Dans le faste de sa chambre, la demoiselle s'était plu à s'allonger dans les soieries et à s'endormir à la berceuse de la brise que l'on entendait psalmodier en dehors. Quelle était la raison de sa présence en ces murs à l'aspect encore plus glacial que le paysage hivernal du Nord ? Quelle serait la triste kyrielle des évènements qui, elle en était intimement persuadée, se préparaient à excorier le visage du monde tel qu'ils le connaissaient ? Elle fantasmait de réponses, la réflexion ensablée par des hypothèses et des chaînons manquants qui la troublaient. Assise au coeur de la pièce, la mine visiblement absente, elle laissait sa préceptrice elfe, Irinwe, lui tresser les cheveux et la rassurer sur la situation, non sans lui rappeler de se faire peut-être plus loquace la prochaine fois qu'elle se trouverait en présence du prince Ravncrone.

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Lorkhan Ravncrone

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MessageSujet: Re: The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )    The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )  EmptyVen 11 Avr - 21:35

Le départ de Jorkell et de Lorkmir pour Ibenholt avait agité la Citadelle comme si elle eut été l'une de ces hautes fourmilières que les enfants s'amusaient à renverser d'un coup de pied farceur, sadique. Était-ce pour ces raisons, était-ce par sadisme ou simplement amusement que Jorkell et Hulgard s'apprêtaient à mettre un coup de pied dans la gigantesque et tout aussi instable fourmilière qu'était Middholt ? Lorkhan savait que non, il savait que leurs aspirations étaient bien plus sérieuses que cela. Bien plus dangereuses, aussi. Pourtant, lui était ici, à Ravenhole, à des centaines de kilomètres de là où tout allait se jouer. Oh, son père lui avait fait l'honneur de lui abandonner la régence de Ravenhole, plutôt qu'à l'un de ses bannerets comme il l'aurait fait il y a quelques années. Pourtant, Lorkhan n'arrivait pas à savoir s'il devait se réjouir ou non d'être ici plutôt qu'à Ibenholt. Ne dit-on pas que les absents ont toujours tort ? Enfin, qu'importe. Il n'était pas du genre à refuser les opportunités qui se présentaient à lui. Jorkell et Lorkmir étaient partis à la guerre ? Soit. Malgré leur supériorité numérique, la guerre n'était jamais chose aisée. Et si l'un d'eux mourait ? Lorkhan se devait de se préparer à cette éventualité : si Jorkell perdait malencontreusement la vie sur le champ de bataille, Lorkmir ne devait pas hériter de Ravenhole. Cela ne faisait que deux jours qu'ils étaient partis, mais déjà Lorkhan avait commencé à approcher les bannerets de son père, à les tester et à les interroger. Pour le moment, les résultats étaient plus que convaincants, et il s'était déjà assuré le soutien de Siobhan Goldenhorn, ainsi que d'autres vassaux de son père. Les lois de la primogéniture ne pouvaient rien face aux soutiens qu'il arrachait aux illustres lignées de Ravenhole, et son frère, son très cher frère, n'aurait aucune chance de s'asseoir un jour sur l'imposant trône d'argent des Rois de Ravenhole et, lorsqu'il refuserait de se soumettre à son funeste destin - car il le ferait, Lorkhan en était persuadé - , toutes les machinations du Prince-aux-Fers se refermeraient sur son aîné comme autant de pièges mortels, signifiant alors la victoire finale du cadet, du second, de l'infortuné. Il était prêt.

En attendant, le Prince avait tout le loisir de se trouver d'autres préoccupations. Diriger Ravenhole pouvait parfois s'avérer rébarbatif, mais, certains jours, les devoirs qui incombaient au régent se révélaient autrement plus intéressants. Cette fois-là était l'un de ces jours, et l'ébullition, l'agitation dont était secouée la cité tout entière n'avait rien à envier à celle qui avait précédé le départ du maître des lieux. Ainsi, l'arrivée de Jora Ebonhand, fille d'Hulgard Ebonhand, avait nécessité la mobilisation de tous les habitants de Ravenhole, comme l'avait exigé Jorkell avant son départ, réclamant que l'on fasse à la jeune femme un accueil digne des plus grandes reines étrangères, et qu'aucun faste ne devait lui être refusé. Que pouvait-il bien avoir derrière la tête ? Cette question avait taraudé Lorkhan des jours durant, car, si Jorkell avait mis son cadet à la tête de son Royaume, il ne jugeait pas toujours bon de l'informer de ses plans, réservant ses confidences à Lorkmir. Le Prince avait donc dû se débrouiller par lui-même, mettant à contribution ses propres réseaux d'informateurs, et il n'avait eu aucun mal à trouver les réponses qu'il cherchait. Visiblement, le coup de pied qu'Hulgard et Jorkell s'apprêtaient à asséner à la fourmilière d'Ibenholt serait lourd de conséquences, et Lorkhan, s'il en avait deviné certaines, ne faisait qu'en appréhender de nouvelles chaque fois que ses affidés lui faisaient leurs rapports. Ainsi, des rumeurs dans l'entourage de Jorkell prédisaient que, une fois le roi Kalanar défait, Jorkell épouserait Jora Ebonhand, scellant ainsi définitivement l'alliance entre Ravncrone et Ebonhand, les deux familles s'assurant alors un partage d'influence sur tout Middholt ou presque. Entre admiration et détestation, Lorkhan ne savait pas toujours ce que Jorkell suscitait le plus chez lui: très certainement beaucoup des deux, l'une égalant l'autre jusqu'à ce qu'elles atteignent un jour des paroxysmes funestes. Et, du haut de l'Arête du Ciel, Lorkhan contemplait Ravenhole qui se faisait prête à accueillir le nouveau pion de son seigneur et maître.

La nouvelle était partie tôt dans la matinée: elle était sur le point d'arriver. Ce n'était pas la première fois que Ravenhole accueillait des invités de marque, mais les fois où l'on avait si bien préparé leur arrivée se comptaient sans doute sur les doigts d'une main. Les derniers détails finissaient à peine d'être réglés tandis que l'imposant cortège Ebonhand tentait de se frayer un chemin dans les sinueuses ruelles de Ravenhole. Lorkhan, lui, était fin prêt. Oh, on ne lui avait donné qu'une seule consigne: faire tout son possible pour plaire à son hôte. Rien de plus, rien de moins. Néanmoins, c'était là sous estimer le Prince que de lui demander de se contenter de servir les plats et de divertir la petite pendant que les grands faisaient la guerre. Elle était appelée à devenir l'une des femmes les plus puissantes de Middholt, il aurait fallu être aveugle pour laisser passer pareille occasion ! Curieux et quelque peu excité à l'idée de recevoir celle dont semblait tant se soucier son père, Lorkhan faisait les cent pas dans la salle du trône. Quand, enfin, on vint lui annoncer l'arrivée imminente de son invitée, Lorkhan s'empressa de la faire entrer. Jorkell voulait que Ravenhole lui réserve le meilleur des accueils ? Il n'allait pas être déçu. D'un coup, on fit ouvrir les larges portes de la salle du trône, et les courtisans, gardes et autres dames de compagnie inondèrent la pièce, s'écoulèrent jusqu'à la remplir presque tout à fait. Fendant la foule, quelques personnes s'approchèrent alors, et se présentèrent à Lorkhan flanqué de quelques notables du Royaume, ainsi que de sa soeur, Lorsei. Un à un, ils s'épanchèrent en salutations et autres hommages, mais déjà Lorkhan ne leur prêtait plus aucune attention. Du regard, il cherchait celle qu'il avait attendue avec tant d'impatience, et il n'eut guère de mal à la trouver tant sa chevelure d'un blond flavescent tranchait au milieu des crinières brunes et des plumages d'ébène. Jora Ebonhand. Il l'observait, la détaillant d'un oeil acéré, comme s'il eut repéré en elle une proie potentielle. Et n'était-ce pas ce qu'elle était ? Du haut de son piédestal, il la toisait comme s'il eut s'agit d'une curiosité.

