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 De profundis clamavi. (blaze)

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Dralvur Snowhelm

Ours cendré d'Ibenholt

Dralvur Snowhelm
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MessageSujet: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyMar 8 Avr - 3:36

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De profundis clamavi.

blaze & dralvur

Flashback, treize ans auparavant.
Un éclat purpurin ravagé d’ecchymoses corrodées remue avec faiblesse sur le visage opalin et creux de ce qui, jadis, n’était que l’effigie d’une déité tombée du ciel. Quels doux mots peut-elle bien lui dire, elle, sa femme, son épouse, son aimée, dévorée par les affres de la maladie terrestre. Aurait-elle mieux fait de rester dans sa voie lactée, bercée par les remous célestes et choyée par ses parents les astres ? Honte sur lui que de renier pareille théorie, car l’égoïsme l’étreint en même temps que le chagrin, en imaginant sa vie sans l’ombre de sans dame. Et pourtant. Le voici prostré, les rotules geignant au sol et les coudes chuintant contre la couche, caressant les mèches sèches et cassantes du spectre alité. « Il vous faut vous reposer », s’entend-t-il murmurer à la lueur des bougies. Ce corps jadis si charnu, si plein de vie et de rondeurs fécondes n’est plus qu’un squelette enseveli sous d’épais draps et peaux de bêtes. L’hiver, rude et cinglant, affaiblit bien plus encore la carne pétrifiée de sa muse mourante. Sous les ridules caverneuses, pourtant, s’étire un sourire las fomenté par une affection qu’il devine bien plus que le phonème silencieux de sa femme. Elle finit par lever l’une de ses longues mains chétives, avec peine et fatigue, avant de la lui poser sur le relief tranchant d’une pommette. De jour, la madone flétrie parvient à parler, à manger quelque peu et même à marcher quelques longs pas dans les couloirs du castel. Mais la nuit la happe dans un linceul mortifère qui lui fait craindre le pire à chaque soirée écoulée. « Je pense aller chez les Blackthorn, demain », fait-il doucement, joignant sa lourde paluche à la patte frileuse encore postée sur sa figure. Les commissures fendues de son épouse s’étirent un peu plus et un long clignement d’yeux lui indique sa bénédiction. Cela fait maintenant plusieurs mois qu’il rend visite à leurs amis et voisins, des entrevues libératrices sans lesquelles il serait déjà devenu fou. Galoper hors du fief lui procure une sensation vive de réconfort pouvant gonfler à bloc son cœur ankylosé de trop s’attarder entre ces murs. Il n’en peut plus de cette immonde sensation, celle qui lui murmure entre chaque pierre à quel point il peut être inutile. Un fétu de paille que les dieux contorsionnent à leur guise en riant les gosiers déployés. Il serre un peu plus la main dans sa paume et caresse de ses autres phalanges la fine arête du nez féminin. Oui. Dès que le soleil se lèvera, il chevauchera au-delà de ses terres en confiant à ses domestiques le soin de veiller sur la lady, et à la nourrisse de garder ses deux jeunes fils.

* * *

L’astre diurne est à son zénith et ses rayons diaprent la poussière terreuse de cendres éthérées levées à mi genoux des deux épéistes. Les lames rutilent depuis plus d’une heure, vomissant étincelles et tranchant l’air de sifflements vigoureux. Le colosse, à la barbe et tignasse déjà clairsemée de quelques rares reflets argentés, respire autant de sa gueule que de ses naseaux, fomentant dans l’air hiémal de longues buées condensées. Après plusieurs  enchaînements, les deux rivaux prennent de la distance pour permettre à leurs poumons de se raviver en oxygène. Le duelliste lui faisant front éveille chez le seigneur autant d’estime et de respect qu’il n’attise son oriflamme belliqueuse. Rares sont ceux à pouvoir le défier, et plus rares encore sont ceux à l’épuiser au combat. Le phénomène n’est que d’autant plus remarquable que son adversaire n’est autre qu’une femme. Haute, fine, athlète et pourtant si altière, sa blondeur de cheveux égale sa diligence, nouant ses gestes d’une vitesse féline et son esprit d’une fougue déjà bien sage – malgré son jeune âge. Elle n’est ni enfant, ni dame, plus guerrière que lady, plus animale que donzelle. Un chevalier dans sa plus pure forme et, par Catharsis, comme il peut en oublier le galbe lorsque leurs bottes se retrouvent sur la même fange combative ! A cet instant précis lui vient même le doute de pouvoir remporter cette rixe, certes amicale, mais tout aussi martiale. Le poing serré sur la garde de sa longue et lourde épée est vite rejoint par le second, tant son bras faiblit à force d’impulsions et collisions. Quelques rares flocons de neige vacillent entre eux mais la sueur macule leurs racines, leurs tempes et leurs frusques comme une sève cristalline d’arbres tristes. Leur duel n’est qu’un exutoire, un puits sans fond dans lequel ils jettent les morceaux avariés écorchés à même leurs âmes. Lui, tout du moins, y trouve la consolation d’un harassement musculaire tel, que l’esprit et les affects finissent par ne plus trouver la force suffisante de griffer ses tripes.

Silencieux, loin de railler ou provoquer sa rivale, il se met à marcher de quelques pas vers la droite en suivant le déplacement circulaire de l’unique héritière Blackthorn. Il croise les orbes farouches de lady Blaze, dont on devine, bien plus qu’au prénom, toute la férocité masculine qu’elle puise une fois l’épée en main. Les calots jumelés s’ancrent dans une longue valse, mais à force de patience, les souvenances de sa Rose Fanée lui reviennent en mémoire, entaillant sa concentration de quelques épisodes futiles mais blessants. Les dents serrées, il balaie les réminiscences d’une inclinaison de tête avant de basculer en avant pour assaillir à nouveau son adversaire. Emplis d’une colère sale, ses gestes se fossilisent dès lors en mouvements brutaux et forcenés, régurgitant dans ce nouvel enchaînement tout le fiel porté en la destinée, en cette maladie et en lui-même, impuissant seigneur de guerre voué à l’attente insupportable du ternissement hideux de son épouse.

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Blaze Blackthorn

Ronce à la Rapière

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyMer 9 Avr - 2:03

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J'étais revenue dans la demeure paternelle depuis de longs mois déjà. Le deuil était encore douloureux, l'absence intolérable. Je cherchais Gwaine à chaque détour, derrière les arbres, à mes côtés dans le lit. Mais rien à faire. Mon époux était parti avec l'été, emporté par la Faucheuse. À chaque réveil, j'oubliais qu'il n'était plus. Il fallait que je me tourne sur la couche pour me rendre compte que je me fourvoyais, encore et toujours. Plus jamais je ne le reverrais. Gwaine n'aurait jamais dû mourir, mais l'appel de la joute avait eu raison de lui. L'entrechoquement des lames, le tintement de l'acier, le goût du sang sur la langue. Y repenser emplissait mes yeux de larmes, et bientôt mon gosier se fendait d'une lente complainte.
J'avais vingt-deux ans, j'étais veuve depuis trois ans, et je ne parvenais toujours pas à l'accepter.

Aussi avais-je accueilli les visites de Lord Snowhelm avec soulagement. Nous nous connaissions depuis toujours, ou presque. Les Snowhelm et les Blackthorn, bannerêts fidèles des Ebonhand, se côtoyaient régulièrement, et j'avais grandi en admirant l'homme à la dérobée. Aux tours d'Airain, j'avais maintes fois prétendu en silence être lui lorsque j'apprenais le maniement des armes. Et puis cette lubie m'était passée, et j'avais fini par n'être que moi-même. Mes premiers saignements étaient arrivés, j'avais quitté les tours d'Airain et j'étais revenue dans le giron de ma mère. On avait voulu tout m'enseigner, pour devenir la parfaite épouse. Gwaine avait été la cible de tous mes ressentiments lorsque nos fiançailles avaient été conclues, mais ô combien j'avais été chanceuse en l'épousant. Qui eût cru qu'il préférait une femme combattante à une oisive dinde ? Nous nous étions entrainés souvent ensemble, plus de fois que je n'avais pu le compter.

Je soupirais, me détournais de l'horizon et enfilais une tunique et un froc, tous les deux noir ébène. Peut-être viendrait-il aujourd'hui. J'en avais besoin, il était devenu ma bouffée d'air dans un bien sombre paysage.

* * *

Une fumée blanche chuintait en s'échappant de ma trachée, tout comme l'acier sifflait à chaque coup. Des flocons de neige tombaient autour de nous, mais j'étais bien trop occupée à parer chaque mouvement de mon adversaire pour perdre de temps à admirer le spectacle. L'homme que j'avais face à moi était redoutable et je ne parvenais à arrêter ses coups que parce que je commençais à le connaître en duel. Si je ne pouvais lire dans ses pensées, je me doutais bien de ce qui obscurcissait sa mine : ça n'était pas l'idée de perdre face à moi, mais plutôt ses problèmes personnels, dont nous parlions très peu, mais que je n'ignorais pas.

Répit, pour un temps. Je reprenais mon souffle, consciente qu'un nouvel assaut ne tarderait pas. J'avais la gorge en feu, et d'un revers de manche, je m'essuyais le front, couvert d'une pellicule de sueur. Je le scrutais, méfiante. Imitant ses mouvements en miroir, je restais à bonne distance, reprenant mon épée dans mes deux mains, et me positionnant pour être stable.
J'espérais Gwaine et ne voyais que Dralvur Snowhelm. Le deuil n'arrangeait rien.

Fatiguée par les passes d'armes déjà échangées et surtout par le souvenir de mon défunt époux, je parais de justesse l'arme de l'Ours, et devais lutter pour rester en rythme avec lui. Je subissais, plus que je ne contrôlais vraiment cet enchaînement. Certains auraient pu rire, l'héritière Blackthorn allait se faire désarmer par un intrus -quoique le terme n'était pas adéquat. Mais cette situation n'avait rien d'amusant, et je n'étais diminuée que par un chagrin dont il faudrait tôt ou tard que je me remette.
Forçant encore un peu, je rendais coup pour coup, et maniant finalement à une seule main l'arme qui n'était que le prolongement de mon bras, je tentais un coup de taille en revers sur le flanc droit de Dralvur. Et je ratais. L'épée sautait de ma paume pour choir à terre, et je me reculais juste à temps pour éviter la lame en retour de Ser Snowhelm.

L'adrénaline cavalait dans mes veines, mon cœur était affolé, je tentais de réguler ma respiration et posais mes mains sur mes genoux pour la calmer. Il ne s'agissait plus maintenant que de quelques secondes pour reprendre ma contenance et pouvoir affirmer que tout était prévu, bien sûr, dans ce dernier enchainement. Déjà en station penchée, je finissais de m'accroupir pour ramasser l'épée et je m'appuyais dessus pour me relever.

Ce ne fut vraiment qu'à ce moment-là que je daignais observer autour de nous la cour où une fine couche de neige se formait. Le spectacle n'était pas surprenant, mais il était toujours plaisant.

Le cœur à présent apaisé n'attendait plus qu'une chose : qu'on le fasse repartir de plus belle. Mais, glissant mes billes claires sur le faciès de celui que je voyais comme un ami, j'hésitais à reprendre le combat. « Vous avez presque réussi à me démembrer, ma foi. » J'en rangeais même mon arme dans le fourreau à ma taille, pour la peine. « Si cela vous sied, je serais d'avis de reprendre plus tard : laissez-moi le temps de me remettre de mes émotions. » Un rire doux franchissait mes lèvres étirées en un rictus amusé. Je n'étais point effrayée, peut-être stupéfaite d'avoir manqué de peu l'entaille, mais pas apeurée au point de partir me cacher dans un coin.
Afin de signaler que j'étais sérieuse au sujet de s'interrompre un moment, je commençais à défaire les morceaux de mon armure les plus simples à enlever : les gantelets, les cubitières et les spallières finirent au sol. Ne resterait plus que le plastron, mais il était tellement éreintant de le mettre que je préférais le garder dans l'optique d'une reprise du duel. Je me sentais déjà plus légère dans toutes les protections sur les bras que je secouais ces derniers quelques instants histoire d'en reprendre un contrôle total.

Le métal argenté avait donc laissé place à des manches de ténèbres, où disparaissaient les flocons de neige qui osaient s'y poser. Je sentais les tourments du chevalier et le poids des miens, et consciente que je ne pourrais en rien les lui faire oublier, je tentais tout de même d'y trouver une alternative éphémère. « Il fait si beau, que diriez-vous de venir voir les résultats des travaux sur les remparts ? » Ces travaux avaient été une plaie interminable : ils étaient déjà entamés depuis plus d'un an lorsque j'étais revenue dans le fief paternel après le décès de mon époux, et duraient donc depuis près de cinq ans, tout ça pour refaire un chemin de ronde qui n'était plus emprunté que par quelques gardes. Et peut-être, à l'occasion, nous deux, si Lord Snowhelm était intéressé.

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Dralvur Snowhelm

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyJeu 10 Avr - 1:41

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De profundis clamavi.

blaze & dralvur

A grands fracas, il assène une pluie de coups furieux qui font mordre l’acier et rutiler les pas. L’ire est mauvaise, désespérée, mais le seigneur ne remarque ni sa dangerosité, ni la menace diluvienne qu’il abat sur son adversaire. Il est tant habitué à la sentir parer et riposter avec hardiesse et promptitude que l’inquiétude ne sermonne, pas un seul moment, la tempête féconde de son esprit rance. Les muscles bandés, gonflés comme un poumon de noyé, il achève en désarmant sa rivale dont l’épée vient chuter à quelques pas de là, la laissant aussi essoufflée que lui, tordue par un combat qui prend brusquement fin. Le colosse se met à marcher quelques pas dans la cour blanchâtre, calmant ses nerfs tendus à sec et tentant de maîtriser les sabots piétinant son robuste palpitant. Le poing serré sur la garde de son estoc, il marque un arrêt silencieux faisant dos à lady Blaze, une paluche sur la hanche, le regard cinglant un panorama fait de hautes murailles en pierres. « Vous avez presque réussi à me démembrer, ma foi. » S’il n’en prend réellement conscience qu’au moment de l’aveu, sa figure de calcaire ne laisse toutefois rien deviner. Pourtant, d’une voix claire quoique rauque, il énonce avec sincérité : « Veuillez me pardonner », ses orbes apaisés déportés vers l’effigie de Blackthorn. Taciturne comme une sinistre gargouille, mais les iris caressés d’un regret déférent. Il ne pourrait jamais meurtrir sa chère et tendre amie, c’est un fait que l’on traduit difficilement aux égards de ses derniers gestes, mais évident lorsqu’on connaît l’homme derrière le chevalier furieux en cette morne journée. « Si cela vous sied, je serais d'avis de reprendre plus tard : laissez-moi le temps de me remettre de mes émotions. » L’éclat doux du rire féminin panse les tumultes en son sein, parvenant même à tirer une timide risette sur les ridules de fer. Il se met à branler du chef en rengainant à son tour et faisant volte-face pour venir rejoindre la lady.

Le ballet d’acier attire sans conteste les billes boisées du ser, coulant sa démarche dans un ralentissement hésitant, ne sachant plus, bêtement, s’il lui faut détourner le regard ou ne s’embêter d’aucune formalité courtoise. Si le miroitement de l’armure ne souffre d’aucun air déplacé, la gestuelle perturbe en ça le lord que l’esquisse ressemble plus à la femme qui se dévêtit plutôt que le duelliste se désencombrant de sa cuirasse. Est-ce un crime de sentir la carne brûler sous sa tunique sombre et de ne pouvoir retenir la direction de ses calots ? Il le croit. Avec violence, il détourne le menton hirsute pour feindre une attitude détachée, une nonchalance seigneuriale peu inconvenante chez un homme tel que lui. Il n’est pas le plus hautain des lords, mais il n’est pas, non plus, le plus médiocre d’entre eux. Une bise secoue brièvement leurs carrures antinomiques, fouettant leurs crinières dépareillées et leurs habits comme des bras spectraux venus les déranger depuis leurs hauts glaciers. Un quidam des terres australes serait déjà rigidifié face contre terre par pareil souffle, mais les deux nordiques se prennent à discuter avec badinage. « Il fait si beau, que diriez-vous de venir voir les résultats des travaux sur les remparts ? » Comme pour mimer les dires de la jeune-femme, Dralvur hisse ses pommettes saillantes jusqu’aux hauteurs lointaines dudit chantier. « Pourquoi pas », sont ses seuls mots. Homme de parole, mais homme qui ne s’épanche guère. Plus encore en ces moments troublés.

