ne autre impasse. Un autre conseil avec les hommes de main du roi et encore une fois, on lui refuse l’accès aux appartements royaux. Là où se cache, prisonnière, la princesse qu’elle voudrait tant sauver, protéger. Car elle n’a aucune raison de vivre, aucune autre satisfaction de savoir ceux qu’elle aime en sécurité, même si cela implique sa perte. La chevalier quitte la salle du conseil, les joues rouges de colère, les poings serrés alors qu’on l’envoie accueillir de nouveaux arrivants, importants dignitaires. Daggerfall. Sans un mot, elle avait posé le poing sur sa poitrine, incliné la tête en guise de respect et avait tourné les talons. Elle se trouvait alors dans les annexes et les nombreux couloirs lorsqu’elle entendit une femme hurler à quelques lieux de là. Un cri de surprise et non de peur. Un cri indigné, surprise poignante, celui d’une jouvencelle surprise les jupes baissées devant l’époux d’une autre dame de la cour. Un sourire se dessina alors sur les lèvres de la femme couverte de son armure de métal. Elle se délectait toujours de ces exclamations innocentes, exagération de la bêtise et de l’ambition idiote des jeunes dames nobles cherchant toujours à grimper la montagne des richesses par l’entremise d’un regard aguicheur et d’une jambe levée. La Claymerie n’avait pas besoin de ses artifices. Au contraire, c’est sous le couvert d’un visage d’homme qu’elle avait pu laver le peu d’honneur qui restait dans le nom de sa maison. Elle n’avait pas à ouvrir les jambes pour atteindre le pouvoir, elle n’avait qu’à fermer les sangles de son armure.

Elle se dirigea donc vers le tapage anodin, son assignation de la journée toujours en tête. Lorsqu’elle pénétra un couloir à sa droite, elle remarqua un homme aux cheveux bruns qui déambulait, un air perdu tordant chaque parcelle de son visage renfrogné. Cette petite mission ne plaisait guère à la femme. Escorter des dignitaires… cela la répugnait. Elle n’était pas un guide, une simple servante. Mais elle savait très bien que cet homme n’y était pour rien. Sa rancœur était tournée vers les Corbeaux, rôdant sans relâche autour de la tour d’ivoire de la princesse à la chevelure aux rayonnements lunaires. Elle s’arrêta à quelques pas du dignitaire, les mains derrière le dos, droite et fière comme elle essayait de paraître aux yeux de tous.

Cachant son irritation du mieux qu’elle pouvait, elle ne désirait pas faire mauvaise impression.   « Vous tombez à pic ! Je viens d'arriver, et j'ignore totalement où se trouve ma chambre. » La ténébreuse s’attendait à une moquerie, habitude placide d’une chevalier trop souvent rabaissée par son statue de femme. L’homme semblait plutôt soulagé de la voir, ne faisant aucune allusion stupide sur son sexe. L’air rigide, aucune émotion transpirant sur les pores de son visage à la peau laiteuse, elle s’inclina un peu. Salutations. « Je vois bien cela. À moins d’être un domestique, vous n’êtes pas au bon endroit. Le quartier des gardes est par là. Si vous voulez bien me suivre. » Elle lui tourna le dos, commençant lentement à marcher, sachant très bien qu’il allait emboîter le pas. Elle ralentit légèrement pour finalement marcher à ses côtés, à sa hauteur. Elle tourna la tête vers lui, l’analysant de la tête aux pieds. Il n’avait pas l’air d’un garde ordinaire et elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était probablement un mercenaire, enfant né dans les rues, fils de roturier cherchant un gagne-pain grâce à la lame de son épée. Et, elle ne pouvait s’empêcher d’exécrer ce genre de personne.

Il leur fallait traverser plusieurs Ailes du château pour atteindre les appartements des gardes, là où serait logé le Daggerfall et malheureusement pour lui, Jack n’était pas un type bavard. Celle qui ne sait jamais s’amuser qu’ils la qualifient. Décidément, balader des dignitaires ainsi à travers le palais lui répugnait. Elle détourna le regard, un air sombre sur chacun de ses traits. « À ce que j’ai pu entendre, vous avez fait d’intéressantes rencontres? » Ton moqueur, moyen pour la chevalier d’essayer d’oublier sa colère, son humiliation. Tout comme elle, il avait pu tomber sur de nombreux personnages en parcourant le château, beaucoup d’entre eux s’entrelaçant, copulant ou qui sait quelle activité triomphante encore…