« - Oh, oui, bien entendu. Les chemins qui mènent à Ravenhole sont bien sinueux, et ils épuisent les plus endurants d'entre nous. Demoiselle Ebonhand doit être extrêmement épuisée. » répondit-il, conciliant, au conseiller. Le regard de Lorkhan se faisait plus insistant alors que la jeune femme s'enfonçait dans son mutisme. Quand elle daigne en sortir enfin, Lorkhan n'eut guère d'autre choix que d'accéder à sa requête et déclara: « - Bien évidemment, bien évidemment ! Quel genre d'hôte serais-je si je vous refusais pareille demande. » Il se fendit d'un sourire affable, avant de s'adresser à l'un de ses gardes en retrait: « - Amenez-la à ses appartements, et faites en sorte que ses moindres désirs soient exaucés. »

***


Était-elle sotte ? Cette question avait tourné en boucle dans l'esprit de Lorkhan depuis que Jora était parue devant lui, muette comme une tombe. Quelque part, il était presque déçu de cette première rencontre avec celle qui serait peut-être  sa future belle-mère,  et sa déception n'avait été que plus grande à mesure qu'on la lui décrivait tantôt un peu trop effacée, tantôt un peu trop verte, trop immature. Peut-être était-elle seulement fatiguée, comme elle l'avait prétendu ? Il devait en avoir le coeur net, et puis on attendait de lui qu'il aille à la rencontre de celle qui était, après tout, la fille unique d'Hulgard, futur allié et, très certainement, souverain d'Ibenholt. Pouvait-il seulement faire comme si la jouvencelle n'existait pas, comme si elle n'était qu'une invitée de plus dans les si vastes couloirs de Ravenhole. Plusieurs heures s'étaient écoulées quand enfin on lui rapporta que la demoiselle s'était enfin remise de son voyage. Sans attendre, Lorkhan demanda à ce que l’on le fasse annoncer. L'instant d'après, il se retrouvait de nouveau face à Jora, accompagnée d'une de ses domestiques. Cette fois, le Prince était bien décidé à faire parler la jouvencelle.

« - Pardonnez mon intrusion, Mademoiselle, mais il me tenait à cœur de vous rendre visite après notre première rencontre de ce matin. Vous n'aviez pas l'air au mieux de votre forme, et je tenais à m'assurer que l'on pourvoyait au moindre de vos besoins ... » Il s'interrompit, avant de reprendre, un large sourire aux lèvres: « -  Et puis, vous m'avez confié qu'il s'agissait là de votre première sortie d'Ibenholt ? » Il lui adressa un regard tendre, certes artificiel, mais presque compatissant. « - Il est de mon devoir, non, il est de mon honneur de faire en sorte que votre premier périple se déroule à merveille. »

Sympathie mécanique, affabilité contrôlée. Lorkhan jouait à merveille son rôle d'hôte chaleureux et convivial. Ce n'était pas son masque préféré, mais il me maîtrisait non sans un certain talent, et il se plaisait à le jouer aux invités laissés à ses bons soins. Et puis, cette fois, son amabilité n'était qu'à moitié feinte: d'une part, il n'avait aucune raison d'être désagréable avec Jora. D'autre part, il était bien décidé à en apprendre le plus possible sur elle. Bientôt, son père serait Roi d'Ibenholt. Bientôt, elle serait l'une des femmes les plus puissantes de tout Middholt. Bientôt, elle cesserait d'être la gamine presque insignifiante qu'elle lui paraissait être à ce moment. Oui, elle ne lui inspirait rien d'autre qu'une vague indifférence. Pourtant, le Prince tenait à aller au fond des choses avant que son avis ne soit figé. Ainsi, il reprit la conversation, de ce même ton charmeur qu'il avait lorsqu'il parlait aux invités de la gent féminine, dans le seul but de plaire et non de séduire:

« - On dit que les vents de Ravenhole fouettent si bien le sang qu'ils seraient capables de réveiller un mort. » Il sourit à nouveau, ne laissant aucun doute sur la nature fabuleuse de ce qu'il venait d'énoncer. « - Je doute que cela soit vrai. Cependant, je pense que vous pourriez tout de même en tirer quelque revigoration. Les balcons de vos appartements sont parfaits pour cela. »

Lorsqu'elle l'autorisa à la devancer, Lorkhan s'avança jusqu'à la terrasse des appartements qu'il avait lui-même fait attribuer à Jora. Prenant soin d'éviter la compagnie des gardes et des domestiques, les deux jeunes gens au sang noble se retrouvèrent là, à plusieurs dizaines de mètres du sol. En contrebas, on pouvait voir Ravenhole, toujours parcouru d'une intense activité, soubresauts de l'ébullition dont elle avait été saisie quelques plus tôt. A ce moment, la course du soleil initiait sa phase terminale, et une kyrielle de lueurs orangées avaient inondé le ciel de la Citadelle. Comme promis, le vent soufflait avec une force considérable quoique loin d'atteindre leurs vitesses maximales. Est-ce qu'ils suffiraient à réveiller Jora ? Peut-être: après tout, la légende existait bel et bien, même si Lorkhan n'avait jamais réellement pu goûter à son efficacité. Par contre, il était certain d'une chose: perdues au milieu des rafales déchaînées et des bourrasques terribles, leurs voix ne trouveraient guère d'autres oreilles que les leurs.

« - J'ai passé toute ma vie ici, et ce spectacle me fascine encore aujourd'hui. » lâcha-t-il après quelques instants de silence. Il semblait sincère. « - J'espérais que la vue vous plairait. L'Arête du Ciel a bien des défauts, mais rares sont les palais à même de vous offrir pareille vision. » Il semblait presque songeur. D'un coup, son attention se détacha de l'horizon pour se reporter vers Jora. « - Savez-vous pourquoi vous êtes ici, mademoiselle ? »

Soudains, secs, inattendus sans doute. Les quelques mots de Lorkhan semblaient avoir, après toutes ses simagrées, comme retrouvé leur chemin, mais tout ça était, bien évidemment, calculé: il s'agissait pour lui de voir si, seule avec lui, et au sujet de choses plus intéressantes que les malheurs de son trajet ou les splendeurs de Ravenhole, la jouvencelle s'avérerait plus loquace que jusqu'à maintenant.