* * *

Désarmés et rendus civiques, l’invité et son hôte arpentent d’un pas calme la longueur du chemin de ronde. Mains croisées dans le dos, lord Snowhelm paraît sincèrement attentif au rendu, examinant d’un œil sérieux et intuitif le travail achevé. Le silence pour tout écho, il brise finalement leur quiétude d’une remarque calme. « Vous devez être soulagée. Et satisfaite. » Près d’un lustre de travaux, voilà qui demande une patience d’or, même s’il doute de l’utilité fondamentale de si solides remparts. En temps de guerre, peut-être … mais qui viendrait jusqu’ici pour siéger contre leurs fiefs de solitaires seigneurs ? Le talon de ses bottes marquant un arrêt fortuit, il embrasse l’horizon comme le ferait un oiseau de proie. Les fondations du castel se sont déjà essoufflées dans les abysses de l’oubli, laissant place à une profonde mélancolie jusqu’alors tue.
« L’état de ma femme s’aggrave. » En plusieurs mois, c’est la première fois qu’il formule de manière aussi claire et abrupte sa situation familiale. « Mes garçons … » Il déglutit et enserre ses lippes comme pour chercher ses mots. « Ils ne comprennent pas, je crois. La Mort leur est encore trop abstraite. Mon plus jeune me demande chaque jour … », il tranche sa phrase d’un rire sec et las, ne lâchant pas le décor austère du nord de son regard transperçant. « Il me demande quand sa mère va-t-elle enfin se rétablir. Et je me trouve alors totalement incapable de lui admettre la vérité. Je lui dis bientôt, et il me sourit de joie. » Les lèvres tremblent et l’émail se serre. De quelques pas, il se rapproche de la fortification qui lui arrive à hauteur de taille. Il y pose ses paumes, s’y enracinant comme un chêne, de peur de faillir, de peur de tomber. « Je suis navré, je n’ai pas à vous confier cela, je vous mets dans l’embarras et, votre deuil … » Il se sent égoïste, misérable et faible. L’épée hors de portée, il ne devient plus que le simple mortel façonné par l’argile des dieux. Il vient ici, accueilli comme un ami, et la seule chose dont il est capable, c’est d’empoisonner un peu plus les journées éplorées de lady Blackthorn. Renflouant ses poumons d’un air givré qui lui glace jusqu’à son cœur, il détourne les épaules pour mirer cette fois le visage opalin de Blaze. « Votre force d’esprit m’a toujours ébahi. Si jeune et pourtant si solide. Vous avez vécu plus de drames qu’une vieille âme ne pourrait jamais en connaître et vous voilà pourtant debout, droite, fière, vos responsabilités sur les épaules et le talent d’un chevalier entre vos mains. » Une lueur de fierté clandestine traverse ses orbes sombres sans même qu’il ne s’en rende compte, certifiant son avis de la plus authentique des manières. Et puis, finalement, se reprenant d’un timbre bas :
« Je n’ai pas le droit de m’apitoyer. Ce serait vous faire offense. » Une droiture que d’aucuns qualifieraient de ridicule, mais qui s’empare du patriarche Snowhelm comme l’écume des falaises.

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyVen 11 Avr - 11:21

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Le vent soufflait sur le chemin de ronde, tandis que nos deux silhouettes l'arpentaient. J'avais laissé mon plastron en bas, avec le reste de mon armure, préférant être plus à l'aise à la fois pour la montée des marches, et pour lutter contre le vent. De plus, si nous arrêtions de nous battre, le port de la cuirasse devenait inutile. « Vous devez être soulagée. Et satisfaite. - Il était effectivement temps que cela se termine. » Mon ton de voix était presque enjoué. Je scrutais les terres de mon père, consciente qu'un jour tout cela serait sous ma responsabilité… mais ne reviendrait pas aux enfants que je n'aurais jamais. Tout en cheminant, j'ôtais les gants en cuir souple qui couvraient mes mains, et les accrochais à mon ceinture, pour laisser la pointe de mes doigts courir le long des pierres glacées.

La forteresse faite homme cessa de s'ébranler, s'arrêtant sans crier gare et se tournant vers l'horizon. Et à la statue de roc dedévoiler des failles que je ne croyais pas si profondes. « L’état de ma femme s’aggrave. » Je sentais sa douleur et son inquiétude dans chacun des mots qu'il prononçait. Mes démons se ravivaient et le vent m'apportait les derniers mots de Gwaine. Ser Dralvur continuait de parler sans pour autant que je ne pense à l'interrompre. Il semblait si las que je n'osais le faire taire. Qu'importe mes propres plaies. Gwaine était mort, chaque jour qui passait m'éloignait de son souvenir, et il ne me restait plus qu'à le pleurer. Mais lui, sa femme vivait encore, d'une lente agonie, et tant qu'elle respirerait il devrait rester fort pour ses fils. Et même après sa mort, devrait-il rester le pilier qu'il m'avait toujours semblé être. Il se reprenait, soudainement conscient qu'il pouvait m'embarrasser par ses révélations. « Je suis navré, je n’ai pas à vous confier cela, je vous mets dans l’embarras et, votre deuil … » Je portais mon regard sur lui, clouée dans un mutisme plus lié au respect de ses confidences qu'à un chagrin qui m'étreignait. Le deuil de Gwaine était devenu mon quotidien. Ce matin encore je l'avais pleuré. Je savais que ça s'éternisait, et je savais qu'il fallait que je sorte de cette aphasie et que je réapprenne à vivre. Trois ans de veuvage et de vêtements noirs. Était-ce la culpabilité des vivants qui m'étreignait lorsque je repensais à Gwaine et à notre enfant mort en bas-âge, emporté par une fièvre terrifiante ? Si au moins le garçon avait pu vivre, grandir, peut-être que ma peine aurait été moins profonde. Mais je n'en étais même pas sûre, et je m'efforçais de m'extirper de regrets qui n'avaient pas lieu d'être. J'étais une Blackthorn, je ne pouvais vivre dans les reflets chatoyants du passé, dussent-ils être chaleureux et rassurants. Je devais aller de l'avant, je le savais, mais ça n'était pas demain la veille qu'un tel changement se produirait. Pourtant, mon état s'améliorait, lentement et sûrement. Je ne me lamentais qu'une fois seule, enfermée dans mes appartements, souvent au réveil, jamais au coucher. J'étais une Blackthorn, l'unique héritière de mon père, et le visage que j'affichais lors des réceptions nobiliaires était un masque que j'avais appris à forger. Je ne répondais toujours rien, ne sachant si je pouvais lui confier que mon deuil ne me quitterait jamais, ou si je devais rester coite. Pouvais-je ne serait-ce que lui effleurer la main pour le rassurer ? Il n'empirait rien, loin de là. Il apaisait mes tourments, me permettait d'oublier pendant un temps ce chagrin qui restait vissé à mes pas.
Et il était dupé lui aussi, par ces apparences que je soutenais. « Votre force d’esprit m’a toujours ébahi. Si jeune et pourtant si solide. Vous avez vécu plus de drames qu’une vieille âme ne pourrait jamais en connaître et vous voilà pourtant debout, droite, fière, vos responsabilités sur les épaules et le talent d’un chevalier entre vos mains. » J'en aurais rougi si ça avait été une autre époque. M'aurait-il complimentée ainsi quand j'étais encore une enfant que je n'aurais cessé de le suivre comme son ombre, fascinée et idolâtre. Je croisais son regard et y voyait poindre une lueur que je n'y avais jamais décelée. Je fuyai et accrochai des prunelles un oiseau planant au loin, comme pour me permettre de calmer des idées d'un autre temps. Tout ce qu'il voyait n'était en rien une force de caractère et un courage à l'endurance millénaire. C'était l'orgueil, ce bon vieil orgueil, qui collait à ma peau et m'interdisait de montrer mes faiblesses trop longtemps. Il me grandissait, peut-être pour s'excuser d'avoir ramené des sombres réminiscences dans les méandres de mon esprit torturé.

Comme je ne disais toujours rien, il poursuivit : « Je n’ai pas le droit de m’apitoyer. Ce serait vous faire offense.
- Ne soyez pas idiot. »

D'une voix douce, je niais l'offense, tout en m'appuyant à mon tour sur les remparts, le roc taillé frigorifiant me mordant les paumes. « Mon quotidien s'est grandement amélioré depuis que vous venez à Staltistler, vous savez. » C'était la vérité. Même mon père l'avait senti, lui qui au départ redoutait la visite du Snowhelm. Ma mère, elle, nourrissait secrètement l'espoir de me faire épouser Ser Dralvur, aussi m'étais-je bien gardée de lui signaler le déclin de la santé de Lady Snowhelm. Peut-être en avait-elle entendu parler par d'autres cela dit.
Ma solitude dans le domaine des Blackthorn me semblait bien plus supportable depuis que je savais que, par moments, il viendrait la briser et s'immiscer un temps dans les trous de ma carapace. Je me sentais en confiance avec le chevalier, et si je ne m'épanchais pas tant que ça sur mes tourments, je savais qu'il ne m'aurait jamais tenu rigueur de pleurer devant lui. Je reprenais l'avancée, en lui intimant de me suivre d'un simple et mystérieux : « Venez. »

* * *


Petite, j'avais aimé courir dans les remparts sombres de Staltistler, me battant contre des cousins, armée d'une épée en bois. Mais notre champ de bataille préféré restait la place d'armes de la muraille, qui n'avait pas été accessible pendant toute la durée des travaux. J'avais déjà visité plusieurs fois cet endroit depuis la fin des reconstructions, et j'y étais toujours plus sereine que dans la cour du bas. Était-ce l'air qui sifflait à mes oreilles et soulevaient mes mèches blondes, s'engouffrait dans mes manches et les gonflaient comme les voiles d'un navire, ou bien était-ce la vue qui m'apaisait ? Je n'en avais aucune idée. Des arbres entourés de ronces inextricables poussaient au centre de la place d'armes : on m'avait toujours formellement défendu d'y grimper, murmurant qu'ils avaient été planté par des monstres, ou des dieux, on ne savait plus vraiment. J'embrassais le lieu enchanteur d'un regard admiratif : sous le soleil au zénith, les pierres des fortifications luisaient de neige fondue. D'un pas leste, je m'approchais d'un bord du promontoire. J'essayais de distinguer tous les fiefs voisins et je repris la parole que j'allais laissé mourir plus tôt. « Vous êtes plus fort que vous ne le croyez, Ser. Vous louez ma force d'esprit, ma vaillance, et vous craignez de me faire offense. Allons, mon cher, vous m'avez vous-même dit, il y a quelques mois, que mon silence sur mes peines serait considéré comme une insulte à votre égard. N'aurais-je point le droit au même traitement en retour ? » Mes mains se lèvent dans les airs, paumes tendues vers les cieux, l'air de demander à mon interlocuteur s'il a oublié ses paroles d'antan. « Si c'est parce que je suis une femme que vous craignez de m'exposer vos tourments, faites taire cette retenue. Je suis votre amie, je trouve cela ridicule d'avoir à vous le rappeler, mais je le suis et le resterai. Mon deuil interminable ne doit pas vous empêcher de vous exprimer devant moi, loin de là. Il serait égoïste de ma part, d'ailleurs, de ne pas vouloir de vous entendre plus, alors que vous êtes dans une période difficile de votre vie et que vous avez besoin de quelqu'un à qui parler. » Les deux mains appuyées sur les remparts, je fixais toujours l'ours que je devais convaincre. Me tournant vers lui, j'en venais à croiser les bras et à le regarder d'un air grave et sincère. « Non, vraiment, ma loyauté à votre égard m'interdit de refuser de vous écouter. Et la vôtre vous défend de vous taire. »

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyDim 13 Avr - 1:58

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Le panorama des âmes en peine, tranche de paysage céleste sur lequel il pose un regard humide mais quiet. L’effigie sylvestre ronge le parterre de la seigneurie et de la lande environnante comme un tapis sombre et épineux. S’il plisse un peu les yeux pour supporter la clarté diurne, il peut discerner les flancs montagneux d’où s’extraient Redcliff. A croire que la présence de son épouse le hante jusqu’ici, où qu’il aille en ce fief voisin, que ce soit ses affects estropiés ou la lointaine silhouette de leur castel, la réminiscence est frappante. Aveuglé par la réverbération immaculée de la neige environnante, le lord finit par se tourner vers son hôte, les orbes encore frais des émotions exprimées plus bas sur les remparts. « Vous êtes plus fort que vous ne le croyez, Ser. Vous louez ma force d'esprit, ma vaillance, et vous craignez de me faire offense. Allons, mon cher, vous m'avez vous-même dit, il y a quelques mois, que mon silence sur mes peines serait considéré comme une insulte à votre égard. N'aurais-je point le droit au même traitement en retour ? » Un hochement de tête bref, pudique, diront certains, confirme les dires de lady Blaze, sans toutefois parvenir à exprimer de quelconques mots qui seraient bien superflus, en cet instant. « Si c'est parce que je suis une femme que vous craignez de m'exposer vos tourments, faites taire cette retenue. » A dire vrai, jamais une telle pensée n’est venue lui tourmenter l’esprit par un si grossier préjugé. Il réprime un froncement de sourcils. « Je suis votre amie, je trouve cela ridicule d'avoir à vous le rappeler, mais je le suis et le resterai. Mon deuil interminable ne doit pas vous empêcher de vous exprimer devant moi, loin de là. Il serait égoïste de ma part, d'ailleurs, de ne pas vouloir de vous entendre plus, alors que vous êtes dans une période difficile de votre vie et que vous avez besoin de quelqu'un à qui parler. » Touché comme il se doit par une douceur bénéfique à ses peines, il déglutit une flopée de remerciements pour n’admettre finalement qu’un bref : « J’entends bien », sobre et feutré. La jeune-femme tient en elle l’éloquence d’une rebouteuse mais l’homme ci-présent ne détient pas seulement l’ours en étendard, mais aussi en essence. Véritable seigneur du nord que l’on peine à tirer de son antre dès qu’il est question de sentimentales confessions. Celles admises plutôt, bien que nullement rejetées ni même prises en pitié, sont déjà pour lui des fêlures embarrassantes qu’il lui est difficile à assumer. Mains entrecroisées dans le dos, les calots sombres de Dralvur se mettent lentement à dévier des billes perçantes de la Blackthorn, en cherchant dans le paysage un point d’accroche salvateur à la gêne subie d’être ainsi sollicité. « Non, vraiment, ma loyauté à votre égard m'interdit de refuser de vous écouter. Et la vôtre vous défend de vous taire. » Un léger rire soulève prestement son torse et la commissure droite de ses lèvres, tandis qu’il alpague au loin le vol d’aigles arctiques.

« Comme vous êtes habile avec les mots. On croirait entendre votre père … », la douceur de son timbre intime une affection autant pour l’une que pour l’autre. Puis, après un bref silence, il poursuit : « Jamais je n’ai perdu un être aussi cher à mon cœur. Je sais pouvoir partager cela avec vous. Et je sais qu’il m’est autant possible de trouver la compréhension adéquate en votre parole, que son impartialité franche. » Un soupir l’égorge et fait ployer ses paupières. « Je suis las d’entendre la pitié d’autrui, je ne demande aucune charité, mais lorsque je ne reçois pas la visite du quidam miséricordieux, je me retrouve à dialoguer seul avec le silence de notre demeure. » Il rouvre ses rideaux de chair et les renvoie dans leur écrin de verdure enneigée. « Lorsqu’elle partira … Je ne sais encore si sa perte me soulagera ou m’anéantira. Je suis terrifié à l’idée de ne pas être à la hauteur pour mes fils, terrifié par le goût que prendra alors notre vie. » Si nombreux sont les mariages de nature arrangée, celui avec son éprise ne furet que passion et désir, des premiers jours jusqu’à ceux funestes de l’aube valétudinaire. Peut-être était-ce là leur malédiction, vivre fougueusement, s’abreuver à l’ivresse de leur tendresse, pour finalement n’en garder que des escarres de peau malade et des lèvres sèches et craquelées. Il finit par desserrer l’émail de ses dents pour trouver le courage de plonger ses globes dans ceux de la lady. « Blaze … », il est étonnant de constater que, pour la première fois depuis des lustres, le ser ne la nomme que par son prénom. L’anomalie ne s’arrête toutefois pas à cette brèche, car bientôt vient un tutoiement nourri d’une affliction mutique. « J’ai besoin que tu me promettes … Promets-moi de t’occuper de mes garçons s’il m’arrivait quoi que ce soit, si j’en devenais fou, si je … », il déglutit derrière un rictus révolté par ses propres songes, mais son réalisme cruel l’oblige à envisager le pire acte possible. « Puis-je te le demander ? Le puis-je ? », insiste-t-il en se rapprochant et cherchant une approbation quelconque avec un empressement désespéré. Les paluches se sont desserrées du rachis, mimant une détresse que l’on ne devinerait jamais derrière son apparat de fier seigneur des montagnes de Solvkant.

