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 Language is wine upon the lips ♤ Sylarne

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Jora Ebonhand

Perle de Nacre

Jora Ebonhand
Perle de Nacre
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MessageSujet: Language is wine upon the lips ♤ Sylarne   Language is wine upon the lips ♤ Sylarne EmptyLun 31 Mar - 2:02



O
iselle en cage dorée. A coeur vaillant rien d'impossible, et à celui éploré rien de magnifique. Même la plus ineffable des vénustés, qu'elle soit d'ordre matériel, intangible ou vivante, était devenue insipide. La vie elle-même se fanait sous une saison hiémale plus rigoureuse que jamais, et pourtant... qu'était l'hiver du monde à côté de celui de l'être ? Lorsque la dignité de la rescapée et la rancoeur de la tourmentée ne reposaient plus que sur un lit de tisons assoupis, l'aquilon en profitait pour passer outre sa peau de gypse blanc, et acculer son être dans une étreinte de givre. S'entamait un étiolement qui, fort heureusement, ne parvenait jamais à maturité avant que le feu sacré ne renaisse de ses cendres, pour une raison ou pour une autre. Mais l'impression de se sentir soluble demeurait désarmant, à l'instar de ces étoiles nivales que les nues encombrées larmoyaient parfois. Ensemble, les flocons s'amoncelaient et conquéraient les plus hauts monts, seuls, ils atteignaient laborieusement le sol, déjà moribonds. Des allégories, elle aurait pu en dénicher une pléiade, mais à quoi bon, lorsque l'on devait les garder pour soi. Ses lamentations tels des pleurs de Banshee, déchiraient ses entrailles fécondes de colère plutôt qu'elles ne résonnaient aux tympans de qui désirait les entendre. Se plaindre signifiait confesser sa faiblesse, avouer sans contrôle que la situation était trop désolante pour pouvoir s'empêcher d'en critiquer les pans. Là où d'aucuns se seraient confondus en complaintes, elle préférait aiguiser sa causticité comme preuve irréfragable de sa force morale, parce qu'elle n'était pas n'importe qui et deviendrait quelqu'un de plus grand. Etait-ce la méthode adéquate pour atteindre un avènement qui lui paraissait si loin, et si proche en même temps ? Fragile ou nocive, promptes aux dialogues courtois ou aux joutes verbales, l'indécision envenimait chacune de ses pensées et elle doutait. Naguère, elle aurait pu compter sur la sapience de quelques âmes bien intentionnées, mais aujourd'hui... elle devait affûter ses lames toute seule, non plus comme un pion sur l'échiquier, mais comme une participante au jeu des trônes. La transition entre une condition d'enfant surprotégée et celle d'une femme sur les tréteaux des intrigues avait été brutale, si bien qu'elle cherchait désespérément ses marques pour ne pas choir à la première offensive ou au premier coup de jarnac. Au fond, elle regrettait que son père ne l'ait pas préparée à cette guerre d'intérêt, de clairvoyance et de perfidie. A trop vouloir l'épargner des vicissitudes, il l'avait gardée de certaines subtilités pourtant fondamentales dans l'art de la survie. Hulgard lui-même s'était fait prendre dans l'impitoyable arantèle du Pouvoir, celui-là même qu'il était persuadé avoir dans le creux de sa paume...