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Jora Ebonhand

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MessageSujet: Re: The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )    The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )  EmptyJeu 17 Avr - 14:51



H
ulgard l'aurait couvée de l'une de ses oeillades réprobatrices qui la faisait frémir jusqu'à la moelle, car si le héraut de la Main de Nacre n'avait jamais excorié son derme d'albâtre par une quelconque atteinte physique, le chatoiement rigoriste et péremptoire de ses prunelles de jade la criblait de cette déférence craintive d'une fille envers son géniteur. Il lui avait certes intimé l'esseulement dans une cage doré durant une pléthore d'années, mais il n'en demeurait pas moins qu'elle avait été éduquée pour évoluer en société, avec bienséance et élégance. Des notions censées lui être inhérentes, et pourtant, elle n'en avait pas irradié la moindre once devant la progéniture du Corbeau. Au pire, on la dirait incongrue, au mieux, vaine à ce point qu'elle en perdait tout vocable devant plus majestueux qu'elle. Le jugement d'autrui n'aurait pu être qu'une trivialité dont elle se serait accommodée – elle se trouvait loin de ses landes d'origine, après tout. - mais nul ne l'entendrait de cette oreille ni ne le verrait de cet oeil-ci, pour la simple et excellente raison qu'elle était l'unique enfant Ebonhand. Si ce n'était point elle qui rutilait de superbe, qui diable le ferait à sa place ? Personne, surtout en pareilles circonstances où elle ne pouvait compter sur la maestria de son père, trop embesogné à ourdir elle ne savait quelles vilenies. L'exercice des bonnes convenances ne lui était pourtant pas inconnu, elle qui aimait à coudoyer les dignitaires de la cour du roi Kalanar et qui était la cible mouvante de nombre de courtisans bien trop intéressés. L'éreintement, assurément. Les efforts de la pérégrination, ceux d'une réflexion appréhensive quant aux motifs et aux desseins de son départ pour le moins impromptu. L'émerveillement, aussi, la découverte d'un monde qu'elle visitait enfin, même de façon sommaire, même si l'on ne faisait que la déplacer d'un endroit sécuritaire à un autre. Trop d'émotions et de tumultes cérébraux pour une donzelle qui était accoutumée à l'oisiveté et au confort d'un nid de squales et de vipères que son paternel avait le don de faire passer pour un havre de paix. Combien de temps encore allait-il la croire sotte et aveugle ? Trop fragile, une enfant dont il refusait encore de faire une femme, comme un joyau que l'on chérissait et jalousait en attendant de trouver sur quelle couronne l'enchâsser.

Insipide... C'était un peu l'adjectif qui revenait incessamment lorsqu'elle songeait à sa vie. Une monotonie chaperonnée, un quotidien sans réels imprévus – Jora soubresauta. Davantage par surprise que par peur, car l'on venait de frapper à l'huis sans qu'elle ne s'y prépare. L'on vint annoncer la venue imminente de son altesse au pennage de jais, Irinwe eut tout juste le temps de finir de tresser les mèches dont elle s'occupait avant l'arrivée de leur hôte. La sylphide réajusta promptement ses atours et se leva pour l'accueillir avec plus de courtoisie. N'eut-il pas fait mouvoir ses lippes qu'elle fit naturellement une révérence, avant de lui prêter une attention religieuse, à la fois navrée et coite qu'il se soit manifestement rongé les sangs pour elle. « C'est trop d'honneur que vous me faites là mon prince. » Au moins, il lui semblait enclin à la sympathie, tout autant qu'à un échange discursif qui outrepassait les poncifs de la politesse. Son timbre envoûtant, non pas semblable au craillement d'une corneille mais plutôt au chaleureux pépiement d'un bel oiseau, lénifia le malaise de son convive qui se promit secrètement de ne pas s'inhumer dans un mutisme certes circonspect, mais inopportun. La carne de ses lèvres d'incarnat s'entrouvrit : les vents de Ravenhole ? Elle en avait moult fois entendu parler, eux que l'on disait indivisibles de l'inexpugnable Cité dont ils soufflaient les flancs. Si elle en avait eu un avant-goût en posant pied dans l'aire des Ravncrone, elle était malgré tout curieuse de faire plus ample connaissance avec cet on-dit éolien et de pouvoir ainsi le confirmer. « Fort bien, allons-y. » Il la laissa galamment ouvrir la marche pour quitter l'abri de ses appartements, et se risquer sur l'imposant juchoir qui offrait une vue mirifique sur l'ensemble de la ville.

Ensemble, ils approchèrent du bord, où les mains de la nymphette s'apposèrent sur la balustrade, avant qu'elle ne s'incline vers le vide. La physionomie décomposée par l'émerveillement, son soupir ébahi se perdit dans les ululements des bourrasques qui soulevèrent son crin argentin. Un sourire naquit graduellement, instillant plus de vie qu'elle n'en avait démontrée jusqu'à maintenant. C'était comme un rêve éveillé, où des chapelets d'astres étincelants s'étaient enfuis des cieux pour musarder dans les venelles en contrebas, et l'obscurité de la sorgue ne lui était étrangement pas dérangeant. Comment aurait-il pu en être autrement, ainsi escortée ? Elle aurait pu rester ainsi, béate d'admiration, si l'éphèbe n'avait pas repris parole. « C'est magnifique... » Commenta t-elle pour entériner le fait qu'il ne se soit pas encore lassé de ce spectacle, quand bien même le mirait-il depuis toujours. Tous les bastions et autres édifices sculpturaux avaient leurs défauts, mais aussi leurs particularités qui les rendaient uniques, à l'instar de Jernvugge et son aspect de pourceau ferré qui lui faisait froid dans le dos. Mais alors qu'ils auraient pu ergoter sur l'architecture de l'Arête du Ciel, Jora fut prise de court par la question – ô combien pertinente – du quidam, vers lequel elle se tourna. Elle sonda son regard avec une certaine vigueur, comme happée par la crainte et l'offense que l'interrogation soit en fait une souricière, dans laquelle elle ne voulait pas être piégée. « Je ne suis pas sotte. » Fut-elle stupéfaite de s'entendre dire, comme si, plus que sa raison, ce fut son cœur qui s'était exprimé. Plusieurs secondes d'un silence consenti s'écoulèrent, avant que la belle ne prenne conscience que sa réaction pouvait être prise tel un affront. Embarrassée, elle baissa les mirettes et chercha ses mots. « Pardonnez-moi... Je ne voulais pas être indélicate, je sais que votre question n'avait rien d'un quolibet, seulement... » Elle sembla peinée... contrariée... Une fusion à laquelle s'ajoutait l'inconfort d'avoir répondu comme si Lorkhan était la source de son amertume – ce qui n'était pas le cas. Ses yeux portèrent leur acuité au loin, sur la toile jaspée de lueurs qui s'étendait ostensiblement devant eux.