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Blaze Blackthorn

Ronce à la Rapière

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyDim 13 Avr - 22:06

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« Comme vous êtes habile avec les mots. On croirait entendre votre père … » Un sourire étira mes lippes. Bien sûr qu'on croyait entendre mon père, ça n'était pas auprès de nos gens que j'avais appris à parler ainsi. J'accueillais son compliment avec un rire léger et un hochement de tête. « Jamais je n’ai perdu un être aussi cher à mon cœur. Je sais pouvoir partager cela avec vous. Et je sais qu’il m’est autant possible de trouver la compréhension adéquate en votre parole, que son impartialité franche. Je suis las d’entendre la pitié d’autrui, je ne demande aucune charité, mais lorsque je ne reçois pas la visite du quidam miséricordieux, je me retrouve à dialoguer seul avec le silence de notre demeure. » Je reconnaissais dans ses paroles les mêmes agacements qui m'avaient assaillie il y a plus de trois ans, lorsque Gwaine avait rendu l'âme et que le ballet des nobles voisins s'était enclenché. La pitié n'avait rien à faire dans nos vies, la compassion peut-être, mais s'apitoyer sur son propre sort était impensable, pour lui comme pour moi. « Lorsqu’elle partira … Je ne sais encore si sa perte me soulagera ou m’anéantira. Je suis terrifié à l’idée de ne pas être à la hauteur pour mes fils, terrifié par le goût que prendra alors notre vie. » Pouvais-je dire quelque chose ? Savais-je, moi-même, ce qui allait advenir de lui au dernier soupir de sa dame ? Impossible à prédire. J'aurais voulu lui assurer qu'il le serait, mais nous avions convenu de ne point nous mentir, et je ne pouvais lui faire une telle promesse. Comment, même, affirmer qu'on croyait en lui à un homme qu'on avait passé son enfance et son adolescence à admirer ? Mes lèvres restèrent scellées, mais je n'étais point indifférente à sa crainte. À ses interrogations muettes, j'opposai une moue qui se voulait réconfortante, mais ne devait pas payer de mine. Il ne me regardait pas, de toute façon, tout à son observation des terres qui s'étendaient à nos pieds. Que faire, dans ce cas-là ? Rien, à part laisser filer le temps.

La différence, c'était que je n'avais pas vu la mort de Gwaine venir, à part dans les dernières heures. Peut-être aurais-je profité plus de mon époux. Ou peut-être ne me serais-je pas tant attachée à lui. Memento mori, murmurent les cairns autour des temples. Memento mori, susurrait à mon oreille la Faucheuse quand j'étais au chevet du chevalier agonisant. Memento mori, me chuchotaient les étoiles et les pierres de la demeure que j'avais partagée avec Gwaine. Mais il était mort, sans enfant, et plutôt que d'assumer une position de veuve dans une bâtisse vidée de joie et de rires, j'avais préféré retrouver les pénates des Blackthorn. Je comprenais les pensées incertaines de Lord Snowhelm, et, là encore, j'aurais voulu pouvoir serrer ses mains dans les miennes, ne serait-ce que pour lui transmettre un peu de chaleur humaine. Mais il nouait ses griffes d'ours dans son dos, hors de portée. Et les convenances n'étaient peut-être pas de mon côté. Je savais, non j'espérais, qu'il serait assez fort pour ses deux fils. Mes bras s'étaient décroisés et pendaient le long de mon corps, avant de se lier dans mon dos. Mon regard se perdait dans le vague, mais un mouvement de la part de mon interlocuteur attira mes billes qui s'ancrèrent dans ses calots. « Blaze … » Il dérogeait à ses habitudes. Mon visage ne trahissait rien de mon étonnement, mais je redoutai qu'il vinsse à me demander quelque chose auquel je n'étais pas préparée. « J’ai besoin que tu me promettes … Promets-moi de t’occuper de mes garçons s’il m’arrivait quoi que ce soit, si j’en devenais fou, si je … » Mes yeux s'écarquillèrent à la requête de l'ursin personnage, mes lèvres se scindèrent en un hoquet, tremblantes de stupeur. J'ignorais ce qui m'avait frappé le plus au cœur : sa demande qui me semblait inconsciente (pouvais-je, étais-je capable, de m'occuper d'enfants qui n'étaient point les miens et que je n'avais vu que quelques fois, de loin ?), ou bien peut-être la perspective qu'il sombre dans une folie destructrice qui pourrait le pousser à commettre l'irréparable. Je l'observais, défaite, presque défaillante. Et il insistait, le cruel animal. « Puis-je te le demander ? Le puis-je ? » Il était proche, maintenant, indécemment proche même, aurait pu dire une nourrice. Mais les remparts étaient déserts de convives, et il n'y avait que nous, les vents sifflants, et quelques gardes, dans des tourelles plus loin.

J'étais piégée et je ne le savais que trop bien. Je ne pouvais pas écarter son inquiétude, pas plus que je ne pouvais, que je ne devais, refuser de promettre. Mais, quel dieu devais-je implorer pour que mon seul rayon de soleil dans cette contrée ne me soit pas arraché par la mort d'une autre ? Le tambour battant que j'avais dans la poitrine oscillait entre sombrer et s'arracher de mon buste. Que devais-je dire, qu'aurais-je dû faire ? Il était défait, au bord du gouffre, et il voulait simplement s'assurer que ses fils seraient protégés s'il lui arrivait malheur. Mais sa démarche, si elle devait apaiser son esprit à lui, avait levé la houle dans le mien. Ça, et le tutoiement, me perturbaient l'un autant que l'autre. Au sein de la noblesse, j'avais toujours appris à vouvoyer, sans faire de différence, homme et femme, jeune et âgé. Je savais que le tutoiement était parfois utilisé par des amis. Mais je ne tutoyais jamais ceux qui étaient de mon rang, pas que ça me rebute, simplement parce que je ne m'étais jamais retrouvée dans une intimité pareille, pas même avec Gwaine. Je sentais mes joues me brûler, mais ça n'était qu'une impression, tant ma carnation était toujours claire et sans rougeur.
Je le considérai, sans avoir articulé une palabre. Je voulais dire non, je voulais dire oui, je ne savais plus où j'en étais dans mes réflexions silencieuses et les secondes s'égrenaient, tranquilles, nonchalantes, alors que la tempête s'était déclarée dans mon esprit.

Et puis je me mis en marche, et mes mains étreignaient ses paumes tournées vers le ciel. « Vous êtes fou. » Vous. Je ne pouvais le tutoyer, craignant trop ce que cela pourrait signifier en franchissant mes lèvres. J'avais déjà peur de ce qui éreintait mon palpitant. J'aurais dû le lâcher. M'appuyer sur les remparts. Briser le contact. Je n'en fis rien. J'aurais voulu l'accuser de vilenie, mais je ne pouvais m'y résoudre. Mes mots se formèrent et s'extirpèrent d'entre mes lèvres, mais j'eus l'impression de ne pas les avoir choisis. « Vous savez déjà quelle est la seule réponse que je peux donner à vos doléances. » Bien sûr, bien sûr que ses enfants trouveraient un nouveau foyer chez leurs voisins, s'il le fallait. En espérant qu'on n'en vienne nullement à cette extrémité. D'autres syllabes s'échappaient et venaient rouler sur ma langue, sans se soucier d'en dévoiler trop. « J'ai déjà perdu Gwaine, je vous supplie de ne pas vous retirer du monde. » Un doux euphémisme pour ce qu'il sous-entendait. « Je ne pourrai le souffrir. » Mes mains lâchèrent les siennes comme si je m'étais brûlée à son contact, et, la mâchoire contractée, je reportai mes prunelles sur l'horizon, fuyant le perçant de ses yeux. La réalité me frappait soudainement, et je tentais d'y apporter des alternatives factices. Ma réaction était irréelle et n'était pas seulement liée à l'amitié qui existait entre nous, quoique j'essaie de m'en persuader. Que Catharis m'emporte, ou qu'elle fasse taire des feux qui s'étaient lentement allumés au cours des mois à le côtoyer.
J'étais éprouvée par les paroles du combattant des neiges, mais je ne l'aurais peut-être pas tant été s'il n'avait été qu'un ami. Or, il n'était pas que cela, du moins à mes yeux. Les dieux étaient cruels, je me découvrais une affection plus grande que je ne le croyais pour un homme marié. Pourquoi ? Comment ? Qu'avais-je fait aux dieux pour qu'ils me piquent de cette flèche assassine ? « Pardonnez-moi … » Je m'égarai. Avais-je le droit d'ajouter à son accablement des émotions qu'il aurait dû ignorer ? Je n'étais point sa maîtresse, et ne voulais le devenir. Cette crise de jalousie déguisée n'avait aucun fondement, aucune justification possible. Je n'osais prononcer d'autres mots, de peur de creuser ma propre tombe.
Et pourtant, d'autres pernicieuses sentences trouvèrent le chemin jusqu'à mes lippes, et les firent mouvoir tandis que je scrutai l'horizon. « Pourquoi êtes-vous … Pourquoi es-tu venu, Dralvur, si c'est pour me faire miroiter ta mort ? » Ces derniers mots me perdaient. Eux, et le tutoiement. Avais-je donc tout balayé en devenant veuve ? Où était mon honneur ? Où était passée ma dignité ? Était-ce le chagrin qui parlait ? L'aliénation frôlante ? J'agrippai les pierres, les serrant à les broyer. Et, tandis que moi-même je me consumais de l'intérieur, un gémissement injuste dévalait de mes lippes : « N'as-tu donc pas de cœur ? »
D'où tout cela venait-il, je l'ignorais. Un transfert, peut-être. Ou une mue de la fascination que j'éprouvais à son égard petite, en une affection plus forte chez la femme que j'étais devenue. Je voulais qu'il parte. Je désirais qu'il reste. Si je revenais sur mes pas, maintenant ces mots indignes sortis, j'étais perdue.

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Dralvur Snowhelm

Ours cendré d'Ibenholt

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyLun 14 Avr - 1:28

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De profundis clamavi.

blaze & dralvur

Vous êtes fou, dit-elle. Peut-être bien. Bons dieux qu’il doit l’être, pour ainsi proférer de telles inepties. Et pourtant. Il ne s’agit là que de la vérité. Ses entrailles mises à nues comme jamais il ne lui a été donné de le faire. Croit-elle en cette sentence énoncée ? Le vouvoiement la distance malgré le contact soudain de la fine carne laiteuse contre ses rugueuses paluches de chevalier. Il ne sait plus quoi penser, ni même quoi dire, sinon que son désespoir reste le même, ineffable entaille dans son cœur assourdi de sabots furieux. L’obsession le hante à ce point qu’il encave entre ses phalanges les fines mains de la lady, comme une ancre jetée à la mer, comme un arbre s’enracine à la terre, les yeux vitreux d’un espoir sourd, celui de la voir formuler une promesse hissée par un drapeau blanc. « Vous savez déjà quelle est la seule réponse que je peux donner à vos doléances. » Un réconfort violent s’en vient ébranler ses paupières qu’il prosterne avec gratitude, le souffle zébré d’une reconnaissance absolue. Jamais il n’aurait osé assurer avec culot la générosité dont peut faire preuve l’héritière Blackthorn à son égard, aussi, l’entendre répondre à ses douloureuses plaintes l’apaise comme un bain fait de tendresse, de paix et de douceur. Il ne lui vient pas à l’esprit que ses sinistres conjectures pourraient meurtrir les affects de lady Blaze, peut-être par égoïsme, ou par réelle torture d’un esprit affligé qui en oublierait la bienséance des mots, même en pareil instant. Celui où les cœurs s’ouvrent à en saigner. « J'ai déjà perdu Gwaine, je vous supplie de ne pas vous retirer du monde. » Les orbes sombres du seigneur se révèlent à nouveau, noyant son faciès dans un début de gravité contrastant farouchement avec la pudique béatitude précédemment manifestée. Les lèvres s’entrouvrent de peu, désireuses de pouvoir rétorquer un quelconque verbe, mais bien vite asphyxiées par la gaucherie d’un vague embarras. « Je ne pourrai le souffrir. » Qu’est-ce donc ? Cette crainte qu’il décèle autant dans la brusquerie gestuelle que sur les ridules de la jeune-femme ? Ses paroles résonnent encore dans son crâne comme une étrange comptine révélée par la bise, et, bien que les syllabes soient condamnables, il ne ressent ni confusion, ni malaise. En cela, le lord s’en voit troublé. Loin d’être un jeune godelureau maladroit et sot qui ne comprendrait ni les reliefs subtils de la vie, ni les soupirs exsudés des sentiments clandestins, le patriarche Snowhelm s’en trouve toutefois coi. Jusqu’ici, leurs rares échanges n’ont été que dialogues francs mais toujours baignés d’une prude courtoisie, celle qui interdit les effusions, l’étalage sensitif de ce que l’on n’oserait guère exprimer, en ces hautes sphères de la noblesse. Plus encore en ces terres hostiles dont le givre a façonné les caractères taciturnes.

« Pardonnez-moi … » Incapable de trouver une réponse cristalline aux interrogations qui se bousculent en cohue dans ses pensées, Dralvur secoue brièvement sa crinière d’acier pour expirer un vague : « Ce n’est rien », aussi fugace que le vent des remparts. Sont-ils condamnés à s’observer en chiens de faïence ? Les regards, pourtant, s’esquivent et se dérobent, le ser bien moins confus que la lady, tout au plus en apparence. Roc qui se doit de veiller, il n’ose ni s’avancer pour calmer les vicissitudes de Blackthorn, ni exprimer de quelconques autres mots. Il n’a jamais douté de l’amitié portée par la jeune dame à s’en encontre, tout au plus aurait-il pu s’étonner d’une légère affection, de par leur différence d’âge, à leurs entrevues plus martiales et silencieuses que véritablement badines. Mais ce qu’il a pu lire dans les iris craquelle sa cuirasse d’homme pour y répandre une chaleur lénitive, celle qui ravive ce qui fut jadis et n’est plus que poussière et rouille. Sentir cette ivresse, c’est revivre. Un peu. A peine. Mais suffisamment pour confondre les hauts remparts de l’honneur et du devoir et désunir un instant la passion de l’agonie. « Pourquoi êtes-vous … Pourquoi es-tu venu, Dralvur, si c'est pour me faire miroiter ta mort ? » La peine et les tourments infligés à son hôte le désolent au-delà de l’éclat furtif éprouvé dans cette ardeur retrouvée, et, navré, il fait tonner sa voix grave avec une douceur bouleversée, la main vers ce visage qu’il ne se décide pas même à frôler. « Blaze … » Doit-il se détester d’avoir pu ébranler à ce point l’honorable fille Blackthorn ? Veuve ou non, cela n’à guère d’importance, car savoir être la cause d’une telle lésion l’afflige considérablement. « N'as-tu donc pas de cœur ? » A son tour d’être désorienté par la familiarité de ce chagrin, il ravale sa tendresse de père qu’il ne sait même plus défaire de son désir d’homme et rabaisse sa pogne en détournant la gueule de l’Ours vaincu. Un rictus soulève sa bouche. « Je n’aurais pas dû. » Son phonème se teinte d’une sévérité tranchante, à des lieues d’exprimer la houle qui tempête en son sein. « Tu as raison. Mon verbe est malade d’une odieuse noirceur. Puisses-tu me pardonner. » De quelques pas, le seigneur recule avant de prendre congé, distant physiquement et d’une bien autre manière : « Je vous remercie lady Blackthorn. Ces dernières semaines m’ont été plaisantes. » Plaisantes. Comme ces mots sonnent faux. Si faibles et si médiocres face aux réels cris qui tentent de s’ébruiter hors de ce fier thorax. Tant de chaînes dans lesquelles ils s’emprisonnent et se perdent alors qu’il suffirait … Par Catharsis. Se faisant violence, la mâchoire scellée, il détourne les épaules en envoyant au diable la courte révérence habituellement octroyée aux dames. Que Dagoth emporte ces grossières simagrées, il peine déjà mille tourments à remuer ses muscles à l’opposé de l’effigie féminine. Ses pas retracent à l’inverse le cheminement de leur promenade, abandonnant là l’héritière dont il imagine déjà la courbe des hanches dénudées, le galbe de sa poitrine et le suc de ses lippes.  