Une grande inspiration, relâchée dans un long soupir. Jora ressassait, à défaut de pouvoir faire autrement. Installée sur un banc dans le Jardin des Glaces, elle s'égarait dans la contemplation aphone des corolles argentines et diaprées de nuances violines. Comme tout à chacun, elle se demandait comment ces merveilles florales pouvaient ne pas craindre les températures d'Ibenholt, pourquoi cette place enchanteresse en plein poumon du palais ne s'altérait jamais. Elle aurait voulu être à cette image, éternellement constante et belle dans son mystère, être encline à observer les mouvances de l'univers sans avoir à en subir les influences. Ses utopies étaient encore les seuls havres de paix dans lesquels elle était autorisée à se tapir, fillette aux airs indociles qui se laissait parfois aller à un sourire en caressant ses chimères, lorsqu'elle ne tournait pas les pages surannées d'un opuscule. Ses lèvres églantines se préparaient d'ailleurs à s'évaser en mimique attendrie, avant qu'un quidam n'interrompe le fil de ses songes éveillés en se plaçant dans son champ de vision. « Princesse, navré de vous importuner, mais j'ai été envoyé pour vous faire savoir que Sa Majesté désire partager le souper en votre compagnie. » Un masque impavide recouvrit le minois de la donzelle, qui aurait eu envie d'arracher la langue du bougre qui venait de briser un moment d'ataraxie, et Catharsis savait à quel point ils étaient rares. Elle le toisa sans éclat de bienséance, et ses mirettes échouèrent sur les galbes froids des factionnaires qui se tenaient constamment dans un périmètre proche – trop proche, à son goût. Ils étaient toujours au moins quatre, comme si chacun avait reçu l'ordre de mirer un point cardinal et de s'y tenir. Un cortège exaspérant, auquel elle ne s'accoutumait pas. « Brave roquet, vous voilà acquitté de votre tâche. » Siffla t-elle en apposant son regard au loin, comme si le commissionnaire n'était rien. « Lord Jorkell a t-il l'intention de me distiller sa journée ? Nous avons pris le repas ensemble la veille, et l'avant-veille, que je sache, se languit-il de sa captive au point de ne pouvoir écouler une soirée sans elle ? » Elle bougea ses frêles épaules dans une mouvance complaisante, replaçant son manteau dont la fourrure camouflait son cou, tandis que son interlocuteur se heurtait à plus malencontreux que prévu. Toutefois, sa mine dubitative eut tôt fait de souligner une méprise qu'il se hâta de clarifier. « A dire vrai, je ne faisais pas référence à cette Majesté-ci... C'est dame Sylarne qui vous fait mander à sa table ce soir. » La surprise brisa le jeu de mime de l'Ebonhand qui, prise de cours par la véracité énoncée, ne sut qu'en faire. La reine – ou ce qui tentait vainement d'y ressembler, selon elle. - voulait s'entretenir avec elle ? A des fins goguenardes, elle subodorait, car même si elle avait pu constater lors du mariage que la Clanfell n'était pas foncièrement ravie de son sort, elles ne siégeaient pas moins dans des camps rivaux. Peut-être étaient-ce les prémices d'une paranoïa légitime, mais elle ne voyait en ce conciliabule rien de plus qu'un guet-apens dans lequel elle ne se jetterait pas.

La nymphette sourcilla, puis se leva, alertant tout de go les gardes rattachés à sa surveillance. « Voilà une proposition fort romantique, que vous me voyez chagrine de décliner. De décl... ?! De décliner, oui. Et si vous vous posez la question, non, je n'ai rien qui comble déjà ma soirée, je n'ai simplement pas envie de tenir compagnie à votre reine. » Parce qu'elle n'était pas la sienne. Le messager en tomba des nues et cette fois, ce fut à son tour de se sentir démuni, et même craintif, de rapporter cette réponse incongrue à sa maîtresse. Il vit Jora se draper de vanité et entamer son départ, talonnée par sa cohorte usuelle, et s'empressa de la suivre. « Mais, que vais-je dire ? Dites qu'un âne qui porte sa charge vaut mieux qu'un lion qui dévore les hommes. » Une insolence au Lion des Neiges aurait pu lui coûter un châtiment exemplaire, si elle n'avait pas été une prisonnière qui valait son pesant d'or. Et quand bien même, elle s'était fait le serment solennel de ne courber l'échine devant personne, certainement pas devant l'épouse de l'Usurpateur. L'individu s'immobilisa, transi de stupeur, considérant que cette réponse était encore pire que la première et qu'il ne pouvait sciemment pas revenir avec cela. Aussi, tenta t-il une dernière fois. « Princesse... ! » Interpellation désespérée, la jouvencelle se tourna d'un tiers en sa direction, parfaitement étanche quant à la détresse du serviteur. « La Main se chaut peu, voire pas du tout, des feulements hâbleurs du Fauve. » Clôturant ainsi la conversation, elle disparut à l'angle d'un corridor, sachant qu'elle n'offrirait rien de mieux en terme de considération.