« J'ai pris l'habitude que l'on ne me consulte jamais, pour quoi que ce peut être. Parfois, je me demande si mon avis ne compte pas ou si... les gens me croient juste... idiote... vaine... au point d'être simplement incapable d'avoir une opinion... » Jora se savait appréciée pour ses traits harmonieux, pour sa conversation qui pouvait s'avérer subtile et audacieuse lorsqu'elle ne se réfugiait pas au revers d'un masque timoré, ainsi que pour son héritage qui était l'un des plus anciens de Middholt. Mais ce qu'elle désirait... c'était être considérée comme une personne à part entière, une voix à écouter et à prendre en compte, une légitimité, qui lui semblait pourtant être une utopie impossible à atteindre. « Mon Père m'a aussi appris à me taire plutôt qu'à jacter inutilement, il dit que le silence est plus précieux que tout argutie irréfléchie, parce que certains trouvent qu'avoir le dernier mot d'une discussion revient à décrocher la victoire. Je pense aussi que son statut de Main du Roi m'oblige à être encore plus vigilante, loin de moi l'envie de l'embarrasser hors ou dans le cadre de ses fonctions. » De l'obédience, parce que la seule fois où elle s'était insurgée et avait mené une véritable croisade à l'encontre de ses domestiques, à défaut d'être apte à s'en prendre directement à son géniteur, les choses avaient horriblement mal tourné. L'une de ses gouvernantes avait trouvé la mort, par sa faute. Une réminiscence pestilentielle qui lui fit furtivement froncer le nez, avant qu'elle ne la chasse pour se concentrer sur l'instant t et les informations qui intriguaient le prince des lieux. « Je n'ai pas été mise dans la confidence, vous vous en doutez. Le seigneur mon père m'a averti la veille au soir de mon départ pour Ravenhole, alors que nous étions en train de souper. Cela me paraissait tellement... invraisemblable, lui qui peine à me quitter des yeux plus d'une journée complète. Face à ma stupeur, il n'a fait que sourire, et déposer une caresse dans mes cheveux, avant de reprendre son repas. Peut-être est-ce absurde... sûrement aurais-je dû... mais je n'ai pas osé lui en demander plus, parce qu'il n'est pas homme à se justifier, surtout pas envers sa propre fille. Là encore, il n'a jamais cessé de dire qu'il n'agissait que pour mon bien-être, et que c'était tout ce dont j'avais besoin de savoir... »

L'Ebonhand fut interrompue dans sa faconde par une bourrasque plus scabreuse que les précédentes, qui mit son équilibre à défaut et la fit brimbaler sur le côté. Elle heurta Lorkhan et se retint instinctivement à lui, relevant ensuite timidement le museau pour croiser son regard. « Navrée... !... Puis-je ? » Elle patienta pour son agrément, puis saisit le bras du prince pour se forger un appui qu'elle subodorait stable et sûr – contrairement à elle. « Par tous les dieux ! L'aquilon n'a pas cette force à Ibenholt, je ne sais pas si les vents sont susceptibles de réveiller un mort, mais de me faire prendre mon essor depuis vos balcons, c'est déjà plus probable ! » La jouvencelle se laissa aller à un rire cristallin. L'oiselle qu'elle était ne demandait qu'à s'envoler, oui, mais pas pour mieux choir et s'écraser au pied de l'auguste palais. Et ainsi accrochée à son interlocuteur, elle s'enhardit et se pencha un peu plus pour défier sa résistance au vertige. « Les Freux ne connaissent-ils donc pas la peur du vide ? C'est tout de même très escarpé, et il faut avoir été façonné en conséquence de cet habitat pour ne pas craindre d'y perdre quelques plumes. »

Elle se redressa, le faciès taquinait par de longues mèches flavescentes qu'elle tenta de rabattre à un endroit stratégique pour ne pas en être incommodée. Puis, consciente de la digression dont sa gaucherie avait enfanté, elle se recentra sur le sujet initial, sans réellement savoir que dire de plus. Impuissante, qu'elle l'ait désiré ou non, le pouvoir décisionnel ne reposait pas dans sa paume, mais dans celle d'Hulgard, qui avait depuis longtemps placé ses pions sur l'échiquier.  A la suite d'un instant de réflexion, elle reprit, songeuse. « Vous savez pourquoi j'ai été envoyée ici, n'est-ce pas... ? » La question était purement rhétorique, elle doutait que Jorkell ait laissé son fils dans l'incurie à défaut de l'avoir appelé à rallier le Nord à l'instar de Lorkmir. Jora se tourna vers le Ravncrone, prête à ouïr la vérité. « Les conjectures m'accablent, et même si je sais pertinemment que je n'aurai pas voix au chapitre, j'aimerais savoir. S'il vous plait. »

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Lorkhan Ravncrone

Prince aux Fers

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MessageSujet: Re: The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )    The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )  EmptySam 26 Avr - 0:52

Jora, douce Jora ... S'il n'était pas si rompu à l'art de dissocier corps et esprits, Lorkhan aurait certainement affiché un sourire carnassier, presque pervers. Tout chez elle trahissait sa candeur et sa naïveté lui collait à la peau comme si elle n'était faite que de ça. Quelque part, au fond, tout au fond de lui, Lorkhan trouvait cela presque touchant. Presque. Ainsi, elle ignorait tout de ce qui se tramait à Ibenholt ? Il rit intérieurement. A son âge, il avait déjà des yeux et oreilles dans toutes les pièces que comptait l'Arête du Ciel. Elle ? C'était à peine si elle avait vu la couleur du ciel avant ce jour. Difficile à croire, mais Jora était la fille unique de la Main du Roi ... Et l'idée que la femme-enfant soit peut-être appelée à régner à la suite de son père qui, au même moment, préparait son coup d'Etat, laissait Lorkhan songeur ... Finalement, peut-être que l'échec de leur entreprise était plus souhaitable que son succès. Oh, Kalanar était un fou furieux ... Mais quoi ? Jora, future reine souveraine ? Autant asseoir une plante verte sur le trône de Jais et lui coller une couronne sur la tête, tout le monde y gagnerait. Bien qu'il était intérieurement occupé à goûter ses propres plaisanteries, Lorkhan écoutait tout de même la fille d'Hulgard Ebonhand avec une certaine curiosité. Tandis qu'elle lui racontait ses malheurs, il s'étonnait de la voir si bavarde, pour quelqu'un a qui on avait appris à garder la bouche close. Comme quoi, toutes les éducations du monde s'oublient bien vite lorsqu'on donne l'opportunité à quelqu'un de confier ce qu'il a sur le coeur. Pour Jora, ça n'avait pas pris bien longtemps. Lorkhan n'en tirait même pas de fierté, à dire vrai.

Il l'écoutait alors lui parler de ce père qui la réduisait au silence, s'assurant que rien ne lui arrive, quitte à rester dans son ombre jusqu'à ce qu'il juge bon de l'en sortir. Il y avait, pour Lorkhan, de quoi faire un drôle de parallèle avec sa propre enfance. Lui aussi avait été tenu de se taire, de rester dans l'ombre de Lorkmir et de Jorkell. Qu'est-ce qui avait bien pu faire qu'il décide très tôt de se rebeller, alors qu'elle semblait se satisfaire de sa soumission ? Triste vie, que celle passée à attendre que quelqu'un pense et agisse pour elle. Lui n'avait guère eu le choix que de prendre son indépendance s'il ne voulait pas finir tout simplement oublié. Elle, Lorkhan devinait qu'elle était certainement le centre de toutes les attentions. C'était peut-être ça, leur différence, non ? L'espace d'un instant, Lorkhan en vint à se demander si, quelque part, les humiliations infligées par Lorkmir et l'indifférence de Jorkell ne l'avaient pas poussé à se transcender, n'avait pas enclenché quelque mécanisme d'auto-défense, non, de survie. Est-ce qu'il finirait par les en remercier ? Certainement pas ! Pourtant, l'idée qu'il aurait pu devenir semblable à Jora lui laissait une impression amer, l'idée que, peut-être, quelqu'un, quelque chose, lui avait fait subir toutes ses épreuves pour le forger, le transformer, tandis qu'elle vivrait toujours dans la confortable servitude qu'on avait bâti autour d'elle, entretenant avec amour son petit monde à elle, bien doux, bien sucré, mais au fond tellement fade et, surtout, mortel lorsque celui-ci s'écroulerait. Lorkhan n'avait rien d'un mystique, il était bien trop orgueilleux pour accorder le crédit de sa propre gloire à d'autres. Mais, tout de même.