Bientôt, l’on fait seller sa monture aux écuries et le visiteur s’éloigne au triple galop au-delà de l’enceinte fortifiée de Staltistler.
Et comme il cavale. L’on jurerait voir un démon et son destrier, lancés à vive allure sur les terres glacées. Les sabots chantent l’orage qui étreint le chevalier que le vent cinglant ne saurait apaiser. La fuite, une pleutre issue ou un brave défi relevé ? Hélas, il ne sait guère. Il ne se sent pas soulagé. Il ne se sent pas coupable. Il ne se sent pas conforté. Il ne se sent pas blâmable. Flots contradictoires, despotiques. Et en peine chevauchée, il finit par hurler jusqu’à ce que ses poumons s’ankylosent et que sa gorge ne soit plus qu’un feu à vif.

Plus de deux heures de chevauchée, et Redcliff se découpe enfin de la montagne, digne et lugubre. Quelques lumières vacillent déjà aux lucarnes et vitraux mais les mains gantées d’un vieux cuir noir serrent subitement les brides de sa monture. Naseaux dilatés, fiévreux de sa longue course, le destrier hennit et se cabre, piétinant le sol maculé avec nervosité et fatigue. Le seigneur observe son fief, il observe les quelques volutes de fumée s’extirpant paresseusement des hautes cimes des sapins. Les chaumières se réjouissent en rassemblant dans leurs foyers les paysans et leurs familles après une longue journée de dur labeur. Il les imagine sourire, rire, s’empiffrer et s’abreuver à la lueur de chaleureuses bougies, peut-être pas en des murs les plus confortables qu’il soit, mais agités d’une allégresse que l’on ne trouve qu’auprès des siens. Alors pourquoi ne s’empresse-t-il pas de regagner sa demeure … ? Quel est cet étau qui l’enserre jusqu’à la nausée lorsque ses calots tombent sur sa forteresse rouge ? Sa tanière n’est plus qu’un nid souffreteux où ne règne que la Mort et le chagrin, un sombre tableau tranchant avec l’onctuosité éprouvée aux côtés de celle qu’il a si bassement délaissée, seule sur les remparts de son castel.
Sans qu’il ne s’en rende encore bien compte, il se met à tirer les brides de son étalon pour faire demi-tour …

C’est un ciel obscurci qui l’accueille de nouveau à Staltistler. L’astre diurne s’en est allé, ne laissant qu’une pluie froide et une vigoureuse tramontane dans son sillon. Trempé comme un vulgaire chien des rues, lord Snowhelm s’avance à pied jusqu’au seuil du château, une main agrippée à la courroie de sa monture qui le suit de peu, échine baissée et pas las. Il ne sait combien d’heures se sont écoulées depuis son échappée, mais il fait nuit au dehors et il est assurément tard. Il serait véritablement insensé de faire à nouveau marche arrière, par orgueil et par survie, car la tempête se lève et un abri lui est indispensable. Mais ce n’est pas l’idée d’un toit sec et d’un âtre chaud qui empiète ses pensées … non. Il s’agit plus d’un portrait et d’une voix de femme. D’un regard tendre et de mains douces.
« Mon cheval a fait une chute, il lui faut du repos », indique-t-il au palefrenier alors que ses globes oculaires harassés se lèvent sur l’apparition de la fille Blackthorn. Nulle chute n’a été subie. Mais seules deux personnes connaissent l’impitoyable vérité, celles-ci mêmes qui s’observent à des mètres de distance, mues par ces silences intimes qui se targuent seuls de délivrer ce que les mots ne peuvent formuler.  

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Blaze Blackthorn

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyLun 14 Avr - 12:05

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« Je n’aurais pas dû. » Sa voix me glaçait et m'embrasait à la fois. « Tu as raison. Mon verbe est malade d’une odieuse noirceur. Puisses-tu me pardonner. » Je brûlais de me détourner de l'horizon, de le fixer, mais je savais que toute retenue serait vaincue si je commettais une telle erreur. Il remit en place les barrières entre nous, foulant au pied la familiarité des derniers instants. « Je vous remercie lady Blackthorn. Ces dernières semaines m’ont été plaisantes. » Plaisantes ? Le cruel m'achevait. Je m'interdisais de le regarder, tremblant déjà bien assez des jambes, sans pour autant que cela paraisse. « Va-t-en, monstre. » implorais-je en un soupir inaudible. Un mensonge, pour conserver des apparences qui nous sauveraient peut-être. Le temps passa. Et lorsque je regardai dans sa direction, ce fut pour voir sa chevelure grisonnante s'éloigner. Une supplique contradictoire franchissait alors mes lèvres, sans qu'il puisse l'entendre non plus. « Retourne-toi. Reviens… Reviens-moi… » Peine perdue. Protège-nous de nous-mêmes, me mis-je à supplier alors, puisque je savais bien que je ne le pourrais pas, malgré mon honneur et mon souhait de rester droite. Qu'il parte, et nous évite ces pulsions qui ne pouvaient être.

Un nuage de poussière se dessina bientôt dans la lande au pied de Staltistler. Je savais qui s'éloignait en direction du fief voisin. Il avait réellement pris congé, prenant peut-être mes paroles maladroites pour un chagrin profond et ne voulant pas m'accabler davantage. Reviendrait-il le lendemain ? Je l'ignorais et n'y croyais pas vraiment. Je restais encore quelque temps sur les remparts, puis je finissais par rejoindre mes appartements, ruminant ma sottise d'avoir cédé au "tu" et aux accusations insensées qui avaient franchi mes lèvres. J'avais réussi une seule chose, cet après-midi : enterrer une amitié de longue date. Certes, les chaleurs qui m'envahissaient ne se consumeraient jamais vraiment, et je resterai innocente de toute adultère. Mais tandis que j'ordonnais qu'on monte de l'eau chaude et que je me débarrassais des vêtements dans lesquels j'avais sué pendant le duel, je me perdais dans des rêveries éveillées qui n'avaient rien de chaste. Que Dagoth m'enterre, implorais-je de nouveau, en silence, tout en m'enfonçant dans la grande bassine remplie d'eau remontée des cuisines.
Lorsque j'apparaissais dans la salle à manger, je portais désormais un pourpoint et une longue jupe, toujours noirs. Une ombre humaine, je restais. Mon père, assis près du feu, m'adressa un regard inquisiteur auquel je fis mine de ne pas faire attention. Je savais ce qu'il comptait me demander. Nos gens l'avaient sans doute informé que Lord Snowhelm avait quitté la citadelle une heure plus tôt et ne rentrerait sans doute pas pour souper. Qu'avait-il bien pu se passer ?, telle était la question qui pointait au fond de ses globes gris. Mais, feignant l'aveuglement, je traversais la pièce et me mettais à observer la tapisserie familiale qui retraçait des exploits d'ancêtres d'autres ères. Tout pour ne plus penser aux derniers événements. Tout pour tenter d'apaiser le feu qui me consumait, tout pour réduire au silence la voix intérieure qui voulait me pousser à enfourcher mon cheval pour tenter de rattraper le chevalier cendré. Ça n'aurait pas été digne. Ça n'aurait pas été noble. Ça n'aurait été qu'un caprice de péronnelle, auquel une Blackthorn de Staltistler ne pouvait se réduire.

Mais les dieux avaient décidé de nous faire céder, et ils parviendraient à leurs fins.

Après avoir soupé avec mes parents, je me retirai dans mes appartements, pour y lire. Les éléments se déchainaient désormais au dehors, et je me surpris à repenser à Ser Dralvur. Était-il bien arrivé dans son domaine ? Sans nul doute devait-il écouter ses fils lui raconter leurs exploits de la journée. Ou peut-être veillait-il sa femme épuisée ? Pensait-il à moi ?
« ASSEZ ! », j'invectivai à mon esprit dérangé. Le livre finit projeté contre un mur, victime de ma rage contre moi-même. Furieuse contre l'imbécile que j'avais été, je savais que la seule chose qui m'apaiserait serait la place d'armes des remparts, malgré la pluie et le vent. Tout, plutôt que de rester immobile dans cette chambre trop vide pour que j'y sois bien. J'ordonnai qu'on m'apporte ma cape, sans prêter attention aux protestations de la servante qui tentait de me faire entendre raison -la sotte créature. J'allais attraper la mort, disait-elle. « Ce ne sera jamais pire que maintenant. », ma mine sombre la congédia pour la soirée et je quittais ma chambre pour retrouver le chemin de ronde battu par les eaux diluviennes. La nuit avait recouvert le Nord, fraiche et humide, comme le climat le voulait. J'y croisai quelques gardes qui me saluaient respectueusement, sans oser me conseiller de retourner au chaud. J'étais leur dame, et ils sentaient bien que j'étais d'humeur à mordre.

À travers le rideau de pluie battante, le vent parvint à m'apporter le cri du guet. Un cavalier. Par ce temps ? Je faisais chemin inverse, les cheveux blonds dégoulinant d'eau glacée. Le froid, pourtant, me laissait indifférente. Il était parfaitement probable que ce soit un messager pressé par le temps. Un autre voisin ne serait point venu à une heure pareille. Et pourtant, un espoir insensé étreignait mon cœur tandis que je parcourais les remparts d'un pas rapide.
La herse retombait en un cliquetis familier lorsque j'arrivai au pied des remparts. Les gens d'armes trouveraient cela sans doute normal que je me présente à la rencontre du visiteur, n'étais-je pas l'héritière du domaine et ne devais-je pas succéder à mon père dans tous ses devoirs ? Aussi, ils ne viendraient jamais à imaginer ce qui pouvait passer par mon esprit dès lors que je reconnaissais le cavalier qui descendait de sa monture.
Mais lui saurait.

La pluie continuait à tomber et je l'entendis donner une excuse crédible au palefrenier. J'en vins un instant à douter : était-ce la vérité ? Ou bien est-ce que, en toute conscience, il avait choisi de me revenir ? Je croisai son regard et je sus. Je sentais ses billes brûler ma peau, comme si elles me déshabillaient visuellement. Mais le temps était à maintenir les apparences.
« Vous devez être fourbu de votre marche, Ser. Venez, je vous amène jusqu'à vos appartements. Pyp !, j'harponnai l'attention d'un des hommes dans la cour. Cours aux cuisines et dis-leur de préparer et de monter le souper de Lord Snowhelm. » Il ne se le refit pas dire deux fois, filant immédiatement.
Quant à moi, je montai les marches jusqu'à l'intérieur du castel, m'assurant d'être suivie par Dralvur. Les pans de ma jupe étaient amples et auraient gêné mes mouvements si j'avais dû combattre. Mais il n'en était rien. Le combat que je devais désormais mener n'était qu'intérieur. Il était revenu. Cela voulait dire tant de choses que mon esprit était une fournaise où tout tournait. Je n'osais ralentir l'allure, de peur de l'avoir à mes côtés dans l'ascension vers l'étage où se trouvait les appartements d'hôtes potentiels… et les miens. Ça n'était pas anodin, bien entendu. La citadelle noire disposait d'autres possibilités de logements pour des invités, mais mon âme torturée avait choisi celui-ci pour décidément malmener mon souhait de retenue et de droiture. Ou peut-être avais-je déjà pris une décision, sans pour autant l'assumer complètement.
Je le laissais pénétrer dans ses appartements avant de fermer la porte derrière nous. Que faisais-je ? Pourquoi me mettais-je à nouveau dans une position où la tentation se faisait trop forte ? Étais-je insensée ? Oubliais-je qu'il était marié, et que rien de bon ne sortirait de ce que je désirais ? Ma cape, trempée, finit sur le dossier d'une chaise, tandis que j'allais m'accouder contre la corniche de la cheminée, les yeux sur le foyer allumé depuis peu. On nous avait précédé dans la pièce, des serviteurs consciencieux qui avaient anticipé les demandes qu'on aurait eu. Qu'il aurait eu. Je ne pouvais décemment pas passer la nuit avec lui, et pourtant ô combien l'envie me dévorait.
Empêtrée dans une chaleur lénifiante, j'attendais quelques secondes avant de finalement lui demander d'un ton de voix presque amusé : « Ainsi donc, ton cheval a fait une chute ?» Encore ce tutoiement qui avait provoqué ma perte. Je l'observai par dessus mon épaule, le corps tourné vers l'âtre. « Tu ne t'es pas blessé, j'espère ?»

On toqua, et une fois que je l'y avais autorisé, un garçon des cuisines entra en portant un plateau odorant, qu'il posa sur une table avant de s'éclipser en refermant la porte derrière lui. Mes billes claires glissèrent ensuite de l'huis scellé à l'ours trempé. Nous ne serions plus interrompus, et j'attendais une réponse que j'espérais en même temps ne pas entendre. Un mot de vous et je suis sauvée. Immobile, je scrutai le visage du chevalier. Un mot de vous et je suis perdue.

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyLun 14 Avr - 18:04

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De profundis clamavi.

blaze & dralvur

Ce bal des regards est-il noble, cette langueur administrée par un précieux silence est-il sage, ce conte réécrit est-il juste ? Il n'aurait jamais dû s'en revenir au castel des Blackthorn et le voici pourtant, fort d'une ivresse tant méconnue depuis des lunes que redoutée à cet instant. Si tout ceci est une erreur, ses pas, son corps et même son souffle contredisent sa bravoure, attirés par l'effigie qui l'attend comme un insecte viendrait se brûler les ailes aux contours d'une lanterne. Son destrier lui passe devant, guidé par la clairvoyance du palefrenier qui emmène la bête se recueillir à l'abri des lames diluviennes, et comme son hôte l'invite à son tour à rentrer, le cavalier s'ébranle à sa suite.
Le mutisme ne le quittant plus, telle sa cape lourde et humide de pluie écrasant ses épaules, il grimpe à l'instar de lady Blaze les longues marches menant vers lesdits appartements. Est-elle aux faits de l'ardeur qui anime l'Ours revenu ? Se doute-elle ? En craint-elle les conséquences tandis que lui ne craint que d'échouer à caresser son doux visage ? Elle lui paraît si distante qu'il doute un instant avoir pu réussir à avouer en ce seul regard toute la passion coagulée dans ses entrailles. Que peut-il bien faire, ou dire, pour tenter de la rassurer, de l'amener dans ses bras et de l'y bercer avec chaleur ? Elle ne lui offre pour l'instant que son dos taciturne, sa courbe d'épaules plus larges que celles d'une chétive donzelle et sa croupe bordée de hanches musclées que son regard alpague comme un larron.

Une fois le pallier atteint, écrasé par le pas lourd de Dralvur, ils s'en vont tous deux rejoindre la chambre que les domestiques aménagent vaillamment comme une flopée d'insectes agitateurs, perturbant çà et là l'intimité tant désirée par la dame et le sieur. Colosse tranquille, lord Snowhelm observe d'un œil calme les allées et venues tandis que sa poitrine martèle de coups aussi saccadés que puissants. Dans son ouïe, il lui semble percevoir les remous cycliques de la mer uniquement fomentés par son afflux sanguin qui gonfle autant ses pensées que ses muscles. Malgré sa mine placide, sa patience commence à s'effriter, et lorsque le dernier laquais se retire, le faciès rugueux se tourne enfin vers la fille Blackthorn. Ils sont enfin seuls, il lui faut parler. Mais la jeune dame le devance et à cela, on heurte bientôt la porte pour l'interrompre d'une quelconque réponse. Serrant sa mâchoire avec une contrariété manifeste, il mire le garçon faire son entrée avec une tension telle, que ledit valet s'empresse de repartir une fois la pitance servie. Le ser étant un bon cœur, ne manque toutefois pas d'être un sinistre titan aux crocs de roche lorsqu'on l'importune à outrance. Mais la quiétude revient en ce lieu, berçant avec sérénité les élans nerveux du lord jusqu'ici éprouvés.

