« Raconte-nous ton histoire, ma jolie ! Égaie-nous un peu, la journée a été dure. » Elle est assise sur les genoux d'un des soldats, autour de la table d'une taverne. Le combattant a la main posée franchement haut sur sa cuisse, mais elle serait bien la dernière à lui dire de l'ôter. Le contact de la peau du brun avec la sienne l'électrise. Les regards sont sur elle, ils attendent qu'elle remue ses lèvres charnues pour leur conter des vies qu'elle n'a pas vécues. Elle commence à caresser les boucles sombres de sa monture et se met à leur raconter des mensonges, de ceux qu'elle sert régulièrement pour s'inventer une vie de pauvre roulure, en reprenant les expressions et les verbes de ménestrels côtoyés par le passé. « Ma mère était une pauvre paysanne qui vivait encore chez ses parents. Une nuit d'orage, on frappa à la porte de la bicoque et un homme en armure entra sans attendre qu'on lui ouvre. Il s'effondra par terre, ensanglanté d'un combat passé. Passés les cris, les parents de ma mère le hissèrent sur un brancard de fortune et firent leur possible pour le sauver. Ils le veillèrent, et renvoyèrent ma mère dormir. » Elle voit dans leurs yeux qu'ils sont déjà captivés par son récit, à moins que ça ne soit par la blancheur de ses seins qui se laisse voir à travers un corsage mal lacé. Elle continue son histoire, tissant les fils comme une Pénélope qui fait sa tapisserie chaque jour et la défait chaque nuit. Les contes sont bons pour les filles des champs, mais apaisent aussi les soldats éreintés d'une journée de marche. Alors Arda leur dessine une existence paisible bien que tragique : sa mère et le noble sont tombés sous le charme l'un de l'autre, ils se sont mariés en secret, ont consumé, mais hélas le père a été tué à la guerre, et Arda a grandi sans reconnaissance et sans figure paternelle. Pourtant, ça n'est pas de la pitié qui pointe dans les yeux des gens d'armes : sans doute savent-ils qu'elle leur a livré des fadaises. Elle se lève finalement et entraine le siège humain à sa suite. Des cinq, c'est celui qui a la bourse la mieux remplie. Elle se donne à lui, et, quelques dizaines de secondes après la jouissance, il lui demande dans un souffle : « C'est vrai, que t'as du sang noble ? - Pas du tout. » Elle se relève, récupère ses vêtements et sa propre bourse, s'attife de nouveau et laisse le soldat dans la paille de la grange.


Elle est née dans les terres du Nord, fille d'une catin repentie et d'un paysan brutal et fort. Seule fille de la fratrie, elle grandit en ayant des repères tronçonnés. Les filles du village l'évitent parce qu'elle est rousse et se moquent parce que sa chevelure est indisciplinée. Arda se roule dans la boue comme un garçon, hurle, se bat et possède la meilleure garde rapprochée du monde de la roture : ses frères. À l'instar de tous ses frères, elle n'obtient un prénom qu'une fois passée la période d'essai d'un an. Elle survit aux maladies infantiles et s'avère être une gamine chétive mais résistante. La fratrie est aussi hantée par les spectres des enfants qui auraient pu être et n'ont point vécu.

Elle voit une silhouette familière s'éloigner de la bicoque familiale, la mère pleurer, le père rester de marbre, ou presque. Et elle se voit, courir dans les champs pour tenter de repérer la silhouette du frère qui part, en vain. Le vent a emporté les pas de son ainé.

