« Lady Lehvinia, relevez la tête. Tenez-vous droite. » L'enfant acquiesça, même s'il était aisé de deviner son agacement. Il y avait bien une leçon qu'elle avait retenu : la politesse. Tact et retenue demeuraient en ce monde des outils indispensables pour évoluer à son aise. Et pourtant, son tempérament n'était pas toujours de tout repos. La fillette s'agitait, s'emportait, s'enflammait littéralement lorsqu'elle se sentait rabaissée ou victime d'une quelconque injustice. Sans compter la nature enfantine de sa personne... Mais elle écoutait et laissait son esprit s'imprégner de tous les bons et précieux conseils qu'on lui donnait. Ce jour-là par exemple, elle tenait entre ses mains délicates un arc. La cible était à bonne distance et les flèches de l'élève venaient s'y planter dans un sifflement léger, non sans force. Ce n'était pas ce qu'elle préférait... Mais ne s'en plaignait pas, craignant sans doute qu'on ne l'invite à s'occuper autrement : avec entre autre des leçons politiques et militaires. Ici, elle était à l'air libre. Elle pouvait sentir les rayons du soleil caresser sa peau et l'envelopper d'un chaleureux halo de lumière. Certes, rien ne valait la brise qui fouettait son visage lorsqu'elle était à cheval, recouvrant alors un sentiment ultime de liberté. Mais elle ne comptait pas faire la difficile. Son père portait tellement d'attention à son éducation, qu'elle ne pouvait que l'en remercier et s'enrichir de tous ces savoirs et compétences : histoire, théologie, sciences militaires, philosophie, art et musique, équitation, et même un peu de fauconnerie, qui la passionnait beaucoup. C'était une chance auxquelles peu de damoiselles pouvaient prétendre, Lehvinia en avait conscience. « Lehvinia ! - La voix de son père venait de retentir. - Va préparer tes affaires, tu vas m'accompagner... » Décevoir sa famille n'était pas envisageable. Elle était une Dragonfall et se devait d'être à la hauteur.

Son teint blafard témoignait de son inquiétude, alors que ses joues rosées exprimaient tout son stress. Elle tenait dans ses bras sa petite sœur, et prêtait une oreille faussement attentive aux aventures de sa poupée de chiffon. On avait demandé à Lehvinia de s'occuper de ses cadets, de les distraire pour ne pas accabler leurs esprits enfantins de questions et de craintes. L'accouchement de leur mère ne présageait rien de bon, tant il se voulait long et douloureux. Quelques complications étaient venue noircir le tableau, tout en assombrissant le regard du roi. Il se tenait là, dans l'encadrement de la porte, silencieux. Planté sur ses deux jambes, il semblait incapable de bouger. Sa tête était lourde, assommée par cette dure réalité. Lehvinia sentit son cœur se serrer, comme si du plus profond de son être elle avait pu partager la douleur de son père. Un simple regard fut suffisant pour confirmer l'horrible nouvelle. Une larme perla au coin de ses yeux clairs. Ces éclats cristallins roulèrent sur ses joues, ornant ses traits fins d'une funeste lumière. Sa mâchoire se contracta, pour retenir un hurlement qui lui aurait déchiré la poitrine. La souffrance l'étreignait à présent, venant l'envelopper de toute part jusqu'à l'étouffer. Lehvinia prit une grande inspiration, laissant éclater un sanglot et les regards emplis d'incompréhension de ses frères et sœurs se posèrent alors sur elle. Que pouvait-elle leur dire ? Que pouvait-elle faire pour ces pauvres enfants ? Ils étaient à présent orphelins de mère, tout comme elle. La détresse se lisait sur son visage de poupée. Elle libéra sa cadette de son étreinte, déposa un baiser sur son front, à la peau de lait. Puis elle se redressa, presque trop calme pour que cela semble normal. Il lui fallait trouver du réconfort dans les bras de son père et cacher ses larmes en venant nicher son doux visage dans les épaisses fourrures qui ornaient les épaules du désormais veuf patriarche.

Le poing heurta la table, dans un grondement sourd qui emplit la grande salle de banquet. Elle le fixait, avec cet air désinvolte, comme un puma à l'arrêt, prêt à bondir. Il n'avait qu'un mot à dire pour qu'elle se retire. Le désaccord remontait à quelques jours déjà... « Tu feras ce que je t'ordonne de faire... » Lehvinia baissa la tête, résignée. Elle avait cherché à comprendre ; souhaitant savoir pourquoi il était nécessaire de l'éloigner ainsi de la Citadelle d'Askevale et de ses frères et sœurs. La famille avait dû se soutenir face à la perte de leur mère, véritable pilier au sein d'une grande fratrie. Ils s'étaient rapprochés, se reposant mutuellement sur les autres pour ne pas plier face au chagrin. Et le deuil se faisait petit à petit... Alors pourquoi donc leur retirer un appui si précieux ? En tant qu'aînée, la princesse s'était elle-même octroyée un rôle de protectrice envers les siens. A la veille d'un long voyage, elle se devait de regarder la vérité en face : son père, son cher roi, n'en démordrait pas. Elle allait rejoindre la contrée de Sorhelm, chez les elfes. Il était question de parfaire son éducation auprès des plus grands... Nelrenethys lui ferait alors la démonstration, dans sa grande sagesse, qu'un gant de velours peut envelopper une main de fer, respectée et aimée. Mais ne vous ai-je pas déjà dit que la jeune femme n'était pas sotte ? Prétextes ! Illusions ! Cependant, elle n'avait pas toutes les cartes en main pour lire l'avenir de sa maison. L'idée même que son père puisse souhaiter avant tout la mettre à l'abri ne lui effleura l'esprit que bien plus tard. Sans doutes trop tard... Le nord de Middholt avait péri sous la lame du conquérant, et sa belle citée avait plié après un siège que tout un peuple jugea interminable.