« Je souffre bien d'un mal », commence-t-il en esquissant de précieux pas le rapprochant sans plus de cérémonie vers la fine carrure. Il s'en vient dans le dos de lady Blaze, à une distance qu'une septa jugerait des plus inconvenantes. L'épaisse pelisse trempée couvrant le torse masculin frôle déjà les omoplates de la jeune dame. A chaque souffle fiévreux, le corps seigneurial paraît s'approcher davantage. « Mais je crois avoir trouvé son remède … » Et comme il achève en un murmure, les pattes se lèvent et, délicatement, viennent chercher les reliefs des épaules, devançant la figure de Dralvur qui se coule jusque dans la nuque opalescente. S'il ne se fait ni impérieux, ni pressant, sa présence écrase cependant le moindre élan d'opposition qui viendrait à l'arrêter. La carne sur ses lèvres, bien qu'humidifiée par ce qu'il devine être des larmes de pluie, s'épanche d'une tiédeur qu'il n'aurait pas même pu deviner dans ses songes les plus fiévreux. Ce genres de contacts ne s'inventent pas. Ils se vivent. Et à cet instant, les sensations jusqu'alors exsangues du chevalier s'abreuvent de la doucereuse liqueur. Ne plus toucher sa femme l'avait rendu ascète de tout plaisir. Discerner le derme malade et renifler ces effluves infâmes l'avait écœuré du moindre toucher. Du moindre baiser. Lady Blackthorn est son zénith, celui qui ravive ses remparts poussiéreux. Tandis que sa bouche se fait plus possessive dans les vertiges de la nuque, une main s'égare avec lenteur sur un flanc pour venir mordre un pan de tissu qu'il caresse d'abord, et relève enfin, découvrant la chair tendre d'une vigoureuse cuisse. L'idée qu'il puisse être le berceau de cette fière et digne femme bouleverse son appétit et empresse sa paume qui s'aimante avec suavité contre la peau dénudée, tandis que l'autre bras vient enlacer la dame, pétrissant avec douceur un sein camouflé d'étoffe froide. « Pas un mot », tracent ses lèvres roulées par son phonème de gravier, houspillant un lobe d'oreille brûlant. « Si ce n'est pour me dire oui. » Et sa main conquérante de glisser en-dedans de la cuisse, vénérant ces autres lèvres qu'il caresse en travers du tissu comme si son épaisse paluche souhaitant en enrober la moindre parcelle, désireuse d'en aimer chaque saillie.
 

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyLun 14 Avr - 19:49

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« Je souffre bien d'un mal » À cette affirmation, mon cœur faisait un bond. Je craignais le pire, tout en le regardant approcher. Quel était ce mal ? Était-ce grave ? Ou bien parlait-il du même mal qui me consumait toute entière ? Sa phrase suivante allait dans ce sens : « Mais je crois avoir trouvé son remède … » Je me détournais, les joues me brûlaient, ou peut-être était-ce la sensation qui irradiait de la cheminée face à laquelle je me tenais. Et à peine je tournais la tête que ses mains frôlaient mes épaules, projetant des frissons dans tout mon corps. Je fermais les yeux, frémissante. Je me savais vulnérable. Je n'aurais pas dû le laisser m'approcher ainsi, c'était indécent, c'était… c'était mal. Mais c'était si bon, me disais-je alors qu'il m'embrassait la nuque de ses lèvres incandescentes. Toute dignité s'échappait du navire qui sombrait dans les flots du désir. Je n'étais plus une Blackthorn, je n'étais plus une veuve. Je n'étais plus qu'une femme, et un homme faisait ce qu'il voulait de moi : je m'abandonnais. Mes mains se crispaient sur le fronton de la cheminée, mes muscles se bandaient sous le moindre mouvement de ses lèvres. La droiture et l'honneur partaient en fumée, et avec eux le souvenir d'un époux défunt, et de sa femme malade. Qu'importe tout cela. Il n'y avait que lui et moi.
Le seul homme qui m'avait touchée était Gwaine, freluquet à l'époque de nos premiers baisers. Il avait fallu consommer l'hymen, et les jeunes gens que nous étions y étions allés à tâtons. Mais le temps avait passé, et même si je me considérai comme inexpérimentée, j'appréciais pleinement ce qu'était la bête dans mon dos. Un homme, un vrai. J'exhalais un soupir alors que sa paume chaude comme les braises du foyer troussait ma jupe et se posait sur ma cuisse ainsi dénudée, que son autre main venait caresser ma poitrine, et qu'il grondait tranquillement à mon oreille comme l'ours qu'il était : « Pas un mot… Si ce n'est pour me dire oui. »

Pouvais-je encore dire non ? Étais-je capable de m'extirper d'entre ses bras, d'entre ses griffes et de lui soustraire ma carne qui brûlait d'être caressée à nouveau ? Je n'en avais ni la force, ni la volonté.
Et qui ne dit mot, consent. Pourquoi était-il revenu, pourtant ? Revenir, c'était nous condamner. Revenir, c'était se perdre. Oui, mais quelle douce perspective que de se perdre avec lui. Ne l'avais-je pas espéré ? Ne l'avais-je point provoqué, moi-même ? Pourquoi moi ? Pourquoi lui ? Je n'en savais rien au final. Le hasard s'en était mêlé, et avec lui les dieux. Et nous étions là, à deux doigts de céder, ayant à vrai dire déjà cédé. Deux combattants, dans un ultime combat ? Mais non. Je pouvais tenter de me mentir à moi-même, mais en fin de compte il me fallait reconnaître la vérité : je cédais au feu de Septentrion et au désir qui m'étreignait. J'avais, à vrai dire, déjà rendu les armes au moment où il était parti des remparts, en m'en remettant à lui pour nous garder de nous-mêmes. J'avais simplement du mal à le reconnaître pour l'instant.
« "Oui" à quelle question ? » La voix chantante, je feignais d'ignorer ce qu'il sous-entendait. Comme si ses mains et ses lèvres n'alimentaient pas à chaque mouvement un brasier qui me dévorait le corps et le cœur. Je tentais un bref instant de maintenir ce masque de dignité qui ne ferait pas long feu. De ne pas gémir. De rester… noble.

Mes mains se détachèrent enfin de la corniche de l'âtre et je me retournais doucement pour lui faire face. Les pans de ma jupe étaient retombés et recouvraient mes cuisses. C'était de la folie, et je brûlais de franchir ce pas. D'embrasser ses lèvres. De le sentir me dévorer en intégralité. De devenir sienne. Le désir irradiait de mes prunelles et je me trouvai gauche face à lui. Que faire ? Qu'étais-je en droit de faire ? Me trouverait-il trop effrontée si je me dénudai devant lui ? Mais, d'un autre côté, j'étais une femme accomplie, je n'étais plus cette pucelle timide. Et il avait été assez clair sur ce qu'il voulait, même si je minaudais faussement. Je n'osai le toucher, mais je pouvais bien me rendre plus… accessible.
Le pourpoint trempé d'eau de pluie me collait à la peau, et avec lui la chemise qu'il était censé recouvrir. J'entreprenais de défaire les boutons du premier, mes prunelles ancrées dans celle du chevalier, puis je le laissais glisser au sol. Je tentais de lire dans ses calots s'il approuvait. Tirant les pans de ma chemise hors de ma jupe, j'en déliais aussi les attaches, sans toutefois l'ôter. Un pas, un seul pour être de nouveau contre lui, poitrine presque découverte, cœur battant. Je m'humectais les lèvres, une de mes mains glissait le long de sa joue râpeuse pour caresser bientôt ses cheveux humides et j'approchais finalement mon visage pour lui dérober un baiser et lui dévorer les lippes. Mon autre main rejoignit la première contre la nuque de Lord Snowhelm et je m'accrochai à lui. Et entre deux baisers, haletante, je lui murmurai un « Je suis à toi. ». Point de non-retour atteint. Je m'abandonnai à lui sans plus hésiter, et dansai dans le brasier allumé.

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyJeu 17 Avr - 1:35

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De profundis clamavi.

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Forcé d'arrêter ses gestes et baisers, le singulier cavalier trempé recueille contre ses iris l'apparition du visage féminin en joignant sa mutique contemplation sémillante au souffle brûlant et puissant ronflant entre sa mâchoire. S'il peut encore sentir  la semence froide et humide des pleurs diluviens empâter les étoffes contre son corps, l'ardeur incandescente animant sa carne lui en fait vite oublier les désagréments. Comme il donnerait cher, pour pouvoir embrasser la pulpe et venir caresser sa langue qu'il devine suave, peut-être même d'une délicatesse inavouable, car si lady Blackthorn est une preste et féroce rapière, il devine – il a toujours deviné – dans ces pupilles un doux éclat unique aux femmes. Les lippes du ser se détachent avec envie, soupirant une lave qui consume son torse rocailleux. Il lit chez elle un passion telle qu'il lui semble recouvrer ses vingt ans, mais en plus d'être un calice de jouvence, Blaze est à elle seule un cataplasme annihilant ses tourments. Jamais il ne se serait cru capable de la désirer ainsi – ou même de désirer une quelconque autre effigie que celle de son épouse. Des regards qui se perdent, des pensées éphémères ou des sourires furtifs, oui, quel homme pourrait se targuer de n'avoir jamais goûté à de telles fautes pardonnables ? Il n'est pas un saint. Et pas moins un mari éperdu d'adultère. Pourtant … Lorsqu'elle détache sa tunique, que ses fins doigts s'articulent et qu'il la mire faire, son honneur s'embrase et ne devient plus que cendres balayées par le stupre de l'appel primitif. Le lourd pan de tissu s'écroule et, avec lui, le flegme du seigneur qui, ému, grogne d'une satisfaction licencieuse. Au tour de la chemise. Et la bête au pelage trempé invoque en silence une paix divine sachant le contraindre à ne point se ruer sur la donzelle comme un animal affamé. L'email concassé, il parvient à patienter que la femme-enfant s'en vienne enfin l'embrasser. Une approbation plus qu'une abnégation, durant laquelle il la laisse prendre ses aises de peur de l'effrayer, et suite à quoi il enlace la taille nue sous l'étoffe en la rapprochant complètement. Cette carne, fine, tendre, sous ses paumes, il lui semble enrober la peau d'un nourrisson. Si le baiser débute avec pudeur, l'ivresse s'en mêle bientôt, contraignant les souffles à se tarir tant leurs pulpes se dévorent en liesse. Les ongles du patriarche Snowhelm s'enfoncent avec ardeur dans les reins brûlants, mais si son désir se fait pressant, masculin, sa dévotion reste tendre. Peut-être agirait-il ainsi avec toute autre femme, roulure s'il eût fallut, mais leur longue amitié et son estime pour la lady n'ont pas leur pareil.

Il se détache enfin, et, diligent, défait de sa pelisse. La peau tannée et doublée de laine roule à terre, avant qu'il ne revienne se saisir des lèvres humides. Les paluches enclavent le visage et puis, suivant le mouvement du corps, chutent en-deçà. Les rotules s'écrasent dans un bruit mat sur le plancher, agenouillant le chevalier comme prêt à l'adoubement. Mais son visage s'éprend du ventre ferme, des vallons et des creux, embrassant la peau avec foi, tandis que ses mains, libérées, détachent la jupe avant de la faire à son tour ployer. Tous tissus abandonnent la retraite, dévoilant une anatomie préservée par ce qu'il devine être un vénérable veuvage. Il n'en touche ni n'en effleure la moindre lande, levant son menton en direction des calots féminins. Tout en caressant les jambes, confiant mais respectueux, lui laissant le temps nécessaire pour brûler les étapes, blasphématoires êtres qu'ils sont. « Ne t'inquiète pas », croit-il bon d'affirmer, le timbre aimant. Pour se rassurer à deux, sans nul doute, mais aussi pour l'apaiser des tourments possibles. Alors, lentement, et sans détacher son regard, il déracine une patte et vient la glisser sur le pubis, caressant avec langueur la peau velue d'une blondeur similaire au crin de blé. L'échange s'enrobe d'une certaine gêne, puisque, enfin, les billes se domptent en même temps que la chair. Mais l'embarras fait place au feu, et le moindre toucher, le moindre regard, devient vite une douce jouissance. Il revient embrasser la panse et son autre paluche de pétrir une fesse avec envie. Aucune similitude ne lui vient concernant le corps de sa femme, car son aimée n'est plus qu'un lointain échos dans la houle se fracassant contre les parois de son crâne. Ses veines irradient, ses muscles rutilent et son vit, déjà turgescent, lui fait se sentir à l'étroit.
Il se relève enfin, après avoir bercé son ouïe des gémissements de Blaze comme on se berce de litanies sédatives, et s'attarde sur les attaches de sa propre tunique en mordant par instants la sera de furtifs baisers. Il en vient ensuite à sa chemise d’un cobalt sombre.

Il ne leur faut que peu de temps, pour se retrouver nus l'un face à l'autre.
Les corps démasqués se cherchent, se trouvent, se serrent l'un contre l'autre et, sans peine, le seigneur finit par hisser l'héritière Blackthorn dans ses bras épais, cuisses enlacées autour de ses flancs, lèvres encore, toujours, scellés les unes aux autres comme l'on dévore de juteux fruits austraux.
La literie les accueille dans une pénombre tamisée qui n'exalte que mieux encore la brume de leurs esprits. Chaque relief se dessine alors sous l'éclat des flammes de l'âtre, ondoyant sur les peaux avec une beauté éthérée. Le lent bruissement des chairs précède la véritable union, durant laquelle il la fait sienne avec fièvre, ondulant sur sa compagne avec calme mais désir. Aller et venir en elle en prenant le temps d'en savourer la moindre profondeur, expirant des soupirs rauques et murmurant contre son oreille des éloges d'amant épris comme si un tonnerre lointain venait moudre les pensées de la belle. Et comme ses coups de reins deviennent fougueux et vifs, Dralvur se décide à relever sa gueule hirsute et suintante pour contempler les ridules de lady Blaze, une main affectueuse posée en travers de son front d'opale contrastant avec le derme cuivré du lord. Quelques phalanges se perdent dans les mèches blondes, d'autres caressent, et ses iris restent plantés avec une passion impérieuse dans ceux de sa maîtresse, lecteurs attentifs des roulis perceptibles dans l'âme vénérée.  
 

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyMar 22 Avr - 15:17

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Ne t'inquiète pas, m'avait-il intimé d'un timbre doux et rassurant. Avait-il senti ma peur, pernicieuse, qui se faufilait sous mon derme et rampait dans mes veines ? Devions-nous céder aux démons qui nous encerclaient ? Devais-je tisser une relation adultérine avec ce chevalier tant adulé ? Ne verrai-je plus alors dans ses yeux que le désir qui pulsait dans ses veines et irradiait de ses calots ? Je dansais dans les flammes d'un brasier ardent, mais ma raison voulait m'en garder. Je ne cillai pas tandis qu'une de ses griffes quittait ma cuisse et venait se poser sur mon bas-ventre et, lentement mais sûrement, réchauffait l'endroit. Je le toisais de toute ma hauteur, et des sensations que je n'avais plus connues depuis bien longtemps se réveillèrent. Je tâchai de ne pas laisser de bruit franchir mes lèvres, soucieuse de garder encore une certaine décence, mais c'était si bon que des gémissements traversèrent ma gorge tandis que je me mordais les lèvres. Je restais droite, des frissons parcourant ma carne dénudée de haut en bas, de bas en haut, faisant frémir la moindre parcelle qu'il touchait.
C'était si bon que ça ne pouvait être une mauvaise chose. J'en oubliais les enseignements de la foi, de se méfier de ce qui semblait délicieux. J'étais ailleurs, loin des considérations morales que je côtoyais habituellement. Mon éducation volait en lambeaux, et ne subsistait peut-être que dans ce refus d'être trop sonore. On ne savait jamais qui pouvait passer derrière une porte : le silence -ou le moins de bruits possible- était de mise.

La chaleur de sa main délaissait mon pubis embrasé tandis qu'il se relevait pour me faire face et se débarrasser de ses vêtements tout en m'embrassant. La chemise que je portais encore chut sur le sol de pierre dans un bruissement sourd. Il me hissa dans ses bras, contre lui, et j'en oubliai mon rang tandis que nous nous dévorions toujours les lèvres. J'étais à lui, c'était tout ce dont j'étais sûre, même si pas encore physiquement parlant. La passion avait déferlé dans mon esprit, balayant d'un coup tous les principes éventuels que j'aurais pu opposer. Posée sur le lit par des bras puissants, je n'étais plus qu'une femme qui attendait qu'on l'honore, et qui fut honorée sans plus attendre. Il me pénétra, mes jambes se nouèrent autour de ses flancs, et plus il prenait possession de moi, plus j'oubliais avoir été à un autre.
L'ivresse du moment ne me faisait plus vouloir qu'une seule chose : qu'il soit mon passé, mon présent, mon avenir.

Le grondement de sa voix contre mon oreille, son souffle brûlant, ses mouvements puissants : tout conspirait à me nuire et à m'aveugler. J'étais sienne, il était mien, et sentant sa main sur mon front, je rouvrais mes billes sur les siennes et m'y perdais un peu plus. J'essayais de parler, mais les mots sur mes lèvres mouraient à chaque coup de reins. Je m'efforçais de ne plus ciller, mon plaisir se faisait plus sonore, et tandis que je gémissais son prénom, la fièvre dévorait mon corps alimenté par les frottements de nos dermes nus. Une de mes mains se déracinait de son dos pour s'élever et lui caresser la joue, tandis que les ongles de l'autre glissaient jusqu'à ses reins et qu'il s'enfonçait avec fougue toujours plus profondément en moi.
Puis, la jouissance vint : une déflagration m'arracha un cri qui me surprit. Tout mon corps se crispa, j'enfonçais mes ongles dans sa chair, et mes cuisses se serrèrent de plus belle, le souffle coupé pour un instant, tout en le sentant se raidir à l'identique. Pantelante, je relâchais toute la tension -ou plutôt la tension retombait d'elle-même.