« - Votre père me paraît être homme de sagesse, ma Demoiselle ... » dit-il, un sourire compatissant aux lèvres. « - Pourtant, la sagesse devient, comme toutes les vertus, un vice lorsqu'elle est poussée à l'extrême. Voyez-vous, Jora ... Me permettez-vous que je vous appelle Jora ? » Il reprit presque aussitôt, non sans lui adresser un nouveau sourire: « - Voyez-vous, il est parfois bon de s'intéresser aux choses auxquelles les autres ne veulent pas que vous vous intéressiez. Oh, je ne dis pas qu'il ne fait pas ça pour votre bien, je n'en doute d'ailleurs pas une seule seconde, vous en avez ma parole. Pourtant, j'ai tendance à croire qu'aucune bonne intention n'est jamais innocente. Il est votre père, je le sais, mais quoi ? N'êtes-vous pas sa fille unique ? Vous n'êtes pas sotte, m'avez-vous dit. »

Il se tut alors, subissant lui aussi les caprices d'une nouvelle bourrasque qui secoua les deux jeunes gens. Lorkhan reporta son attention vers Ravenhole. Qu'espérait-il, à tenir pareils propos à la jeune femme ? Oh, sans doute pas grand chose. Comme souvent, il semait des graines de différentes sortes: doutes, amitié, reconnaissance, bref, toutes sortes de semences qu'il s'impatientait de voir germer un jour afin d'en récolter les fruits. Dans ce cas précis, il ne savait pas vraiment ce qu'il y gagnerait, lui-même étant bien incapable de prédire la suite que prendraient les évènements qui se déroulaient à plusieurs centaines de lieues de là, dans les corridors glacés et les salles sombres de Jernvugge où chacun affutait ses lames en vue de la future rébellion qui unirait la Main Blanche à la Corneille. Peut-être que Jora serait appelée à régner, peut-être serait-elle promise à Jorkell. Peut-être que ce dernier perdra la guerre, et elle tout son intérêt aux yeux du Prince. Nul ne pouvait prévoir le futur, mais Lorkhan se gardait bien de sous-estimer les bénéfices possibles, ne manquait pas d'entrevoir les opportunités probables. D'autant plus que ça ne lui coûtait que quelques mots, qu'une discussion sincère, ou prétendue telle, avec une jeune femme en manque de vérité, de réalité. Que risquait-il ?

« - Oui, j'imagine qu'il faut vivre près du vide pour ne pas en avoir peur, ma Demoiselle ... » dit-il, se fendant de ce sourire charmeur qu'il affectionnait tant. « - Mais pourquoi les Freux, comme vous dites, devraient en avoir peur ? Il n'y a que ceux qui ne savent pas voler, qui peuvent s'inquiéter de tomber. Les autres, ceux qui apprennent à déployer leurs ailes et à s'élancer, quitte à chuter, apprivoisent le vide, ils finissent par l'apprécier, par l'aimer. » Il se tut, comme perdu dans ses propres réflexions: « - C'est grisant, le vide. Il suffit d'oser se lancer. Briser les barreaux de la cage, et s'élancer. »

Il avait terminé son petit discours sur le ton non pas du défi mais de l'aveu, comme s'il lui confiait là l'un de ses secrets les mieux gardés, les plus intimes. Ce n'était, au fond, qu'une simple métaphore, une allusion facilement compréhensible. Une invitation ? Peut-être, Lorkhan lui-même n'en était pas sûr. Au fond, il se fichait bien du sort de Jora, de sa captivité, de son innocence, de tout ce qui faisait qu'elle était indigne d'intérêt, en réalité. A dire vrai, il ne pensait pas qu'elle ferait quoi que ce soit de ses conseils et, quand bien même elle le ferait, il ne doutait pas qu'Hulgard parvient à lui couper les ailes bien assez vite: il n'était pas genre d'homme à se laisser contredire, pas même par sa propre fille et héritière. Quelque part, c'était peut-être ça le plus triste: Jora serait prisonnière à jamais de cet homme qui, trop présent, trop écrasant, ne lui laisserait jamais que son ombre pour s'abriter du soleil ardent qui l'attendait, si, par hasard, elle parvenait à prendre son envol. Lorkhan, lui, avait réussi. Jora, elle, s'émerveillait encore du vide. Il soupira à la question qu'elle lui posait alors, sur la véritable raison de sa présence ici. Cela semblait désolé le Prince, qui feint de compatir face aux interrogations de Jora:

« - Je ne comprends que trop votre tourment, ma Demoiselle ... Fut un temps où j'étais à votre place, vous savez. » Oh, oui, il avait été là un jour ... mais il n'avait attendu personne pour lui apprendre ce qu'il voulait savoir, lui. « - Pourtant, il se peut, en effet, que je sache la raison de votre venue ici ... Vous n'êtes pas idiote, je le sais, je le vois. J'aurais bien du mal à vous faire croire que ce n'est que pour une visite courtoise, n'est-ce pas ? » Il reprit: « - Je ne devrais pas vous le dire, on m'a même demander de ne pas aborder ces sujets avec vous ... » Il fit mine d'hésiter, comme s'il lui coûtait de divulguer son secret à la jeune femme, bien qu'il n'en était rien. « - Bon ... J'imagine que je ne peux vous laisser dans pareil brouillard ... Quel mauvais hôte ferais-je, à vous laisser vous ronger les sangs ainsi en ma demeure, à mille lieues de chez vous ? » Il semblait sincère. Semblait. « - Puis-je avoir votre parole que cette discussion restera entre vous et moi, et personne d'autre ? »

Il se tut alors. Il jubilait presque à l'idée de se jouer ainsi de la fille d'Hulgard, aimant à lui faire ces prétendues confidences. Ainsi, elle lui serait reconnaissante d'avoir partagé avec elle un secret que nul autre, ni à Ravenhole, ni à Ibenholt, n'eut été prêt à lui confier. Pire, tout le monde cherchait à la maintenir dans le plus grand des brouillards, mais pas lui. Oh, non ! Lui, il la comprenait, partageait avec elle ses peines et ses interrogations. Lui n'était pas comme les autres. Elle pouvait compter sur lui pour lui dire la vérité, être sincère. C'était du moins ce qu'il espérait lui faire croire. Mieux, il espérait qu'elle amène cette pensée avec à Ibenholt, la conserve bien au chaud, là, juste au creux de sa mémoire, et qu'elle s'en souvienne jusqu'à ce qu'arrive le moment où il aurait éventuellement besoin d'elle. Il ne savait pas encore ni pourquoi ni comment mais, si cela devait arriver, il se réjouirait alors d'avoir été si prompt à donner ce qu'elle voulait à Jora Ebonhand. Après s'être assuré qu'elle garderait le silence, chose nécessaire au fonctionnement de sa petite mascarade - que vaut un secret si l'on se fiche qu'il soit gardé ou non ? -, le Prince lâcha finalement:

« - Votre père et le mien se sont alliés. Ils veulent mettre fin à la tyrannie du Roi Kalanar. Bientôt, ils marcheront contre les Elfes d'Ibenholt. Bientôt, ce sera la guerre, ma Demoiselle, une guerre juste, mais une guerre tout de même. » Il se tut, laissant le temps au poids de ses mots pour peser sur l'esprit de la femme-enfant. « - C'est pour cela que vous êtes ici, Jora. C'est pour cela que l'on vous a confié à moi, pour vous tenir à l'écart des batailles. » Sa main se posa sur l'épaule de la jeune femme, et il finit par dire: « - Vous serez bientôt Princesse, ma Demoiselle, si les Quatre le permettent.  »

Malheureusement, ce n'était cette fois que la triste vérité.