Les heures s'étaient écoulées, et avec elle, s'était estompée la clarté du jour au profit de la pénombre nocturne. A la lueur des candélabres, l'héritière n'avait fait que lire, et lire encore, se plongeant dans les récits fantasmagoriques des héros d'antan avec une candeur retrouvée. Les livres étaient ses meilleurs alliés, ils l'avaient toujours été, même à l'époque où c'était son propre père qui la retenait recluse dans une aile définie de Jernvugge. Elle remerciait au moins Jorkell de lui ployer des flâneries même limitées et un accès libre à l'immense bibliothèque pour passer ses journées. Les divertissements se dénombraient au compte-goutte, le peu de liberté qu'elle avait autrefois connu lui manquait cruellement. Cette nuit, elle avait envie de la passer à parcourir les odyssées écrites plus qu'à faire bonne figure devant ses détracteurs, raison pour laquelle elle avait chargé ses bras de quelques recueils, qu'elle emmenait dans ses appartements. L'esprit ailleurs, elle se déplaçait intuitivement dans ces couloirs qu'elle connaissait par coeur, jusqu'à parvenir à destination... et assister à une scène pour le moins impromptue. Des sentinelles qui n'étaient pas les siennes se tenaient là, et pis encore, les domestiques allaient et venaient à leur guise dans sa chambre. Sans attendre plus longtemps, elle s'engouffra dans la pièce, avide d'explications, perdue dans ce ballet de servantes qui apportaient toujours plus de plats. « Mais... ?! Mais que faites-vous ? Arrêtez ! Je vous somme d'arrêter ! » Si certaines hésitent, la plupart ne se plient pas à son ordre, et pour cause. En pivotant vers la table dressée en plein milieu du lieu, elle remarqua enfin la présence du responsable... ou plutôt, de la. « Vous... ?! » Jora lâcha ses ouvrages qui s'écrasèrent en une pluie littéraire sur le sol, et sentit ce brasier atemporel lui incendier la panse, alors que Sylarne remportait plus que glorieusement la bataille du jour. Avait-elle besoin de lui narrer la contrariété qui corrodait présentement ses veines ? Non, elle aurait tout loisir de voir l'oeuvre s'animer d'elle-même sur les traits furibonds de l'Ebonhand, qui n'appréciait pas, mais alors pas du tout, cette traitre ruse.

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Sylarne Clanfell

Reine consort d'Ibenholt

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MessageSujet: Re: Language is wine upon the lips ♤ Sylarne   Language is wine upon the lips ♤ Sylarne EmptyJeu 3 Avr - 5:05