e garde du corps du célèbre créancier des rois ne se fit pas attendre. Une fois dans ses quartiers, Jack l'observa analyser la pièce, chaque recoin, à la recherche d'un quelconque cadeau empoisonné. Face à cette scène, la chevalier ne put qu'étirer un sourire et appuyer l'épaule sur le pas de la porte pour trouver assise. Elle croisa les bras sur sa poitrine bien coffrée dans la boîte de métal que formait son armure chevaleresque. « Intéressantes rencontres ?! Allons, à part Crendal, il n'y a que des nobles ennuyeux, avides de prendre la place du créancier. C'est d'ailleurs amusant de voir comme ils se sont soudainement intéressés à moi quand je suis devenu garde personnel de Sir Flynn. Le monde de la haute noblesse m'a l'air d'être un véritable théâtre ou chaque acteur sait quand rentrer en scène. Mais moi, je ne me fais pas avoir par ces comédiens. » La Claymerie laissa échapper un léger rire. Étant elle-même née dans le monde avide de la noblesse, elle connaissait très bien tous ces jeux de pouvoir... seul passe-temps des nobles de toutes les cours. Et sa famille avait durement payé le prix de ce jeu grotesque. Toute sa vie, Jack avait dû se faire aux faux-semblants, aux tromperies et aux trahisons. C'est pourquoi elle avait décidé de devenir chevalier. Redorer le blason de sa famille déchue et pour honorer une vie juste, sans mensonges et manipulations. Mais même sous ses habits de guerrière, elle était sans cesse persécuter par tous ses complots, voyant ceux qu'elle sert fidèlement être trahis à leur tour par l'Usurpateur. Ce néophyte des machinations bourgeoises ne pouvait pas mieux tomber en la personne de Jacqueline.

Au départ, elle n'était pas certaine d'apprécier ce personnage, mais lentement, elle se rendait compte qu'il ne ressemblait pas nécessairement au mercenaire qu'elle avait d'abord imaginé. « La trahison est un poison qu'on sert dans toutes les coupes, ici à la cour. J'espère que vous avez apporté votre goûteur personnel. Une armée, en fait, car je doute que le premier survive à la première journée. » Un rictus amusé sur le coin de ses lèvres, elle s'avança dans la chambre d'invité alors que l'ancien mercenaire venait s'installer sur les montagnes confortables du lit. « J'ai longtemps combattu aux côtés de mercenaire et la plupart étaient des femmes. Beaucoup m'ont raconté à quel point il n'était pas aisé d'être une gardienne ou une chevalière au sein d'une cité. Les hommes se moquent et sous-estiment, mais pour m'être battu aux côtés de femmes indubitablement adroites au combat, et qui ont mis plus d'une fois à terre des grands gaillards qui faisaient le double de leur taille et de leur corpulence, croyez-moi que je ne remettrai jamais en doute votre capacité à manier l'épée. » La jeune femme le toisa de la tête aux pieds alors qu'il se mettait à l'aise dans sa nouvelle chambre. Une vague surprise se glissait sur les traits de son visage. Elle avait rarement rencontré d'hommes de la sorte, déclarant ouvertement ne pas douter de ses habiletés guerrières malgré son sexe féminine. Elle était loin d'être une jouvencelle apeurée mais beaucoup faisait fi de son assurance pour la rabrouer de sobriquets humiliants. Femelle, petite fille, putain. Elle fut donc surprise de constater que ce Vorn ne partageait pas cette vilaine habitude avec les autres chevaliers du château.

Elle vint glisser une main sur sa hanche, l'autre sur le pommeau de son épée et s'arrêta devant le brun. « C'est que les hommes se laissent souvent berner par nos airs fragiles. Ou par ce qui se cache sous nos jupes. Et quand ils voient une belle dame camouflée sous son armure, tout ce qu'ils veulent, c'est la briser. » La Bouclier fit lentement glisser ses doigts contre le manche de son épée d'un air amusé. Elle se rappela pendant un instant les lointains souvenirs de ses jours d'écuyer, lorsqu'elle se faisait encore passer pour un petit garçon. Jacqueline était devenu Jack et elle n'en avait nullement honte, malgré les moqueries. La noblesse guerrière embrassait ses courbes féminines et elle en faisait sa force. « Heureuse de voir que vous n'êtes pas homme à être facilement trompé par nos attributs attrayants de donzelle. Je me présente. Ser Jack Claymerie, pour vous servir. » À l'écho de son nom bien masculin, beaucoup riaient, restaient incrédules, mais face au Daggerfall, la jeune femme se doutait qu'il n'en ferait aucune allusion, ou s'il le faisait, par simple curiosité. Elle hocha lentement la tête pour accompagner son humble présentation et reposa ses yeux clairs sur lui. Décidément, il était bien différent des autres soldats de la cour et étrangement, Jack avait l'impression de respirer un nouvel air. Un atmosphère enfin libre de tous préjugés remplissait ses poumons. Finalement, ce mercenaire réservait bien des surprises...