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Jora Ebonhand

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MessageSujet: Re: The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )    The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )  EmptySam 26 Avr - 13:24



C
'était à croire qu'une fois lancée, sa faconde ne trouvait plus d'arrêt. La conversation était un art en soi, dont les maîtres incontestés étaient probablement ceux qui possédaient le Feu du Septentrion en leur sein. Rhétorique et dialectique constituaient des armes redoutables, les vers dûment choisis se fichant dans la chair à l'instar de carreaux d'arbalète. Jora n'était point de ceux-là, se contentant d'apprécier les verbiages pour leur caractère amical et délassant – voire pédagogique dans certains cas – plus que pour tout autre portée. En l'occurrence, le bavardage en compagnie du prince de Ravncrone avait involontairement pris des atours de confessions, preuve criarde que la donzelle manquait cruellement d'oreille attentive en dehors de son usuel chapelet de gouvernantes. Qu'elles étaient débonnaires, celles qui l'avaient vue voire aidée à s'épanouir depuis le plus innocent des âges, clés de voûte de son équilibre chancelant et précaire, et pourtant... elles étaient aujourd'hui à peine suffisante. Comment diantre pouvaient-elles bénéficié d'une opinion autre que biaisée alors qu'elles oeuvraient sous les ordres directs d'Hulgard et qu'elles avaient pertinemment que celui-ci les remplacerait sans égard si elles osaient aller à l'encontre de ses instructions ? Leur commisération était sincère, mais aucune de ses nourrices ne lui ploierait jamais un avis véritablement constructif, trop soucieuses de l'épargner d'une véracité cinglante dont elle avait néanmoins conscience. Peut-être était-ce dans le candide espoir que Lorkhan soit sculpté dans une rocaille plus franche, qu'elle s'était confiée à lui alors que la situation ne se prêtait pas réellement. Il était certes son hôte et par conséquent une sorte d'obligé protocolaire, devant veiller à son bien-être tout le temps où elle séjournerait parmi les vents de la Cité au pennage de jais, mais il n'était nullement contraint ni qualifié pour ouïr ses doléances de petite damoiselle surprotégée. Et si ses mots parvenaient toutefois à persuader la sylphide du bien-fondé de sa liberté, ce serait l'incident diplomatique qu'ils risquaient de frôler lorsque le sieur Ebonhand l'apprendrait, car chacun avait son propre bourbier dans lequel patauger, et il était rarement opportun de plonger dans celui d'autrui. Tant pis, même un mutisme circonspection en guise de réponse lui suffirait, tant qu'il ne la considérait pas comme la lanterne rouge des imbéciles dans ce monde où l'ineptie pouvait être sépulcrale. Il ne serait malheureusement pas le premier, et assurément pas le dernier à grimacer sous l'insipidité d'une jouvencelle qui manquait encore de personnalité.

Elle était presque navrée de l'affubler de ses maux alors que lui, faisait tout pour lui plaire et dépurer sa mélancolie manifeste. Ses efforts n'étaient cependant pas vains, et il réussit à lui arracher quelques risettes relativement discrètes, comme lorsqu'il fit preuve d'une surprenante privauté en la nommant par son prénom sans préfixe formaliste. Une hardiesse dont elle aurait pu s'offenser, mais qui la charma étrangement, non mécontente que le Freux se sente suffisamment confortable à ses abords pour s'octroyer pareilles libertés, ce qui n'arrivait ordinairement qu'après moult conciliabules. Loin d'elle la prétention de considérer l'amitié princière comme acquise, mais sa bonhomie spontanée était particulièrement appréciable, et elle se promettait de s'en souvenir – chutant comme une décérébrée en plein dans les filets du jeune homme retors qui avait vraisemblablement peu à envier aux Fils de l'Hiver en terme d'éloquence. Tout bonnement à des années lumière de s'imaginer que son interlocuteur pétrissait habilement l'estime qu'elle serait à même de lui porter, elle buvait ses paroles et tentait d'en puiser une certaine sapience, au moins assez sagace pour savoir que c'était en observant avec humilité et attention que l'on apprenait. Pour ce qui fut de l'allégorie du vide et de la cage, elle comprit que la figure de style l'encourageait tacitement à prendre son essor et à oser se hasarder en dehors de sa tour d'ivoire – dommage que cela ait été plus facile à prôner qu'à effectuer. Il ne suffisait pas toujours de vouloir pour pouvoir, dans les faits, agir était infiniment plus ardu et lourd de conséquences. La belle se garda cependant d'ouvrir le débat au risque de miroiter l'impression de se lamenter, encore.

« Vous ? » Interrogea la colombe lorsqu'il lui confia avoir un jour trôné à sa place? A l'en contempler, il était difficile de croire qu'il eut jadis pu être un parallèle masculin de ce qu'elle était à l'instant t. Une information qu'elle n'aurait jamais subodorée et encore mois pensé vraie si elle ne l'avait pas entendu de ses lippes, ce qui l'amena naturellement à conclure que les apparences étaient mystificatrices et qu'il ne fallait point toujours s'y fier – et elle n'avait pas idée d'à quel point. « Je suis navrée si j'ébrèche de vieilles coutures votre altesse... » Un susurre perdu dans la mélopée des bourrasques, la nymphette honteuse d'avoir mis les pieds dans le plat. Elle le mira ensuite, son coeur manquant un discret battement lorsqu'il assura ne pas la croire sotte, et elle l'en aurait sincèrement remercié si elle n'avait pas été pleinement happée par les révélations théoriquement prohibées qu'il hésitait à lui faire. L'anxiété se mit à lui mangeotter le rumen et elle se mordit la lèvre inférieure tandis qu'il feignait de lutter contre son désir de probité et sa coercition au secret qui le tarabustaient chacun à leur façon. L'opportunité d'occire son incurie était trop belle pour qu'elle ose l'ignorer et l'éconduire, aussi, n'exprima t-elle pas une once d'incertitude quand il requit sa parole d'honneur. « Oh, je vous promets que nul ne saura que nous avons traité de ce sujet, je mimerai la plus authentique des surprises lorsque j'en serai officiellement informée ! » et son intuition lui disait que, le cas échéant, elle n'aurait pas foncièrement besoin de jouer la comédie à ce niveau.