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sylarne clanfell & jora ebonhand
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L
a fragilité se déployait en plumes dorées au creux de sa paume. L'oiselet forlancé frémissait, s'épanchait en frissons inquiets qui gagnaient son poignet, vagues déferlantes d'une langueur résignée qui se heurtaient à la frontière carnée de son indifférence. L'airain de sa prison sous l'oeil diurne se faisait lucifère, la peau diaprée de la reine se chamarrait d'un soleil obombragé qui circonvenait de ses doigts flavescents le véronèse de son regard. Bruissement d'ailes, elle rendait déjà l'oisillon à sa geôle et ses doigts s'attachaient au vélin griffé d'une dédicace mortifère. « Qui vous a offert ce présent, Ma Reine ? » Les reflets mordorés de la cage, captés par une prunelle léonine, moiraient son cœur d'une menace qu'elle sentait latente. Sous un index qui escaladait les parois cuivrées, elle sentait pulser l'obduration du roi, alors que la lustrine écarlate brodée du lion servait de tenture à l'oison et que la corneille de jais, métallique et stoïque effigie, trônait superbement sur l'apex panoptique de la volière. « Mon époux... » Exhalaison amère, elle songeait déjà que le trépas de celui qui brisait le suaire de ses nuits d'une présence plus que délétère n'était que réquisit, solution finale. Les yeux de la suivante s'attachaient déjà aux lettres qui écorchaient le papier, si elle ne pouvait retenir sa curiosité, elle ne le pouvait pas davantage avec sa langue logomachique : « Un oiseau et une cage, pourquoi ce présent ? » Un rictus ne put que maquiller ses lèvres, son esprit amusé par la surabondante nescience de sa suivante. Elle s'approcha de la jouvencelle, vêtit son oreille d'une mèche bistre avec un sourire désabusé qui contrastait joliment avec celui, candide, de la virginale acolyte. « Quel blason gît négligemment au fond de la cage, dis moi ? » La pucelle sentit le piège, s'affola, baissant les yeux, gagnée par l'érubescence de sa sottise. « Le lion des neiges. Le vôtre, Madame. » Le faciès de la reine n'exprimait désormais que sarcasme et la monarque savait reconnaître en la beauté de ce tableau pastiche l'inextricable créativité de Jorkell. Elle n'en dérougissait guère, pourtant, trouvant refuge dans le sardonisme dont elle oignait les épaules de sa pauvre suivante. « Et quel emblème le surplombe ? Quel emblème veille sur la geôle ? » La nymphette s'éperdait pourtant en laconiques verbiages sous l'oeil carnassier de la reine. « C'est un charmant cadeau du... Réponds. » Les yeux rivés au persan, elle ne soufflait mot, ses lèvres frémissant comme les pétales d'une fleur caressée par la bise. Une langue vint chasser de sa bouche l'appréhension et sa déglutition marqua sa reddition. En docile chatte de compagnie, elle répondit à sa maîtresse : « La corneille, Votre Majesté. »


S
ylarne avait déjà échappé à la gravité de cet étrange présent, regagnant le confort de sa loggia où elle se réfugia, laissant une main de lys frôler le liseré d'argent qui bordait une stola. La reine avait saisi dans cette offrande la réification des paroles sinistres de Jorkell. Elle attacha sa main à une coupe d'argent ciselé, amarrant ses lèvres au quai d'une dipsomanie salutaire et en cet instant le cécube d'Agathée qui mouillait l'épave du naufragé sourire de ses lèvres était son unique allié, le seul qui redonnait à la lionne les moyens de prendre le large au risque de s'échouer sur la côte. Les récifs, elle s'y heurtait matin et soir, quand elle laissait le cœur de ce némésis se gorger de sang pour en expulser la morgue et semer la mort. « Et que signifie cette métaphore, Mirel ? » Le verre était déjà vide quand fusa la voix tremblante de la suivante : « Que la corneille veille sur le lion ? » La souveraine intima à la jeune femme de la rejoindre et quand ses pas aériens l'eurent portés jusqu'à elle, elle posa une main sur sa joue, mère avenante, lui servant un sourire navré. Le feutre de sa voix brûlait le linceul himéal d'une réconfortante caresse. « Non, ma toute belle. La corneille ne veille pas sur le lion. À l'état de nature, le lion domine toutes les espèces, inspirant la crainte, soutirant respect, réclamant révérence... Et quand l'homme met en cage le lion, quand l'homme confine le glorieux animal dans une geôle, quand l'homme le livre à la mort, quel animal bénéficie le plus de la mort du lion ? Le cerf autrefois chassé ? Le loup qui attend sa place ? L'ours qui n'a jamais voulu ployer le genou ? Non. C'est la corneille. De tous les animaux, le nécrophage est le plus sournois. Tapi dans l'ombre, il attend que les grands se dévorent. Et quand il ne subsiste plus rien qu'entrailles et sang, il ne reste que corneilles les dispersant aux quatre vents...