Arda a seize ans lorsque son frère part pour le champ de bataille. Elle l'avait vu dans un songe, plusieurs jours plutôt, mais n'en avait parlé à personne. Fille du Levant, elle sait que ses rêves peuvent être prémonitoires, mais la veille, elle avait bien rêvé que la ferme brûlait avec tous ses habitants à l'intérieur et il ne s'est encore rien produit de tel. Elle attend quelques mois que les batailles se tassent, mais il n'en est rien. Alors, elle fait son baluchon et quitte le domicile familial. Une fille dans une fratrie de garçons n'héritera de rien, elle le sait bien, et elle s'en moque à vrai dire. Elle se moque d'épouser quelqu'un, de toute façon ils sont tous moches comme des porcs dans le coin. Elle, ce qu'elle veut, c'est voyager. Alors elle prend la route, d'abord sur la charrette d'un marchand qui rejoint un bourg plus important. Elle n'a pas d'argent, à part celui qu'elle économise pour manger. Elle écarte les cuisses pour payer son voyage. Dès lors, sans le savoir, elle renoue avec une tradition que sa mère avait tue.

Des broussailles non loin d'un campement militaire, elle est à quatre pattes et l'homme derrière elle s'active tandis qu'elle gémit par à-coups sans pour autant ressentir grand chose. L'homme est bien mal membré.

Catin, fille de petite vertu, fille à soldats, ribaude, roulure, putain, coureuse, poule, bagasse, fille de joie, goton, tous les termes y passent et elle n'y voit aucune insulte. Elle sait ce qu'elle est devenue, à ouvrir les jambes en échange d'un peu d'argent. L'idée ne lui viendrait pas d'en prendre ombrage. Sa condition lui convient. Elle profite d'un passage dans un village où se trouve un bordel pour discuter un peu avec les professionnelles logées et apprendre les meilleurs remèdes pour ne pas être grosse d'un soldat. Elle retient les informations, apprend à quoi ressemblent les plantes et se procure une première fois la mixture contraceptive au goût infâme avant de pouvoir la confectionner elle-même.

Les champs sont en feu. Des femmes et des enfants crient.

La guerre a tôt fait de relancer toutes les armées sur le sol des royaumes. Elle essaie de revenir dans les contrées qui l'ont vue naître, espérant y retrouver son frère disparu. Dante n'a pas reparu depuis des années, mais elle sait qu'il n'est pas mort. The worst ones always live. Les meilleurs aussi. Pour autant, elle n'y pense plus, son frère est un spectre inconscient qui plane sur elle. Elle trouve la ferme familiale dévastée et ne s'attarde pas à savoir où sont passés ses frères. Tasien est peut-être enrôlé, lui aussi, dans cette bataille des nobles où les miséreux crèvent comme du bétail. Il est peut-être mort, pour ce qu'elle en sait. Elle reprend la route, vers d'autres cieux, d'autres journées et d'autres nuits, vers sa survie.


BRÈVES • Dit rarement son prénom, laissant les soldats gémir celui de leur bien-aimée, ou celui dont ils voudront l'affubler ♆ S'invente une nouvelle vie à chaque fois qu'elle croise une troupe inconnue ♆ Est une vraie rousse (c'est toujours bon de le signaler) ♆ Se donne en moyenne deux fois par jour ♆ S'est parfois donnée à des femmes (mais c'était parce que la paie était bonne) ♆ Son flanc droit est orné d'une balafre qui épouse la courbe de sa taille puis bifurque vers son pubis et s'arrête au niveau de sa hanche : souvenir d'un moment tendu entre elle et Dante, du temps où ils étaient plus jeunes ♆ N'a jamais dit toute la vérité sur sa vie aux soldats qu'elle a pu croiser ♆ Couche autant avec les hommes de troupe qu'avec les officiers lorsqu'ils ne sont pas insensibles à ses charmes et savent oublier qu'ils sont mariés/fiancés/épris d'une autre ♆ A un répertoire de chansons paillardes qui s'enrichit presque à chaque changement de bataillon ♆ Possède un vocabulaire fleuri et varié : grandir avec la roture, puis avec la soldatesque n'aide pas à avoir un langage raffiné ♆ A parfois des visions, mais les oublie au réveil la plupart du temps, comme bon nombre de ses rêves.


 

Félicitations, très cher pion, et bienvenue sur l'échiquier de Frostfall. Gare à toi, parce qu'ici, la félonie est un plat qu'on sert à toutes les sauces...

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   Sur ce, nous te souhaitons bon jeu sur Frostfall et espérons que la Fatalité te sera favorable !