Puis, enfin, il la libéra de ses limbes d'hypothèses en lui révélant l'abjection qui serait voire était présentement en train de se matérialiser en Ibenholt. La physionomie de Jora s'altéra en une expression effarée et guère moins horrifiée d'apprendre la brigue tissée par son paternel qui avait été jusqu'à rallier la Corneille dans ses machinations. Elle l'avait toujours su parangon d'ambition et avide de suprématie, mais, même en étant sa fille, elle ne l'aurait jamais soupçonné de conspirations de cette envergure. Ou... s'était-elle refusée à prêter foi à sombre pressentiment qui lui avait jusqu'alors donnait envie de rendre gorge et avait hanté ses sorgues d'une indicible appréhension ? Elle ne parvenait à trancher, pas plus qu'à chasser l'aberration de ses traits qu'elle biaisa en direction du paysage avec un profond malaise. « Une guerre juste... » Répéta t-elle doucement, s'imprégnant de l'anathème des Hommes. La chaleur de la paume qui s'apposa sur son épaule lui fut d'un bien faible réconfort comparé à ce qu'elle voyait se profilait à l'horizon, c'était tout un royaume qui était sur le point de changer, et avec lui, son entière existence. La seule évocation du titre de princesse qui serait inéluctablement sien lorsqu'elle rentrerait à Jernvugge la fit frémir, elle blêmit, et sembla au bord de la pâmoison. « Princesse... » Reprit-elle derechef, incapable d'y croire. « Nos pères vont bouter hors d'Ibenholt, voire tuer des centaines, des milliers d'innocents sous prétexte qu'ils ont les mêmes oreilles que le tyran Kalanar, et vous trouvez que c'est une guerre juste... » Alors, ils n'avaient pas la même définition de la justice, car cet acte qu'elle augurait impitoyable et sanglant tenait davantage de l'iniquité selon elle. Après de longues secondes d'une inertie exsangue, elle se tourna complètement vers le Ravncrone et le couvrit d'une oeillade jaspée d'outrage et de détresse. « Je connais le mien ! Si ce n'est pour moi, il n'a de pitié pour personne en ce bas monde, il va teindre les venelles du sang des innocents sans aucun scrupule si cela peut lui permettre d'asseoir son autorité en même temps que son séant sur le Trône de Jais ! Cela n'a rien de juste, c'est cruel et... il ne peut pas se faire auteur de telles ignominies ! Par Dagoth, pourquoi maculer notre nom déjà controversé, je... je ne veux pas... »

Leur nom... toute ceci, à cause de leur patronyme, qui avait connu les cimes de la royauté il y avait bien longtemps de cela. Sa volonté n'y changerait rien, elle le savait, et le succinct éclat véhément qui venait de l'animer s'éteignit tout aussi promptement. Résignée avant même d'avoir essayé, parce qu'il était de toute façon trop tard et qui ne lui restait plus qu'à adresser ses patenôtres au panthéon divin pour les infortunés qui tomberaient sous les estocs menées par Hulgard et Jorkell. Et Dralvur qui ne lui avait absolument rien dit des intentions seigneuriales, et dont le nom résonna comme celui d'un félon en l'esprit de la donzelle tourmentée. Cependant, l'éthique n'était pas l'épicentre de ce chapitre de l'Histoire, il y avait aussi la dignité omise mais bien réelle des Ebonhand, qui auraient continué de gouverner sans la démence d'un roi qui avait jeté l'opprobre sur les siens. Ses mirettes se baissèrent docilement, innocente créature qui s'avouait déjà vaincue. « Le trône était nôtre, avant les folies du roi Reylan Ebonhand... était-ce juste aussi... de spolier son descendant de son héritage au profit de la Main du Roi elfe de l'époque, parce que l'on craignait que sa vésanie soit atavique... ? » La question était rhétorique, et pour preuve, elle y répondit elle-même. « Ca ne l'était pas... » Voilà qu'elle détruisait sa propre argutie, mesurant pleinement tout le paradoxe de la chose et le dilemme térébrant face auquel elle se trouvait dorénavant. Elle opina négativement du chef, en proie à d'ineffables émotions qui lui donnaient presque envie de se jeter  depuis ces balcons pour ne pas avoir à affronter les jugements de tout Middholt une fois la sédition d'Hulgard achevée. « Un trône aussi puissant soit-il vaut-il une pléthore de sacrifices ? Une pléiade de vies balayée simplement pour ceindre son crâne d'une couronne... et que se passera t-il ensuite ? Je n'ose pas même imaginer depuis combien d'années mon père ourdit-il ses complots... Je ne dis pas que sa Majesté Kalanar est un souverain adéquat mais... je serais incapable de déterminer si celui qui aspire à son titre sera meilleur... ou pire. »

Elle sourcilla, bouleversée par une vérité qu'elle n'aurait jamais pensé aussi inexorable. Soudain, elle songea à Ehvan, qui n'était rien de moins que le capitaine de la Garde Royale et qui se retrouverait, bien malgré lui, en plein coeur de la bataille. Toutefois et à bien y réfléchir, les Clanfell étaient des pions bien trop substantiels pour être dédaignés, et si tel n'était pas le cas, cela signifiait-il que le plus jeune lion s'était également gardé de l'informer ? « Les Ravncrone sont-ils les seuls à soutenir la cause Ebonhand ? » Demanda t-elle sans pour autant ployer plus de précisions, avant qu'un autre éclair biscornu ne frappe son esprit. « Pensez-vous... qu'ils projettent d'unir nos familles en me promettant à votre frère Lorkmir ? Je veux dire... c'est une plausibilité... ? »

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Lorkhan Ravncrone

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MessageSujet: Re: The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )    The Crows Whispering ♤ Lorkhan ( terminé )  EmptyJeu 8 Mai - 22:02

Quelle indécente satisfaction il tirait de ses petites manipulation, de ses fourberies et autres machinations ... Ah ! Si on ne connaissait que trop bien le sentiment d'assouvissement diffus qui s'emparait de l'âme béate de celui qui tue ou torture pour soulager ses viles pulsions, de celui qui viole pour faire taire ses démons, Lorkhan était de ceux qui, moins sanguinaire mais tout aussi prédateur, tirait jouissance d'une certaine forme de traque, d'avilissement voir de mise à mort. Bien sûr, il s'agissait, dans son cas, de choses tout à fait abstraites, irréelles, de l'ordre de l'intellectuel voir du psychique. Toutefois, si certains concevaient les complots et autres calculs comme autant d'interminables parties d'échec, le Prince avait tendance à y voir une forme d'art, au même titre que la vénerie: une fois sa proie repérée, tout le jeu se résumait à l'amener là où il le désirait, à travers les embuches et les traquenards qu'il avait pu dresser pour elle, jusqu'à l'acculer tout à fait, ne lui laissant guère d'autres choix que de se laisser prendre au jeu macabre qui se déroulait pourtant sous ses yeux. Voila ce qui faisait vibrer le Prince-aux-Fers, et voila quel sort, il l'espérait attendait Jora Ebonhand. Entendait-elle déjà les aboiements féroces des limiers sur ses talons ? Il savait que non, l'enfant était encore trop jeune, trop ingénue et il lui était apparu si aimable. Malgré ça, la traque ne faisait que commencer.

Et, en attendant qu'il puisse la capturer dans ses filets, en attendant de lui passer cette bride qu'il désirait voir ceindre son cou gracile, il n'avait qu'à garder ce masque qui semblait tant plaire à la jouvencelle. Elle ne posa aucune question, n'émit aucun doute. Lorsque Lorkhan lui fit miroiter ses prétendues révélations si dangereuses et si secrètes, il put presque lire l'inquiétude sur son visage teinté d'excitation. Il allait la mettre dans le secret des Dieux, il allait lui faire part de secrets que tous s'évertuaient à lui dissimuler. L'occasion était trop belle, pour elle, et une opportunité pareille ne viendrait qu'une fois, du moins c'était bien que le Prince avait tâché de lui faire croire. Était-ce sa naïveté ou sa soif de considération qui la poussa à s'aveugler sur les véritables intentions de son hôte ? Allez savoir. L'important, pour lui, c'était d'obtenir quelque crédit aux yeux de celle qui serait bientôt, il le craignait, Princesse et Héritière du trône d'Ibenholt. Étrangement pourtant, sa glorieuse destinée ne sembla l'enchanter. Poussait-elle l'ingénuité jusqu'au vice, à s'attrister ainsi de devenir la fille du maître du plus puissant royaume de tout Middholt ? Les craintes de Lorkhan se vérifièrent malheureusement, Jora lui confiant alors son dégoût pour les atrocités qui se produiraient peut-être. Lorkhan ne put s'empêcher d'arquer un sourcil, intrigué. Elle n'était peut-être pas sotte, mais elle était d'une naïveté si déconcertante qu'il se demandait désormais comment Hulgard pouvait résister à la tentation de lui coller deux ou trois baffes afin de lui remettre les idées en place.