Language is wine upon the lips ♤ Sylarne 917907line


« U
n âne qui porte sa charge vaut mieux qu'un lion qui dévore les hommes » La philosophique princesse avait de quoi tirer du marbre de son visage un équivoque rictus, mais plus burlesque encore était l'expression indisposée du faquin qui portait ce lourd message. « Voilà qui est coloré. Autre chose ? » L'embarras teintait les joues du messager de traits vermillons, vermifuge surface élaguée par une crainte dont elle se moquait avec cruauté, un perpétuel sourire narquois façonnant le carmin de sa lippe royale et pulpeuse. « La Main se chaut peu, voire pas du tout, des feulements hâbleurs du Fauve. » Une chute on ne peut plus simiesque qu'elle savait apprécier à sa juste valeur : une habile rhétorique valait mieux qu'un verbe émaillé par la docilité. Le tranchant de la langue princière n'était pas couperet, cependant, et la lionne, en digne fille de Septentrion, avait souffert des fils plus acérés, des aspérités plus coupantes. Le fauve en question, pourtant, s'amusait de l'évident sophisme qui s'était glissé dans les interstices de cet atticisme qu'elle lui avait servi sur fond de refus : le fauve feule et la main blanche subit revers, croyant avec ingénuité qu'elle s'en sort indemne quand elle frôle les crocs du lion pour en jauger le tranchant. Et la fauve n'en démordrait pas, dusse l'indomptable princesse lui faire souffrir pléthore d'aphorismes pour lui manifester son désistement. « Faite monter le couvert dans les appartements de la frondeuse princesse. Si l'illustre pupille de mon époux décline mon invitation, j'irai moi-même goûter à l'habile verbiage de son refus renouvelé. »


 
Q
uand elle eut quitté sa loggia, sa silhouette engoncée dans un écrin de soies turquin, sa suivante, Mirel lui adressa une supplique tardive : « L'oiseau que le roi vous a offert... il est toujours dehors. Dois-je le placer près de votre couche, au chaud ? Il mourra si nous le laissons... » Sur les lèvres de la monarque se sculpta l'ombre d'un sourire. « Alors peut-être aurais-je l'opportunité de retourner cette charmante attention à mon époux. Je crois qu'il apprécie particulièrement la volaille lorsqu'elle est bien apprêtée... Faute de trouver une corneille à lui servir, cet oiseau fera l'affaire, qu'en penses-tu ? » Sans un mot, elle se mit en route, ignorant la catatonie de sa suivante qu'elle abandonna dans un bruissement de velours bleuté. Les appartements de la princesse étaient déjà chargés des exhalaisons brûlantes d'une victoire qui se déclinait en fumets de venaison, herbes et faisans, mais ce qu'elle préférait, c'était l'enivrant vin de Myr qui maculait ses lèvres du nectar de son triomphe. L'expression médusée de la princesse assaisonna avec perfection ce sourire gourmand d'une bataille remportée sur l'esprit moins que philistin de la captive. « Vous... ?! » Ses lèvres frôlèrent à nouveau la surface rubicond de la liqueur, le malachite de ses prunelles s'arrimant à l'azur des siennes. Sur son poignet, une gourmette frappée du lion tintait, sur la pulpe de ses lèvres s'allumaient les feux d'un sourire qu'elle avait voulu à demi amusé. « Vous ne croyiez pas sincèrement que j'aurais abandonné la partie aussi rapidement ? » Et ce qui faisait monter au creux de son ventre les délicieux tourments d'une ivresse effervescente n'était ni le désarmement apparent de la princesse - qui avait laissé choir sur le sol bon nombre de volumes en même temps que sa contenance - ni cette inénarrable expression de stupéfaction. Ce qui jetait dans sa conscience les exquis frissons d'une fièvre paroxystique, c'était cette naïveté, cette candeur, cette inexpérience qui avait contrite la naguère frondeuse à résumer son exergue en quatre lettres et quelque exclamation. Sylarne pourtant demeurait prudente : la donzelle était Ebonhand et par quelque atavisme avait sans doute hérité d'une quelconque combativité. Combativité qu'elle adorerait admirer, du haut de sa tour d'ivoire. Mais pour l'heure, elle n'était ni venue dans cette loggia pour jouer à la vipère avec l'infante ni pour tester l'acier du glaive de son verbe. « Mon père me disait toujours : quand un adversaire croit vous avoir mis en échec, changez les règles du jeu. » D'un geste désinvolte, elle indiqua à l'intrigante princesse le siège libre qui faisait face au sien. « Maintenant souffrez ma présence ou retirez-vous dans vos livres. Sachez que je ne suis pas Jorkell et que je ne tire aucun bénéfice de votre captivité en ces murs. » D'un geste précis elle se saisit d'un raisin glacé, le faisant rouler entre ses doigts d'albâtre. « Si vous préférez, par contre, vous murer dans le silence et vous emprisonner dans vos cinglantes paraboles, libre à vous de le faire. Je préfère, quant à moi, faire la conversation à une femme avisée plutôt qu'à une enfant séditieuse qui ne comprend pas les rouages du jeu des trônes dans lequel elle a été si injustement entraînée. »