Le tissu bleuté, orné de fils d'argent, retombait en cascade sur la croupe du destrier. La tête haute, l'enfant était devenu femme. La toute jeune princesse avait l'air d'une véritable reine. Elle en avait l'étoffe et la prestance. Talonnant sa monture, Lehvinia s'empressa de devancer son escorte. Le voyage lui avait permis de réfléchir, de faire le point... Le retour à la maison était-il un mal pour un bien ? Jorkell Ravncrone avait été d'une étrange clémence à lui suite de la défaite d'Askevale. Laissant le roi sur son trône, il avait décidé de tirer les ficelles dans l'ombre, de gérer le royaume de sa propre place sans en destituer Hareld Dragonfall. Plus encore, des fiançailles avaient été prévues entre son fils, Lorkhan Ravncrone, et la douce héritière. Son cœur avait été meurtri par cette annonce. Comment allait-elle pouvoir se lier à l'ennemi, trahir ainsi les siens en pactisant avec ces démons ? Sa fougue l'avait dans un premier temps aveuglé. Puis la réflexion, la mise en pratique de ses divers enseignements, avaient fini par payer. L'évidence lui avait sauté aux yeux, comme le prédateur le ferait sur une proie. Son honneur ne pourrait qu'en être plus grand, si par ruse elle parvenait à rendre aux Dragonfall ce qui leur était dû. On ne mord pas la main qui vous a nourri... Ce Lorkhan allait devoir manger dans la sienne. Telle une charmeuse de serpents, elle allait le séduire et l'apprivoiser, pour qu'il devienne sa marionnette et cède au moindre de ses désirs. C'était ainsi qu'elle pouvait concevoir ce mariage : en tant que sacrifice pour les siens, de stratégie. Devenir reine, accéder au trône, allait devenir le moyen de rendre un second souffle à Askevale, qui renaîtrait de ses cendres tel un phœnix. Arrivée en haut de la colline, déterminée comme jamais, Lehvinia fit cabrer son cheval. Elle rentrait à la maison, après deux ans passés auprès des elfes. Sa beauté ne s'en était qu'épanouie, comme une fleur à l'aube d'un printemps bienfaisant.  

Il la toise, la détaille de la tête aux pieds alors qu'elle est appuyée contre ce bureau. Puis il finit par se détourner, quittant la pièce avec un tel désintérêt que la belle Lehvinia s'en sentait vexée. Elle avait sous estimé la tâche à accomplir. Lorkhan n'avait rien d'un homme capable de faiblir face aux yeux doux d'une jolie femme. La carapace était bien plus épaisse ; l'animal plus coriace. Mais elle n'avait pas dit son dernier mot. La patience est un art, et la séduction ne peut s'en démunir. Cependant, tant d'assurance lui avait fait oublier de s'en protéger elle-même. Si bien qu'à trop jouer avec le feu, aussi volcanique était-elle, l'enfant chérie des Dragonfall finit par se brûler. Tout du moins, elle en sentait les prémisses comme si elle survolait la flamme. Son promis changeait. Non pas de sa personne, mais aux yeux de Lehvinia. Il ne lui apparaissait plus comme cet ennemi repoussant qu'elle avait pu détester avant même de l'avoir rencontré. Elle le dissociait peu à peu de son nom, des actes de son paternel. Elle en arrivait presque à porter tous ces troubles sous la responsabilité d'autrui, d'Hulgard Ebonhand. Ces doutes la menait sur un chemin sinueux, une pente glissante... Qui risquait de se finir dans un dédale d'interrogations et un gouffre d'indécisions. « Ma Lady, faut-il que je... » Sa dame de compagnie venait d'entrer, la tirant alors de ses pensées. Aussitôt Lehvinia leva la main, lui intimant le silence de ce simple geste. Elle soupira doucement, sentant alors qu'on attendait dans la pénombre une consigne. « Laissez-moi... » De l'air. L'héritière avait besoin de respirer à plein poumons. La dame de compagnie se retira sans demander son reste, alors que d'un revers de la main, sa maîtresse renversa tous les effets présents sur la table. Sanguine, troublée... Il fallait se ressaisir : le plan demeurait inchangé.

   

Félicitations, très cher pion, et bienvenue sur l'échiquier de Frostfall. Gare à toi, parce qu'ici, la félonie est un plat qu'on sert à toutes les sauces...

N'oublie pas de recenser ton avatar et de rédiger ta fiche de lien dans la section gestion des personnages. Si tu souhaites avoir ton rang personnalisé, c'est ici que tu dois te rendre !

Sur ce, nous te souhaitons bon jeu sur Frostfall et espérons que la Fatalité te sera favorable !