Edern est né en été dans le royaume de l’hiver. Il a été étreint par Xyhmis au milieu des fidèles de Catharis. Pour beaucoup, ce n’est qu’un détail, mais pour Edern, c’est le signe même qu’il est né trop tard. Qu’il est arrivé dans sa famille quand toutes les cartes maîtresses avaient déjà été posées. Que ce n’était pas vraiment sur lui qu’on comptait pour gagner la partie ; au mieux permettrait-il de remporter une main. Ces soupçons, sans doute infondés, n’ont cessé de germer dans l’esprit du benjamin des Snowhelm, et ce depuis son plus jeune âge.

Pourtant, enfant, il a été choyé et aimé. A l’égard de ses aînés, il a développé respect, admiration et, bien qu’il se refuse à se l’avouer, un brin de jalousie. Eux qui accaparaient l’attention et la reconnaissance de ses parents et ne lui laissaient que quelques minutes de tendresse au coin du feu. Dans ses rêveries les plus profondes, il en venait à faire du mal à ses aînés. Et, honteux, à se réprimander d’avoir de telles pensées lorsque, transpirant et haletant, il se réveillait.

L’histoire d’Edern n’est pas celle d’un mal-aimé, mais plutôt celle de quelqu’un se voyant comme tel.

Edern détestait Redcliff. Difficile de se sentir à l’aise niché dans un caillou. Enfant, le benjamin des Snowhelm faisait en sorte de ne jamais toucher les murs du château ; l’un de ses frères lui avait fait croire qu’ils avaient été recouverts du sang des faibles de Redcliff pour que les occupants du château n’oublient jamais le sort qui était réservé aux moins braves. Longtemps, Edern crut en cette histoire, et terrorisé qu’il était par cet endroit, il passait le plus clair de son temps à l’extérieur, explorant les forêts denses qui tapissaient les alentours du château. C’était un jeune garçon agile, téméraire et fort. Du moins, c’est ce que lui disait son père. « Edern, l’ourson des Snowhelm » ; c’est ainsi que ses proches s’amusaient à l’appeler. Edern n’aimait pas ce surnom.

A l’âge de sept ans, il fut envoyé chez les Chevaliers d’Airain. Très vite, le Val lui plut. Son climat, son écosystème … Les tours d’Airain étaient bien plus gaies que Redcliff. Ici, il repartait de zéro. Ici, il y avait des choses à faire, pensait-il. Et effectivement, il trouva sa place dans l’Ordre, si bien qu’après sa formation, il fit le choix d’y rester et de prêter Serment. Il obtint l’aval de ses proches, fier de voir l’un des leurs venir grossir les rangs d’une faction si prestigieuse. C’est ainsi que l’Ourson quitta ses forêts d’origine.

Appliqué et volontaire, il sut se faire respecter au sein de l’Ordre. Les Chevaliers d’Airain se battaient pour des bonnes raisons, ils défendaient une cause honorable, et Edern trouva avec eux un sens à donner à sa vie. Il ne se battrait pas pour des querelles de châteaux, il ne tuerait pas pour satisfaire un seigneur cupide. Non, ici, il défendrait Middholt. Il aimait l’idée selon laquelle il vouait sa vie à une cause noble et universelle.

Cependant, s’il aimait penser que ses actions étaient mues par la seule volonté de faire le bien en Middholt, Edern savait qu’il y avait quelque chose d’autre. A vrai dire, il y avait surtout quelque chose d’autre : cette volonté d’égaler les plus illustres des Snowhelm, ce désir ardent de marquer l’histoire de sa famille par ce qu’il allait accomplir, cette obsession malsaine d’être au centre des discussions à Redcliff. Parfois, Edern était tourmenté par les pensées qui étaient les siennes. Souvent, il les prenait à la légère. « Ce ne sont que des mauvais rêves » aimait-il se répéter. Pour rien au monde il n’en aurait parlé avec qui que ce soit. C’était son secret. Son fardeau qu’il refusait de trainer, qu’il préférait ignorer. Et qui, silencieusement, continuait de germer.

Edern était un bon élément. Claymore en main, il était redoutable ; « Bearstroke » était le nom de son épée. Elle était à ses yeux une prolongation de lui-même. Sa droiture, son sens du travail et de l’honneur ainsi que ses qualités d’épéiste permirent à Edern d’être nommé Maître-Lame. Rares étaient les élus, mais le Snowhelm ne s’en satisfaisait pas. Ambitieux, il voyait plus loin. Il caressait l’espoir d’arriver en haut de l’échelle, d’être recouvert de cet honneur. Et, pensait-il, rien ni personne ne l’en empêcherait.

Félicitations, très cher pion, et bienvenue sur l'échiquier de Frostfall. Gare à toi, parce qu'ici, la félonie est un plat qu'on sert à toutes les sauces...

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