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MessageSujet: Re: Language is wine upon the lips ♤ Sylarne   Language is wine upon the lips ♤ Sylarne EmptySam 5 Avr - 15:22



L
e démon matérialisé sous ses airs les plus graciles, une rose à la vénusté si rutilante et à la fragrance si envoûtante que l'on en omettait aisément les mucrons perfides et venimeux qui en empanachaient la tige. Sylarne était l'illustration parfaite de la succube en beaux atours, semant ses corpuscules corruptifs aux quatre vents avec une indicible aisance. Des spores que l'Ebonhand craignait être incapables d'éviter, tout comme l'on ne pouvait se faufiler entre les gouttes de pluie. Peut-être plus qu'un voile opaque d'une fierté atavique, il s'agissait d'une chrysalide – à défaut d'une égide. - dans laquelle elle était au moins certaine d'être encline à se préserver. Si la lionne l'épeurait ? Bien plus qu'elle ne l'aurait jamais confessé, parce que cette dernière oeuvrait avec maestria là où, elle, n'était qu'une humble prosélyte, en plus d'être dans une phase cataleptique de son existence. C'était un euphémisme que de prôner que son aînée avait un avantage non négligeable sur elle, la pauvrette cloîtrée et réellement prostrée sous ses faux-semblants. Un broc d'huile lancé sur les flammes d'une ire envieuse, les prémices avares d'une jalousie féminine qui ne s'étiolerait que le jour où leurs places seraient permutées et que, depuis le faîte de son héritage récupéré, elle jaugerait la féline mise au ban. Se fourvoyait-elle d'antagoniste, aveuglée par ce qu'elle jugeait être une fourbe iniquité ? Sa sagacité périclitait au profit d'une paranoïa qui décapitait toute forme de bons sentiments, la confiance n'étant plus, elle l'avait désormais compris, qu'un absolu chimérique. Ils n'étaient pas si loin ces temps où, songe-creuse, elle préférait abandonner le ludisme politique à qui désirait se salir les mains et se souiller l'âme, à l'image d'un Hulgard qu'elle avait découvert sous un jour neuf mais ignominieux. Si même son propre père, celui qui l'avait aimée et chérie depuis toujours, s'avérait être un être plus infâme encore que le plus innommable des pendards que l'on traînait sur la claie, à qui pouvait-elle se fier ? Quel exemple prendre en idéal dans ce sordide microcosme où survie rimait irrémédiablement avec turpitude ? A bien y songer, elle n'avait plus envie de parcourir la magie de ces recueils qui avaient bercé sa vie, et se retenait de jeter ces billevesées écrites au feu de l'âtre qui crépitait de façon un peu trop goguenarde, comme un peu tout ce qui se trouvait dans cette pièce à contempler le prodigieux binôme de ladies audacieuses.