Je l'observai sans comprendre, sans savoir ce qu'il s'était passé, sans même savoir si c'était une bonne chose. Comment aurais-je pu savoir que je venais d'avoir un orgasme puisque je n'en avais jamais eu, et que les seuls que je connaissais étaient ceux qu'un homme pouvait avoir ? Les femmes étaient bonnes à souffrir, pas à prendre du plaisir, rappelaient les prêtres. Haletante, j'essayais de reprendre une respiration calme et de me rassurer silencieusement. C'était si bon que cela ne pouvait être mal.
Et pourtant, je me blotissais contre l'ours de Redcliff, au corps aussi brûlant et suant que le mien, et je murmurais avec la moue sincère et désolée que j'offrais autrefois à ma mère lorsqu'elle me reprenait à ne point maîtriser la révérence comme j'aurais dû : « Pardonne-moi. »
Mon corps avait réagi d'une façon inhabituelle, donc il y avait quelque chose qui n'allait pas, et c'était ma faute. C'était (à peu près) clair. Mais alors pourquoi avait-ce été aussi délicieux ? Et pourtant, ne sentais-je pas qu'une douce torpeur et une sérénité longtemps disparue envahir seconde après seconde, chacun de mes muscles ? Je fermais les yeux, la tête au creux de son cou, une main caressant doucement sa joue hirsute. Et j'attendais ou son couperet, ou son pardon : redoutant l'un, espérant l'autre.

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyMer 23 Avr - 16:29

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De profundis clamavi.

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L’ébat langoureux se métamorphose au gré des carnes tièdes en fièvre égrillarde, sarclant les fleurs de ce mal sybarite jalonnant leurs pulsions triviales. Chaque coup de reins est une complainte, chaque sein frôlé est un grognement, et, amarrés par le stupre passionnel, les regards se domptent l’un et l’autre avec ferveur, hissant un culte d’âmes conciliées à l’instar de leurs corps huileux de sueur. Lorsqu’éclot entre les lippes avides la litanie féminine, l’homme ploie son échine pour déverser dans la nuque une faction de soupirs exhalés comme vapeur de charbon. Venant en elle comme un mari le ferait, puis l’embrassant et l’enserrant comme un amant s’y risquerait, le seigneur finit par s’écrouler à ses côtés, ivre du chant transi de la virtuose vénusté, l’esprit étanché de tous maux, les muscles engourdis et le souffle appauvri d’avoir tant aimé. Vient ce moment de torpeur, où tout flotte jusqu’aux phonèmes, l’odeur du sexe embaumant les narines, les sculptures étreintes dans leur océan drapé ne vivant plus que pour soupirer l’accalmie retrouvée. Un bras mis en offrande sous l’épine de la lady, le regard d’onyx perdu sur les boiseries de la charpente, la colossale bête repue se laisser aller à la somnolence lénitive du repos après l’effort.

« Pardonne-moi », dit-elle, arrachant au faciès rugueux un rictus sidéré, levant la herse de ses paupières qui s’apprêtaient déjà à le noyer d’un sommeil épais. Tournant la figure vers la Blackthorn désacralisée, il se met à l’interroger dans un long silence, sondant ces orbes brumeux d’un plaisir érodé comme s’il contemplait les dédales d’un labyrinthe. Il finit, non sans mal, à comprendre l’embarras candide de sa maîtresse, arrachant un sourire attendri suivi d’un rire clair tonnant dans la chambre pour quelques éclats brefs dénués de morgue. « Eh bien, je ne sais pas quoi dire », avoue-t-il en retrouvant sa douce chaleur de compagnon, tournant les épaules et sa robuste carcasse pour un face à face horizontal, nichant son crâne à quelques centimètres du crin de blé. « Tu n’as pas à rougir, j’en suis même honoré », glisse-t-il derrière une fine risette en levant une épaisse patte qui se met à arpenter du dos de la main le visage moite et empourpré de sa muse nocturne. Ses phalanges finissent par disséminer des sillons épars sur les jeunes traits, cajolant la pulpe vermeille en épiant chaque relief comme un sculpteur le ferait. « J’avais oublié cette liesse… J’aime ma femme, mais au fil des années, la passion… » L’index traverse la lèvre inférieure en une longue caresse. « Elle s’affadit. Comme les nuances d’une tapisserie. La teinture devient insipide, il n’y a plus d’éclat, sinon que les pigments de la routine qui s’installent paresseusement. Plus encore avec la maladie… », ses lippes se tordent avec dégoût, un dégoût qu’il châtie immédiatement en balayant ses pensées d’un regard appuyé vers Blaze, la main revenant courir sur sa fine mâchoire. « Avec toi c’est différent. Avec toi c’est… » L’opprobre, à n’en point douter, le déshonneur sur son mariage et ses fiers principes, dans un remous de doute, il finit par s’avancer un peu plus contre le corps féminin, un bras levé au-dessus de la chevelure blonde et l’autre l’enserrant contre lui, la bouche cherchant la pulpe de son autre. « C’est bon. C’est terriblement bon. Que les dieux me pardonnent de les bénir pour t’avoir fait veuve », réprimant de tels propos qu’il regrette instantanément, il enchaîne, l’air peiné : « Non, je ne voulais pas dire ça, excuse-moi. » Lui dérobant toute réponse, il l’étreint pour un nouveau baiser tant délicat qu’inquiété.  

Il est ardu de pouvoir accepter pareil raisonnement, même pour lui. Aucuns droits ne lui sont arrogés pour injurier la mémoire du défunt époux, ce lord peu connu, mais coudoyé en diverses occasions, cet homme bon, ce mari fidèle qui se retournerait dans sa tombe en voyant le patriarche Snowhelm abuser des fêlures de son aimée. Mais un sentiment fanatique se met à germer dans ses entrailles à chaque seconde de plus passée en la compagnie de la jeune ronce, un trouble captivant ses affects et tordant sa conscience. Cette passion retrouvée, ardente et fougueuse qui lui procure une vigueur audacieuse, l’éveillant de son long sommeil morne et terne duquel il se sentait jusqu’alors sombrer. Mais si la nuit, propice aux chimériques exaltations, ne fait que renfoncer cette douce félicité, dès les premières lueurs de l’aurore, les rigoristes déités de son honneur se rappelleront ineffablement au patriarche. Elles, et le souffle égrotant de sa femme.

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Blaze Blackthorn

Ronce à la Rapière

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyVen 25 Avr - 0:54

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Il m'avait observée sans savoir quoi dire. N'avait-il pas compris ce que je me reprochais ? N'y voyait-il pas d'inconvénients ? Je le fixai sans mot dire, prostrée dans cette sensation coupable. Jusqu'à ce qu'il fasse sombrer les inquiétudes qui s'étaient hissées dans mon esprit. « Tu n’as pas à rougir, j’en suis même honoré » Honoré. Je n'osais lui demander de préciser, et je rougissais, plus parce qu'il en avait fait mention que par honte véritable. Il était honoré. Ce que j'avais ressenti ne pouvait alors pas être mauvais. Je fermais les yeux pour profiter complètement de ses caresses, frissonnant à chaque passage de ses doigts sur mes lèvres. Dérobant ainsi mes prunelles aux siennes, j'écoutais son timbre gronder et rouler comme une avalanche. « J’avais oublié cette liesse… J’aime ma femme, mais au fil des années, la passion… » Mes paupières s'ouvrirent alors que son index parcourait ma lèvre inférieure et mes calots s'ancrèrent dans les siens, comme magnétisés. « Elle s’affadit. Comme les nuances d’une tapisserie. La teinture devient insipide, il n’y a plus d’éclat, sinon que les pigments de la routine qui s’installent paresseusement. Plus encore avec la maladie… » Il ne développa pas plus, ça n'était pas nécessaire. Je comprenais ce qu'il pensait et le dégoût qui s'était peint sur son visage était le signe qu'en parler était peut-être déjà trop. Il s'adoucit tout en caressant ma mâchoire et je lui adressai un sourire tendre et compatissant. Je ne m'apitoyai pas, cela dit, ça n'était ni le lieu, ni le moment. « Avec toi c’est différent. Avec toi c’est… » Je cillai, sentant son corps se serrer encore plus contre le mien et ma main s'agrippa à sa nuque, comme pour raffermir l'étreinte paisible. Son souffle revint sur mes lippes qu'il embrassa avant de conclure. « C’est bon. C’est terriblement bon. » J'acquiesçai, un sourire timide ourlant mes lèvres. Et la suite vint, comme une lame, déchirer le havre de paix et de torpeur lénifiante que j'avais trouvé entre ses bras. « Que les dieux me pardonnent de les bénir pour t’avoir fait veuve » Comme s'il m'avait donné un coup au plexus, un hoquet s'échappait d'entre mes lèvres et me laissait choquée. « Non, je ne voulais pas dire ça, excuse-moi. » Le cœur battait plus fort, relancé moins par un désir charnel que par une culpabilité rongeant mes os avec la foudre d'un étalon au galop. Mes lèvres se séparèrent pour formuler une réponse incertaine, à l'image de mon esprit partagé, mais il les prit de court, y déposant sa bouche pour un nouveau baiser, auquel je répondis peut-être machinalement. Peut-être.

Gwaine était mort depuis plus de trois ans et, malgré le chagrin qui m'étreignait encore quand je repensais à lui, je savais qu'il était temps que je tourne la page. Mon père s'étonnait parfois que mon deuil persiste après trois ans, lui qui m'avait promis que mon époux aurait une mort rapide et que je n'aurais pas à le souffrir longtemps. Il ne l'avait pas tué, pour autant. Moi-même, avant ce mariage que je considérais comme un étau, j'avais souhaité mille fois la mort de Ser Gwaine. Les dieux avaient repayé mes bontés en le faisant vivre trois ans à mes côtés, en me laissant m'y attacher et l'aimer, et en me l'arrachant soudainement, au moment où je m'y attendais le moins. À bien y repenser, nous n'étions sans doute que des pions sur leur plateau de jeu, et ils se repaissaient plus de nos peines et de nos châtiments que de nos joies.
Cela voulait-il dire que rien de bon ne sortirait jamais de cette liaison adultérine ?

J'étais prostrée dans un mutisme depuis quelques minutes, à fixer sans le voir l'Ours à la peau cuivrée. Revenant à moi, je perçus l'inquiétude au fond de ses billes, angoisse qui avait dû croître tandis que je me taisais. Que faire ? Que dire ?
Mon défunt époux aurait souhaité que je retrouve un motif à me réjouir après sa mort, j'en étais sûre. Je pouvais être fidèle à son souvenir et continuer de l'aimer tendrement par la pensée, sans le trahir pour autant. Si me remarier était inconcevable (je n'étais pas sortie de ces chaines pour y retourner), je devais avoir le droit à la félicité de l'amour. Tant que l'on ne nous surprenait pas en position inconvenante, je n'avais rien à craindre, ni pour l'honneur du seigneur de Redcliff, ni pour le mien. Toutes ces raisons dûment soupesées m'amenèrent à tendre le cou vers le chevalier qui me serrait contre lui et à joindre nos lèvres une nouvelle fois. « Ne t'inquiète pas. », lui intimai-je en écho à des paroles prononcées plus tôt. La main qui agrippait sa nuque glissa pour caresser doucement sa joue barbue tandis que je reculai mon visage afin de contempler ses traits et m'assurer que l'inquiétude le quittait. « C'est terriblement bon pour moi aussi. Je ne regrette pas une seule seconde que tu sois revenu. » Je préférai taire que j'avais imploré les cieux pour qu'il fasse demi-tour et foule à nouveau le sol de la citadelle des ronces.
Éprouvée dans la chair et dans l'esprit, la fatigue se lisait sur mes traits. Je savais, au fond de moi, qu'il fallait que je me lève et que je me rende dans mes propres appartements pour dormir. Des gens viendraient sans doute s'enquérir du réveil de Lord Snowhelm et, si j'étais trouvée dans ses draps, ça jaserait. Même à Staltistler. Je ne parvenais pourtant pas à me résoudre à quitter son étreinte, bien que je prépare le terrain, d'un ton peiné : « Ma couche va me sembler bien vide. » Un vide auquel j'étais habituée, mais que cette flamme toute nouvelle éclairait d'un jour nouveau. Je continuais, lui révélant des secrets que ne connaissaient sans doute que les héritiers du castel. Ma bouche parlait, mais je ne la contrôlais plus, qu'elle prononce des mots ou embrasse les lippes du mâle : « Il y a une porte dans le mur, entre tes quartiers et les miens mitoyens. » Ses appartements n'étaient pas choisis au hasard, loin de là. Mais pourquoi lui signalais-je un pareil passage ? Une invitation ? Ou bien une promesse, pour d'autres nuits ? Sans doute espérais-je qu'il revienne et que pour cela je le prévenais de l'existence d'une porte qui assurait une discrétion certaine. Gwaine était un lointain souvenir, et l'épouse de Dralvur ne tarderait pas à l'être. J'aurais peut-être dû être dévorée par la honte et la culpabilité de voler ainsi un époux à sa femme malade, mais j'étais si bien dans les bras puissants du colosse cendré que je volais au dessus de ces tourments futurs, tout en m'enivrant de son odeur et de sa chaleur.

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Dralvur Snowhelm

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptySam 26 Avr - 8:06

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De profundis clamavi.

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Il lui semble être fait de griffes, à l'image du totem de ses ancêtres, cette pesante bête rugissant crocs à l'air, prête à pourfendre les os sur son palais et à en mastiquer les viandes avec voracité. Il ne s'agit toutefois pas d'un ennemi quelconque, sur lequel il lacère la carne des affects, mais de sa maîtresse ci-présente à qui il parvient, ignoblement, à arracher un soupir époumoné. Puisse-t-elle lui pardonner, oui, car le voici déjà à regretter son verbe lancinant qu'il sent couler dans les veines de la triste veuve comme un poison le ferait. La muse, pourtant, semble lui accorder miséricorde en quelque étreinte, alanguissant leur douceur charnelle d'un réconfort commun. Accolant leurs lippes d'un dernier scellé, ils finissent par s'observer l'un et l'autre, une fine menotte cajolant sa franche lande boisée d'une barbe rêche. Attentif à la caresse comme un animal apprivoisé, il se tait en accueillant le pardon tacite révélé par le phonème redevenu quiet. Lady Blackthorn n'est pas femme de cruauté, et, même si le seigneur de Redcliff s'est toujours imaginé un esprit vif et indépendant derrière cet heaume de chair, jamais il n'a vu en la dame de fer l'éclat orgueilleux des êtres perfides. Emplie de bonté, la sait-il, une connaissance qui ne fait que redoubler son intime affection pour l'héritière de Staltistler. Diaprant son faciès d'un fin sourire, une main sur un flanc nu emmailloté sous les draps, il l'observe diverger du sinistre sujet à leur propre fatalité. « Alors ne quitte pas la mienne », s'entent-il souffler avec légèreté, l'œil rieur mais non moins sérieux. Un choix que tous deux savent fou et compromettant, mais dont il ne se résout pas à taire la solution. Sa lourde paluche s'égare alors vers une fesse ferme qu'il pétrit avec ferveur, joignant un peu plus leurs bassins comme s'il en réclamait la fusion en discernant leur proche séparation. « Vraiment ? » Il arque un sourcil à l'énonciation du passage secret, avant d'ajouter à demi-mot, le museau sillonnant la nuque féminine : « Ça ne m'étonne guère. » Puis redressant l'échine et la contemplant des ses orbes enténébrés, une risette oblique pour tout écrin au murmure : « J'ai toujours deviné ton esprit tactique. S'il n'est pas au service d'une armée, qu'il soit au moins à celui de notre secret. » Machisme irrévérencieux qu'il conclut dans un éclat rocailleux étouffé à même le cou dénudé de la Ronce, puis, après quelques batifolages à se serrer et se rejeter de plus belles sous le jeu d'une rixe improvisée, il se retrouve sous elle, leur océan drapé bouleversé à ce point qu'il devine leurs croupes à l'air libre. Faut-il bien un peu de légèreté à leurs amers adieux nocturnes. Ils sourient tous deux, s'observent, les souffles encanaillés de leur preste bataille. « Je me sens reprendre des forces », avoue-t-il avec une lubricité que l'on imaginerait mal derrière sa cuirasse de droiture. « Tu ferais mieux de partir si tu ne veux pas que je te retienne jusqu'à l'aube, et plus encore. » Une endurance envers laquelle il serait bon de ne pas douter, car si le chevalier peut la retenir contre le fil de son épée en un long et térébrant entraînement, il peut bien l'aduler de mille façons sous le royaume lunaire. Étirant un peu plus ses lippes, hissant ses pattes des reins accostés à la mâchoire de Blaze, il l'embrasse une ultime fois comme on embrasse son aimée à la veille d'une guerre. Dans un bruissement humide, leurs lèvres se désarment les unes des autres et le lord intime avec un soupçon d'autorité : « Va. » Avant que le feu ne les consume à nouveau.