« - Oh, je ne partage que trop votre inquiétude, ma Demoiselle ... » dit-il dans un soupir qui, s'il trahissait son exaspération, passait certainement pour quelques regrets. « - Mais quoi ? Vous vivez à Ibenholt, vous devez connaître mieux que moi les atrocités auxquelles se livrent Kalanar et, sous ses ordres, certains des Elfes qui tirent profit de son règne. » Il se montra plus étonné lorsque, sans retenue ou presque, elle se laissa aller à quelque commentaire sur son géniteur qui, il est vrai, ne jouissait pas vraiment d'une réputation de pacifiste. Visiblement, la jouvencelle voyait sa langue se déliée à mesure que la conversation avançait. C'en était presque amusant. « - Je ne me permettrai guère de juger votre père. En ce qui concerne le mien, cependant, je n'ai nul doute qu'il sache se montrer clément envers nos adversaires, car il n'est pas mauvais par nature. » Foutaises, évidemment. Il se tut un instant avant de reprendre: « - Je me joins cependant à vous. Les morts, quels qu'ils soient, sont à déplorer. La guerre est chose répugnante. »

Ses derniers mots, ils les pensaient assurément. Pourtant, il ne fallait surtout pas voir là quelque point d'accord avec Jora Ebonhand, au contraire. Si Lorkhan soupçonnait que la jouvencelle qui s'insurgeait des ravages causées par la guerre ne le fasse au nom du même angélisme qui poussait nombre de bonnes âmes à regretter que la famine ne tue les petits enfants et que le froid emporte les vieillards, le Prince, lui, déplorait un tout autre visage de la guerre: celui que, au contraire des soldats morts au combats, l'Histoire n'oubliait pas. Les bains de sangs ne s'évaporaient pas avec le temps, les massacres ne s'oubliaient pas avec les années. Quel Roi pouvait espérer régner longtemps en débutant son règne par une boucherie ? Lorkhan ne savait que trop bien que celui qui héritait d'un trône par la guerre devrait le défendre toute sa vie par la guerre, car la violence appelait la violence, jusqu'à ce que la brutalité ne finisse par atteindre son paroxysme, laissant tout les belligérants exsangues, et avec eux tout leurs espoirs de marquer l'Histoire autrement que par leur bêtise et leur incapacité à ramener la paix. Il écoutait attentivement Jora, lui souriant alors qu'elle se lançait à nouveau en quelques considérations pacifistes. Elle était presque touchante.

« - Je ne saurais dire ce qui est juste ou injuste. Ce que je sais, en revanche, c'est ce qui est: vous serez bientôt Princesse d'Ibenholt, que la couronne de votre père soit maculée de sang ou non. S'il se livrait à quelques infamies, est-ce que vous en hériteriez aussi ? » Il était, lui aussi, tout à fait rhétorique, et il reprit aussitôt: « - Oui. C'est absurde, mais c'est ainsi. L'honneur comme le déshonneur sont charriés par le sang qui coule en nous. Par le sang que nous partageons avec d'autres. Et il n'est pas chose aisée d'abjurer son propre sang. » Il reprit aussitôt, comme pour ne pas contrarier son invitée: « - Malgré tout, je suis d'accord avec vous. La guerre n'est jamais la bonne solution. »

Lorkhan se tut alors, laissant le soin à son invité de poursuivre la conversation. Jora semblait bouleversée. Loin d'avoir quelques remords que ce soit, il se souciait cependant d'elle, désireux qu'il était de ne pas la brusquer de trop sous peine de voir ses manœuvres devenir contre-productives avant d'échouer. Il l'écouta alors, s'étonnant de ses questions. Est-ce qu'elle était amenée à épouser Lorkmir ? Il n'en savait rien, mais c'était quelque chose qu'il ne souhaitait pas, au contraire: ça l'effrayait. Et quoi ? Qu'adviendrait-il de lui si son aîné prenait tant d'avance dans leur compétition ? Non, non, il devait à tout prix éviter qu'une telle chose se produise. Malgré elle, Jora venait de dévoiler au Prince un précipice dont il n'avait pas réellement soupçonné l'existence jusque maintenant. L'air concerné, il sonda son esprit qui cherchait déjà à calculer toutes les probabilités que pareille hypothèse se concrétise un jour. Il finit par revenir à son interlocutrice.

« - Ravncrone et Ebonhand sont alliés, mais je ne doute pas que leur entreprise jouisse de nombreux soutiens à Ibenholt. » dit-il, volontairement évasif, lui-même n'étant pas certain de qui était, dans cette affaire, ami ou ennemi: tout juste était-il certain de la complicité des Clanfell. « - Quant à votre autre question ... » Il lui adressa un sourire compatissant, presque désolé, destiné à lui faire entrevoir tout le malheur qui l'attendait si c'était là son destin, bien qu'il ne puisse lui confier franchement de quoi il relevait. « - Je ne sais pas. C'est, bien entendu, une éventualité: les alliances naissent en temps de  guerre mais perdurent par le mariage. Lorkmir n'est pas fiancé, vous non plus, et il livrera bataille aux côtés de votre père. Néanmoins ... » Il sembla peser ses mots. « - Je ne suis pas fiancé non plus, et mon père est veuf. Tout est possible. »

Il considéra alors Jora. Il ne savait pas ce qui attendait la jouvencelle et, s'il ne désirait certainement pas être unit à elle, il préférerait cent fois cela plutôt que de la laisser entre les pattes de Lorkmir: si tout cela devenait réalité, il serait appelé à régner sur Ravenhole et Ibenholt, devenant alors bien trop puissant pour que son pouvoir puisse être menacé par Lorkhan qui aspirait à succéder à son père à Ravenhole. Il y avait là, pour lui, matière à s'inquiéter, c'était certain. D'ailleurs, il sentait déjà l'urgence d'agir pendant que son aîné et leur père étaient absents de Ravenhole, si bien qu'il s'impatientait désormais que cette entrevue se termine, pressé qu'il était de régler ces affaires au plus vite. D'autant plus que Jora semblait secouée par toutes ces révélations qu'il venait de lui faire. Alors, il finit par dire:

« - Je suis désolé de vous avoir importuné avec tout ça, j'imagine que cela doit être difficile pour vous à réaliser. » Il eut un sourire amical pour la jouvencelle. « - Je vais me retirer. Nous nous verrons sans plus tard, et je reste bien entendu à votre disposition. »

Le mal était fait et ses mots, insidieux, feraient leur travail, Lorkhan n'en doutait pas. Jora rentrerait à Ibenholt avec le souvenir du Prince, ressassant encore et encore leur discussion et gardant là, bien au fond de sa petite tête de future Princesse un peu sotte qui l'avait sorti de ses tourments. Alors, il n'aurait pas tout perdu à endurer ainsi sa compagnie.

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