* * *

Les journées passent, les semaines avec et, bientôt, le mois. Il lui semble entrevoir une fêlure dans la masse noire et compacte qu'était jusqu'à présent son existante, une lumière caressant son visage comme un rayon de soleil le ferait, la chaleur et la douceur pour touts onguents. Ses visites à Staltistler revigorent son cœur meurtri et jaspent son âme d'éclats bienfaiteurs et, ce qui ne être devait de prime abord qu'une erreur devient en peu de temps une liaison. De nuit comme de jour, leurs corps s'unissent avec ivresse, nourrissant chacun d'un peu de tout et d'un peu de rien, juste assez de quoi pour survivre à deux. Son regain ne passe pas inaperçu, mais l'on attribue vite sa vitalité retrouvée au printemps qui vient et à l'amitié charitable des voisins. Redcliff résonne à nouveau des rires tonitruants de l'Ours qui se prend autant à jouer avec ses fils qu'à renflouer les mornes journées des  serviteurs d'une bonne humeur contagieuse. Même sa femme, dépérissant pourtant comme un feu de paille, parvient à craqueler sa pulpe sèche de risettes tant attendries qu'amusées. « Tu me fais là un beau cadeau, Dralvur », lui dit-elle un soir à la lueur des bougies, le teint blafard et le timbre écorché, mais les calots humides d'émotion. « Ton rire. J'avais oublié le chant de ton rire. »

Mais ce n'est qu'un interlude.
Ce n'est qu'une dernière aurore avant le crépuscule.
Tout heureux qu'il puisse être, le patriarche finit par s'épuiser. Ces allées et venues ne sont rien, en comparaison du duel acharné que se livrent ses sentiments en dedans de ses entrailles. Chaque nouveau jour se teinte d'amertume, se glace de culpabilité et s'éteint de chagrin. Ses visites s'espacent de plus en plus, mais lorsqu'il parvient à retrouver les hauts murs de Staltistler, c'est avec difficulté qu'il réussit à les quitter. Tout lui semble plus pesant, plus ardu. La raison lui crie de ne point s'en aller retrouver sa maîtresse, de rester aux côtés du spectre de sa femme, et, une fois auprès de lady Blaze, son cœur éructe des salves de caprice pour que, jamais plus, il ne quitte la couche de la Blackthorn. Le calice duquel il s’abreuvait jusqu'alors empoisonne son palais d'un goût écœurant, sifflant contre ses papilles une démence d'homme torturé par ses propres démons. Ses propres choix. Son propre déclin.

* * *

En sueur, il défait son buste et roule sur le côté. Il l'a prise avec moins de douceur qu'à son habitude, avec plus d'animalité, une chaleur impersonnelle pour toute armature. Une fois n'est pas coutume, il décide de ne pas rallonger leur ébat par une longue étreinte et se déporte en position assise sur le bord du lit. Il fait encore jour au-dehors mais l'astre décroît à l'image des attentions du seigneur. Depuis peu, il se montre distant, voire absent, l'esprit occupé par l'effigie malade de sa femme et, lorsqu'il est avec son épouse, hanté par le doux giron de sa Ronce sans épines. Les paumes accrochées aux draps, la musculature saillante de son dos chevauchée d'une lueur huilée, il courbe l'échine comme il observe le tapis étendu à ses pieds. « Ton père m'a dit avoir été visité par le fils de lord Rivers. » Un lointain noble de peu de valeur, mais non moins un prétendant pour autant. « C'est un bel homme, à ce qu'on raconte. Je ne sais pas si ses boucles noires valent l'aisance de son estoc ou la vélocité de son esprit, mais au moins est-il pourfendu par la robustesse de la jeunesse. » Une jeunesse dont il est dépourvu, lui, l’amant que les vicissitudes rendent jaloux. Est-ce que tout ceci vaut la peine ? Sacrifie-t-il trop pour ne récolter que peu ?
« Te baise-t-il, lui aussi ? » Voilà qui est dit. Et si, en un tel cas, l'opprobre ne devrait être que son vin, le seigneur se pare brusquement d'une sévérité mauvaise. La figure à demi tournée vers le vide, incapable de la regarder en face, il se laisse dépérir dans la vase de la rancœur, conscient du mal infligé, mais trop buté – ou trop gangréné – pour avoir eu le courage de se taire.

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptySam 26 Avr - 17:47

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Les périodes où il était absent s'allongeaient. Était-ce que l'état de sa femme s'aggravait ? Ou bien était-ce le poids des amours coupables qui le retenait dans son fief ? J'avais attendu près d'une semaine avant de le retrouver cette fois-ci, mais les joies des retrouvailles s'étaient estompées peut-être trop vite. L'ours d'argent se ternissait lentement : il n'était plus le même qu'au début de cette liaison adultère et je repensais à cet avant avec mélancolie. Sa carapace se fermait de plus en plus et j'avais l'impression qu'un jour viendrait où je n'arriverai plus à avoir accès à son cœur, où je ne parviendrai même plus à apaiser ses tourments. Un goût de trop peu sur la langue, je le sentais jouir sans y être pour autant. Il s'extirpa sans trop attendre, et laissa l'air frais s'apposer sur mon corps maculé de sueur. Je roulai sur le flanc gauche pour fixer son dos. Quelque chose n'allait pas. Je le savais, déjà depuis la dernière fois au moins, je savais qu'il y avait quelque chose qui ne tournait plus rond. Était-ce moi ? Était-ce lui ? Étaient-ce les dieux qui se lassaient et avaient décidé de se remettre à jouer avec leurs jouets préférés, les humains ?
Il se pencha en avant et laissa sa voix caverneuse voler jusqu'à mes esgourdes. « Ton père m'a dit avoir été visité par le fils de lord Rivers. » Et alors ? Rahel Rivers voulait user de la proximité de mon père avec les Ebonhand pour obtenir le droit de contester un bout de fief à un de ses voisins. Il avait envoyé son fils à Staltistler parce qu'il était incapable de bouger, cloué au lit avec la goutte jusqu'à sa prochaine mort. « C'est un bel homme, à ce qu'on raconte. Je ne sais pas si ses boucles noires valent l'aisance de son estoc ou la vélocité de son esprit, mais au moins est-il pourfendu par la robustesse de la jeunesse. » Son timbre rocailleux ne me laissait pas beaucoup de doute, pas plus que ce qu'il avançait. Il était jaloux. Jaloux d'un imbécile qui était déjà promis à une autre fille de la petite noblesse. Mon père avait respecté l'accord passé à l'aube de mon mariage avec Gwaine : plus jamais il ne m'avait reparlé d'hymen. Il n'y avait peut-être que ma mère pour s'enquérir du devenir de Lady Snowhelm, mais elle ne savait rien de ce qui se passait entre Dralvur et moi. Mon père se taisait, me laissant choisir mon propre chemin sans plus intervenir. Je me redressai et je commençai à avancer sur la couche pour rejoindre son dos, histoire de l'enlacer.
Mais sa question acerbe jaillit d'entre ses lippes avant que je sois contre son rachis, et m'arrêta en pleine avancée. « Te baise-t-il, lui aussi ? »

Figée en position statuesque, je fixai sa nuque. Comment pouvait-il oser me poser une telle question ? Qu'attendait-il comme réponse ? Se rendait-il compte de ce que je lui avais confié ? L'ingrat piétinait un cœur déjà bien abimé. Les dieux jouaient avec nous, encore une fois. Devais-je l'enlacer, comme j'étais partie pour le faire ? Peut-être bien, mais je ne pouvais m'y résoudre. Non. L'insulte était trop cuisante. D'une voix que j'aurais voulu assurée, mais qui au final était à la limite de la supplication peinée, j'écartai sa question : « Pour qui me prends-tu ? » Mon honneur était sans doute inexistant à ses yeux depuis que je l'avais abandonné dans ses bras. Et encore, j'étais veuve, depuis plus de trois ans, donc ça n'était peut-être pas aussi choquant que cela. « Tu crois vraiment que je me donne au premier venu ? C'est ça que tu crois ? » Je reculai, me levai du lit et passai la robe d'un bleu céruléen avec laquelle je l'avais accueilli cette journée. Le corps dissimulé par l'étoffe, je m'observai alors dans le miroir en pied. Y avait-il quelque chose de changé ? Quelque chose qui justifiait qu'il m'interrogeât ainsi ? Mon reflet ne m'alarmant pas particulièrement, je devais donc le confronter.
J'étais furieuse et blessée, meurtrie et enragée. Il n'avait pas le droit de me demander cela, aussi crûment, aussi bêtement. Pensait-il vraiment que j'étais femme à batifoler ainsi ? N'avait-il pas compris qu'en me donnant à lui, deux mois plus tôt, je ne lui avais pas abandonné que mon corps ? J'avais peur, mais la crainte différait de celle qui m'avait étreinte au tout début. Je ne craignais pas tant d'être découverte, la disgrâce ne m'importait plus. Non, la seule inquiétude que j'avais désormais le concernait, lui seul. Pourquoi faisait-il cela ? Pourquoi venait-il entre ces murs si c'était pour m'accuser de trahison ? L'ours était jaloux, bien sûr, mais je n'aurais jamais pu imaginer que ce sentiment prendrait forme chez lui.

Je contournai la couche et vins me positionner face à lui. Il avait tant changé depuis la promenade sur les remparts. Je l'avais admiré et idéalisé, étant enfant, et je découvrais un mâle comme les autres. Je savais que sa jalousie n'était peut-être qu'un avatar de craintes de me perdre face à un autre, plus jeune, mais comment faire s'envoler ces inepties ? Serais-je capable de le rassurer ? « Regarde-moi », lui intimai-je doucement. Ma main incertaine vint le forcer à soulever son visage vers le mien et ce que j'y vis me renvoya à ma propre culpabilité dans l'affaire. Cette liaison lui rongeait l'âme à petit feu. J'oubliais trop facilement sa femme et son état agonisant, ses fils encore en bas âge, le poids des responsabilités qu'il portait. Il n'était que motif de joie un mois plus tôt. Pourtant, je sentais grandir un poids sur mon cœur à mesure que je le fixai. « Il n'y a qu'avec toi que je partage ma couche. » Ce qui était inutile de préciser un mois plus tôt, devenait une évidence à formuler à l'heure qu'il était. Des nuages s'assemblaient dans le ciel autrefois si bleu. « Rivers m'importe peu. Lui, et les autres qui lorgnent les terres des Blackthorn. Ils peuvent tous aller au diable pour ce que ça me fait. Mais toi… » Je me tus, ne sachant quoi dire d'assez clair. Puis, l'évidence me sonna. L'enfer où je remisais de potentiels prétendants à la main que je ne donnerai plus jamais, c'était celui-là-même où il se trouvait. La stupeur m'enserra de ses longues griffes acérées, j'en lâchai son menton et le contemplai de toute ma hauteur. Les dieux en étaient à leur fin de partie et les dégâts semblaient irrémédiables. « Dralvur… », j'entamai une nouvelle fois, mais les mots moururent bien assez tôt dans mon gosier. Je ne pouvais pas poursuivre. J'aurais voulu lui dire que je ne le reconnaissais plus, mais je n'osai pas. Cela ne pouvait plus continuer.

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptySam 26 Avr - 22:58

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« Pour qui me prends-tu ? » Une salve d’honneur vient s’échouer contre la roche de son rachis, l’obligeant à plier paupières sous l’éboulement d’opprobre qui l’assaillit, yeux plissés sous des rides flétries de suppliques. Il sait semer la peine et rien n’est plus pesant que de constater son infamie tel un spectateur impuissant. Pour mon astre, voudrait-il lui dire, aussi cuisant que lénifiant, un soleil qui brûle ses affects de tourments aussi douloureux que bons. Et lui, pauvre hère, simple mortel, assujetti aux lois d’une gravité de plomb, celle qui déchoit son cœur plus bas encore que les Abimes. La bête de chair transpirante serre les poings, saignant sa langue pour en taire les élans. « Tu crois vraiment que je me donne au premier venu ? C'est ça que tu crois ? » Si peu. Que croit-il vraiment ? Sinon que la vie est une mare dans laquelle on se noie à chaque impulsion. La culpabilité lui tord les boyaux comme si la maladie s’était enfin éprise de lui, enjôlant son esprit pourtant d’acier dans le coulis fétide de la paranoïa. Et par conséquent, de la démence. Imaginer sa maîtresse le tromper, c’est l’imaginer blasphémer leur terrible impair, et, de fait, rendre ces semaines et entrevues non seulement félonnes pour son mariage, mais destructrices pour son âme. Alors, la terreur se met à ramper, à griffer les parois et à gémir son apocryphe complainte. Quand bien même son entière foi soit soumise à la térébrante muse, quand bien même son entière et immuable affection lui soit dévouée : quelque chose geint, quelque chose lui murmure, par saccades éhontées, que tout ceci n’est qu’un magnifique désastre.

Il la sent se relever, arpenter la chambre et ses calots, opiniâtres, restent ancrés sur le sol. Il craint défaillir s’il la contemple lécher ses plaies comme une chienne le ferait, calomniée par son propre verbe, autant disgraciée par le stupre coulant entre ses cuisses que par son éloquence de bourreau immolant ses traits d’habitude si calmes. Et lorsqu’elle s’en vient enfin, il s’obstine à détourner son faciès masculin qu’elle confisque toutefois avec souveraineté. Il lutte quelques instants pour ne pas fléchir, mais les orbes finissent par s’entrechoquer. « Il n'y a qu'avec toi que je partage ma couche. » Les naseaux dilatés par la bourrasque branlant sa quiétude, il réalise subitement la situation vaudevillesque dans laquelle il les submerge tous deux ; les amants se jurant fidélité. Un rire amère et sombre galope dans sa gorge et vient éclater entre ses lippes polluées du sang jusqu’ici piégé. Un goût ferreux tout à fait approprié au lugubre instigué dans le huis clos. Il ne souhaite que la prendre dans ses bras et bafouiller comme un gamin des sentences entières de mea culpas. L’embrasser, la rassurer, lui faire l’amour de nouveau et l’emmener dans un repos sain et sauf. Mais il se garde bien d’être le héros de l’algarade, emmuré derrière des herses d’amertume qu’il lui est impossible de lever.  « Rivers m'importe peu. Lui, et les autres qui lorgnent les terres des Blackthorn. Ils peuvent tous aller au diable pour ce que ça me fait. Mais toi… » Tais-toi, pleurent ses calots secs, car chaque mot est une lame de plus dans sa carcasse putride. Et il sent les charognes prêtes à lui dévorer les tripes, prêtes à broyer sa raison pour la mastiquer avec appétit. Ce qu’elle soulève en lui est trop lourd à porter pour un dos soutenant déjà l’amour d’une femme qui doit même lutter pour ne serait-ce que parler. Alors quoi ? Doit-il se scinder ? Laisser une part au chevet de la moribonde, et l’autre dans la couche de l’aimante ? Elle se redresse et tranche son identité avec un timbre dont il devine mal les aspérités. L’aversion ? La pitié ? Il ne sait même plus faire la différence tant l’amas du cloaque lui embourbe le crâne. Il se remet à mirer le vide et, lentement, le masque de marbre noir se fendille sous le phonème grave.

« Je n’en peux plus. » Echo lointain à ses premières vicissitudes, celles qui l’avaient conduit ici pour trouver la paix, et, après la félicité, se retrouver face au néant. Ses pognes, à l’unisson, s’élèvent et traversent son crin sombre déjà jaspé de filaments argentés. « Il y a une plante », commence-t-il d’un ton si bas, qu’il faut tendre l’oreille pour pouvoir le comprendre. « Qui pousse sur les hauteurs de Redcliff. On l’appelle Le tue-loup, elle est jaune, ressemble à des cloches et … » Ses phalanges deviennent des serres qui agrippent sa chevelure à s’en transpercer l’os. Ses épaules roulent sous la pénombre, les bras saillis de veines et muscles endoloris. « Elle est toxique », soupire dans un râle le seigneur qui, visage masqué, n’en tord pas moins sa gueule dans un rictus de supplicié. « J’ai tant rêvé la lui administrer. » De contractions, ses membres passent à tremblements. « J’en ai, ce matin même, arraché quelques-unes. Je les ai portées aux cuisines … j’ai … j’en ai fait une concoction, je … j’étais prêt à la lui servir. » Dans sa nudité absolue, un frisson soulève la carne moite du chevalier qui, après un long silence, rabaisse lourdement ses bras et jalonnent ses cuisses de ses coudes, soulevant sa figure hirsute et échevelée vers l’effigie de la Ronce. « Je ne l’ai pas fait, comme tu t’en doutes. » Une lassitude aiguë s’empare brusquement de sa carcasse dépouillée, la voix recouvrant a minima une tonalité plus perceptible. « Je suis autant incapable d’achever ce qu’il me reste là-bas, que de commencer ce qui m’attend ici. » Les billes d’onyx cherchent leur alter-égo, poursuivant avec asthénie : « C’est comme mourir et renaître. Renaître et … mourir. Chaque matin, chaque nuit. » Incompréhensible, corrompu par un trouble évident, il se relève enfin et jauge lady Blackthorn de toute sa colossale stature, pliant finalement l’échine pour que leurs fronts se scellent en silence, les yeux clos, le souffle pesant. « Bientôt peut-être, bientôt sûrement, ce sera terminé » s’entend-il proférer, déformant ses ridules d’une peine somme toute endurée, à s’écouter désirer la propre mort de sa femme. Pauvre fou asphyxié par ses chimériques mensonges.

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Blaze Blackthorn

Ronce à la Rapière

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Ronce à la Rapière
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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyLun 28 Avr - 0:01

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« Je n’en peux plus. » Cet aveu me broyait le cœur. Il était à bout, j'aurais dû le comprendre plus tôt, mais j'avais préféré m'aveugler. Il fixait le vide et je reculais de quelques pas pour mieux l'observer croisant les bras contre mon buste, comme pour réfréner ce frisson qui me traversait de haut en bas. J'étais cependant assez proche pour entendre ce chuintement macabre qui filtrait d'entre ses lèvres sèches. Je me tus, me contentant de tendre l'oreille pour écouter ses confessions. Et j'essayai de ne rien laisser paraître, tandis que mes pupilles se dilataient face à l'aveu et que ma gorge se nouait. « J’ai tant rêvé la lui administrer. » La surprise porta une de mes mains à mes lèvres et, immobile, je décelai le tremblement qui prenait son corps. J'aurais dû être à ses côtés. N'était-ce pas ce qu'une femme aimante aurait dû faire ? Oui mais… Je n'étais pas sa femme, seulement sa maîtresse. Et cette liaison lui faisait, en fin de parcours, bien plus de mal qu'elle ne pouvait encore lui faire de bien. La stupeur passée, la main retomba et j'approchai de l'ours blessé encore assis. Il releva son visage vers moi et ce que je percevais dans ses orbes sombres me terrifia. Il ne me faisait pas peur, mais ses envies, ses idées, ses pensées n'étaient pas celles que j'avais connues. Il avait changé et je craignais d'être responsable d'une telle altération. « Je ne l’ai pas fait, comme tu t’en doutes. » Je hochai la tête, murmurant un « Je le sais bien. » qu'il n'entendrait peut-être pas et qui était là autant pour le rassurer que pour taire mes inquiétudes. Il n'était pas homme à tuer sa femme. Pas lui. Pas celui que j'aimais. « Je suis autant incapable d’achever ce qu’il me reste là-bas, que de commencer ce qui m’attend ici. » Un sourire désolé étira mollement la commissure de mes lèvres, pour mourir rapidement. Il ne pouvait pas courir deux lièvres à la fois. Et je comprenais, un peu tard peut-être, que cette idylle était vouée au cimetière des aventures qui n'auraient jamais dû être. J'avais cru, pendant ces deux mois, que ce nous était possible, même caché. Que cette félicité qui nous avait entrainés dans le basculement la première fois serait éternelle. Il n'en était rien : la jeune sotte que j'étais s'en rendait désormais compte. « C’est comme mourir et renaître. Renaître et … mourir. Chaque matin, chaque nuit. » Paix, Amour. Ne prononce plus un mot. Laisse-moi au moins reprendre mes esprits. Mais le voilà qui se levait, franchissait la faible distance qui nous tenait écartés, et posait son front contre le mien. Oh, Dralvur… « Bientôt peut-être, bientôt sûrement, ce sera terminé. » Mes paupières se fermèrent tandis que j'inspirai une grande bouffée d'air. Oh mon aimé… Il espérait le décès de sa femme comme les paysans un printemps clément. Il l'attendait. Il comptait dessus.

Il n'était plus l'homme auquel je m'étais donnée. Celui qui redoutait la mort de son épouse. Celui qui m'avait regardée comme une amie. Il se pouvait que Lady Snowhelm survive encore plusieurs mois, plusieurs saisons, voire plusieurs années. Ou peut-être ne passerait-elle pas l'hiver. Je n'avais aucune vision qui me permettait de connaître l'avenir et je préférais l'ignorer dans ce cas de figure. Ma main droite entrelaçait ses doigts avec ceux du chevalier, dans une mesure d'apaisement. Mes traits étaient fatigués et peinés, la ride du chagrin creusée dans mon front encore exempt de traces du temps. Je savais que je n'avais plus le choix. Cette relation dévorait mon ours, peu à peu, et je ne pourrais le souffrir plus longtemps. La séparation était inévitable désormais, je m'y résolvais tandis que les secondes passaient dans le sablier. Mais il était bien beau de se décider sans le dire, la partie la plus difficile était de prononcer les mots qui mettraient fin à cette parenthèse dans nos vies. Je serrai sa main et je tremblai, rouvrant des yeux brillants sur son faciès. J'inspirai de nouveau, priant les dieux de me donner la force nécessaire : les mots me vinrent et ma voix rampa hors de mon gosier : « Je vais partir. » La décision dont je voulais lui faire part d'une façon douce frappa comme un boulet contre les remparts d'une place forte. La main libre remonta à tâtons jusqu'à sa joue râpeuse alors que mes paupières étaient retombées comme un rideau pour lui dérober mes billes humides. « Je ne peux pas… Je ne peux plus te laisser te détruire ainsi. » C'était égoïste de ma part de le laisser se consumer ainsi. Je n'avais que trop pensé à moi, c'était indigne de la noblesse à laquelle je prétendais. Je me dégageai brutalement de lui, alors qu'un sanglot me venait et déchirait ma gorge. Je me détournai de lui et je fixai la cheminée et le mur de pierre où la porte dérobée était entrouverte. Croisant les bras contre mon buste une nouvelle fois, je me refusais à le fixer encore. « "Renaître et mourir"… Tu l'as dit toi-même. Cette histoire te tue à petit feu. »

Partir était la seule solution. Instaurer une distance trop grande entre nous deux le dissuaderait de chercher à la franchir et le maintiendrait auprès de son épouse. Ce n'était pas de gaieté de cœur, il le saurait. Mon corps se retournait sur son axe vertical sans que je ne le veuille : sa silhouette me pétrifiait. Aurais-je assez de force pour tirer un trait sur ce qui m'emplissait de joie ? Le "foutre", comme les soldats disaient, faisait poisser mes cuisses, dégringolant lentement le long de mes jambes. J'étais vêtue, mais je me sentais complètement nue, désemparée, dévastée aussi, par le choix que je mettais en branle. « Je vais partir. », répétai-je, hébétée peut-être par la mise à mort de nos amours. « Ça sera plus simple. Pour toi, comme pour moi. » J'essayais de m'en convaincre, en tout cas. « Il faut que je te relâche. » Comme si je l'avais retenu prisonnier trop longtemps. J'aurais voulu me pendre à son cou une dernière fois, lui dérober un ultime baiser, mais si je cédais, je ne parviendrai jamais à lui rendre un semblant de liberté. Je devais être forte, retenir ces feux qui dévoraient mon âme et me séparer de lui. « Je serai toujours là pour toi… mais plus de cette manière. C'est invivable. » Viendrait un jour où nous déchirerions si je persistais à le garder auprès de moi. Je ne détournai plus mon regard, mais je reculai. Lentement. Sûrement. Je finis par sentir la porte dérobée dans mon dos et, m'appuyant dessus, j'esquissai des paroles qui dévoilaient l'étendue de ma douleur : « Je suis désolée. Je n'ai jamais voulu te faire autant de mal. » Et puis je lui tournai le dos, passai derrière la paroi du passage secret, et la refermai brutalement, m'appuyant contre l'huis rocailleux en portant une main à ma bouche, pour tenter de réprimer des pleurs qui secouaient désormais tout mon corps. C'était terminé. C'était pour le mieux.
Ce qui était bon pour l'âme n'était pas toujours bon pour le cœur, je le découvrais à présent à mes dépends.

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Dralvur Snowhelm

Ours cendré d'Ibenholt

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MessageSujet: Re: De profundis clamavi. (blaze)   De profundis clamavi. (blaze) EmptyMar 29 Avr - 0:36

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De profundis clamavi.

blaze & dralvur

Dans la tiédeur de la chambre, un souffle. Un souffle distinct, un souffle des plus articulés, un souffle au phonème clair. Mais un souffle quand même. Qui balaye bon nombre de choses chez le seigneur qui, dans son plus simple apparat d'homme, ne constate pas immédiatement l'aveu. Serait-il devenu sourd qu'il en aurait été de même, inondant son ouïe d’une cire résolument épaisse : celle du déni. Celle qui, croyant protéger les affects, ne fait que retarder le fracas des émotions. Sa maîtresse s'est pourtant écartée, estropiant leurs carnes d'un courant d'air railleur. Ce n'est qu'enfin, après de longues secondes à planter ses obsidiennes dans les orbes clairs, que le colosse fait d'argile s’effondrent tout de go. Ses pieds tiennent, sa stature pèse, mais son faciès devient frictions d'émois qu'il paraît taire plus par survie, que par réelle maîtrise. Partir ? Les lippes restent tranquilles derrière leur houle de palabres et, dans un éclat glacial, l'incompréhension fait place à la colère. Celle d'un amant qui se refuse à la séparation. Celle d'un homme qui se refuse à la perte. « Que dis-tu ? », articulent ses lèvres retroussées d'un rictus, aphone d'une voix qui se soustrait à son timbre naturellement grave. Ne résulte alors plus qu'un zéphyr chaud, transvasé dans l'atmosphère avec une révolte sourde. Le patriarche ne peut y croire, aussi cherche-t-il dans ces gemmes tant adorées les réponses à ses troubles vicissitudes. « Je ne peux pas… Je ne peux plus te laisser te détruire ainsi. » C'est pourtant elle, et elle seule, qui le détruit à cet instant même. Il ne voit ni le sacrifice, ni l'altruisme portés par, il se peut, un amour véritable. Il ne conçoit plus que l'abandon, la trahison qu'elle lui inflige comme une pluie de sagaies. Jusque sa charpente, se déploie en falaise tranchante. Ce corps qui s'est tant uni à celui de la Ronce, ces muscles qui ont tant roulés sous la chair dans des ébats de fièvre, ces bras qui ont tant étreints, ces mains qui ont tant caressées ; il n'est plus qu'animal dressé sur ses pattes, un ours féroce qui soulève sa cage thoracique de ronflements hostiles mais qui se garde bien, pour l'heure, de déchaîner la bête encagée dans ses tripes. L'humain reste encore, celui digne, celui tendre, qui souhaite ouïr le verbe décisif de sa belle pour déceler la faille qui lui permettra d'infirmer ses paroles. Muet, il la mire faire volte-face et se dérober à son regard de plomb, secouée par ce qu'il comprend être de tristes sanglots. Un pas vers elle. Il donnerait ses terres et ses titres pour pouvoir la serrer contre lui, l'embrasser, lui dérober ces mots pour les broyer contre ses lippes, lui dire de se taire, la ramener dans les draps et l'aimer encore. « "Renaître et mourir"… Tu l'as dit toi-même. Cette histoire te tue à petit feu. » Mais il n'en fait rien.

Concassant ses crocs les uns aux autres, poings fermés comme des massues, il vrille à son tour ses globes pour les porter dans le vide ; n'importe où sauf sur elle. Entre ire et abattement, il finit par rugir dans sa barbe un murmure rocheux. « Bons dieux, ce n'est pas ce que je voulais dire…! » Mais à l'instant t, il ne lui semble plus qu'avoir contre son palais le goût amer du mensonge. Qu'il est douloureux de n'être que mortel. Qu'il est douloureux de faire front à ses propres fissures. Les toucher du bout des doigts et les sentir se desquamer un peu plus. Elle dit vrai. Le constat est de tonnerre. Il sent un frisson hideux cavaler contre son derme moite et une vague brûlante éclabousser son crâne. « Je vais partir. », répète-t-elle. « Non », clame-t-il subitement, les cordes vocales maculées de cet auguste autorité d'homme de guerre. Le menton hirsute revient à elle, et, plus bas, le lord rajoute encore : « Ce n'est que folie. » Dans ses calots virevoltent toutefois les flammes de l'abdication, sans même qu'il ne s'en rende compte, sans même qu'il ne l'accepte : son cœur hurle, tandis que son esprit plie l’échine. Il est des combats qu'il faut savoir perdre.
« Ça sera plus simple. Pour toi, comme pour moi. » Il renifle, tous naseaux dilatés, cette rage sèche qui le secoue à chaque nouvelle intonation. « Il faut que je te relâche. » La gueule de l'ours se tord et un bras s'arme d'une gestuelle vindicative. « Suffit ! Tu n'es pas un fardeau ! » Se croit-elle être ses chaînes ? Se croit-elle être l'extraction même de ses maux ? Cognant l'air de voyelles puissantes, il se retrouve pourtant à ne point bouger de son socle, ancré sur le sol par l'intuition fugace qu'il n'a guère son mot à dire. Malgré toute l'impétueuse sédition qui fracture son sang-froid, il sait reconnaître la détermination qui campe sur les jeunes ridules de la lady. Une belle et terrible résolution qui pourrait le laisser coi, s'il n'était pas si révolté. « Je serai toujours là pour toi… mais plus de cette manière. C'est invivable. » Déchu de ses hautes falaises d'acier, un tremblement se met à corrompre sa mâchoire carrée qui, endeuillée, se refuse à cracher d'autres poisons. Si ce n'est ce prénom, unique, qui traverse son palais comme l'ultime plainte d'un mourant. « Blaze. » Une supplique timorée, les yeux embués, la résignation du perdant coulant sur ses larges épaules nues. Fier seigneur du nord qui ne peut plus ni grogner, ni invectiver, ni même éructer, face à la sculpture opalescente qui s'efface dans la noirceur de leurs afflictions, dans la pénombre de leur tanière saccagée à jamais. « Je suis désolée. Je n'ai jamais voulu te faire autant de mal. » Il cherche de l'oxygène, puis finit par formuler : « Je sais », avec une peine térébrante, acceptant formellement ce que sa poitrine s'esquinte encore à libérer.

Lorsqu'elle disparaît enfin, Snowhelm reste de longues secondes à contempler l'absence. De longues secondes durant lesquelles « Je sais » revient tel un roulis s'échouer en bordures de lèvres. Une litanie proche de la démence qu'il se répète sans fin dans l'espoir d'enseigner son cœur à la perte infligée. Puis avec lenteur, ses talons se décrochent du parquet et le ramènent vers la couche fripée, l'arôme libertin courant encore dans ses narines, la marée de draps s'exhibant sous son regard vide. Il s'écaille, s'effrite, se meurt un peu à chaque souffle et laisse d'épaisses larmes silencieuses couler sur les saillies de ses pommettes, avant que, dans un éclat aussi violent que la foudre, un grondement ne se meuve dans son gosier et ricoche sur les murs de la chambre, bientôt suivi de la table de chevet et d'une commode de bois en fer qu'il renverse avec furie et bestialité. Une violence nécessaire pour le colosse quiet, qui à défaut de se jeter à corps perdu dans une mêlée de cuirasses et épées, absous son chaos bilieux dans un vandalisme coléreux. Mais il ne hait ni Blaze, ni sa femme, ni même les dieux. Aucun n'est responsable, aucun n'est à blâmer. C'est bien là toute la fatalité de son chagrin ; n'avoir personne à châtier. Et n'avoir plus personne à aimer.

L'aurore le distinguera galoper sur les collines aux pieds des montagnes Solvkant, éperonnant son destrier avec la même fougue qu'il y a quelques mois, lorsqu'il croyait quitter ses démons. Mais il n'y a nul démon à fuir, sinon que l’éternelle rivalité du cœur et de la raison. Sinon que l’éternelle humanité, fardeau de tous mortels.



– fin –


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