La risette sardonique goûtait au vin de la victoire, puis les lippes énoncèrent un truisme tant évident qu'il en devenait absurde à remémorer. Qu'avait-elle cru, la joliette ingénue, en tournant échine et croupe voluptueuse aux babines du fauve gastrolâtre ? Qu'elle pourrait ainsi échapper à ses tactiques de chasse en plein coeur d'une savane qu'elle pensait encore bon d'appeler maison ? La gazelle s'en retrouvait acculée dans son propre antre, se voyant offrir le choix d'abdiquer ou de poursuivre dans son ineptie en luttant vainement. La partie avait été perdue avant même d'avoir commencé, armes et expériences inégales qui ramenaient Jora à son statut de chaton, celui qu'elle avait appris à abhorrer au gré des jours passés. Elle ne voulait plus être cette créature flexible et innocente de jadis, et si elle avait la témérité et la résolution pour s'arracher à cette vieille lune qui l'immergeait d'une clarté désuète, elle prenait plus que jamais conscience que la route serait longue et jonchée d'embûches. « Mensonges ! » Osa t-elle rauquer sitôt l'ultime syllabe de la Clanfell prononcée, dauphine de cette véhémence ancestrale que l'on disait indivisible de tout bon Ebonhand et que, pourtant, elle ne se découvrait que maintenant, à l'instar d'un gène latent. « Vous ne me ferez jamais croire que mes chaînes ne vous sont pas profitables à vous, parangons d'opportunisme, qui pouvez désormais rugir, juchés sur les monts d'un rocher qui n'est pas vôtre ! » Ce n'était pas moins envers Sylarne qu'envers tous ceux qui arboraient le même patronyme que celle-ci que sa rancoeur tonnait alors. S'ils s'étaient tenus aux côtés de son père, sa tête serait encore ancrée à ses épaules et elle n'aurait ni à souffrir de la présence de son interlocutrice, ni de toutes ces circonstances. A ses yeux, ils étaient autant coupables et à vitupérer que les Freux qui croassaient indûment sur Ibenholt. La donzelle se sentit se liquéfier sous la lave d'une colère qu'elle ne savait point encore contrôler, et désigna la souveraine dans un geste dénonciateur. « Quand bien même nous accordons-nous à dire que vous êtes à mille lieues d'avoir trouvé la félicité maritale, il n'en demeure pas moins que vous n'êtes pas peu fière d'avoir su vous tailler la part du lion en répondant au cri de ralliement de la Corneille. Moi qui pensais que vous n'étiez pas de ceux qui se laissaient apprivoiser même avec l'avènement à la clé, la promesse de gloire et de pouvoir a visiblement tôt fait de désavouer les convictions les plus enracinées ! » Et pouvait-elle seulement les blâmer pour cela ? Ils avaient simplement su tirer leur épingle du jeu, ce que tous auraient fait à leur place – ce que Jora elle-même, était désormais prête à faire.

Des objurgations creuses, un animal piégé qui grognait pour s'octroyer l'illusion d'une dangerosité qu'il n'avait pas, captivité oblige. Toute sa volonté serait insuffisante pour lui faire avoir voix au chapitre, la frustration était d'autant plus incisive que la reine n'avait pas hésité à établir son territoire dans ses appartements, qui étaient encore le seul endroit qu'elle pouvait dire sien. La nymphette contempla derechef cette ostentation culinaire dont les arômes usuellement alléchants lui retournaient les entrailles, l'odeur âcre de la déconvenue empêchant son acuité olfactive d'apprécier les fumets qui s'amalgamaient. « Et vous êtes hardie au point de vous approprier le peu qu'il me reste, sans une once d'égard. N'ai-je pas assez perdu cette dernière lunaison, qui m'a tout arraché si ce ne sont mes cinglantes paraboles ?! » Elle saluait l'efficacité avec laquelle la lionne avait su reprendre les brides de la situation, et même, l'admirait secrètement, quelque part sous sa fuligineuse couche de contrariété. Ce qui ne l'empêchait pas de se sentir violée, honteusement dépossédée des miettes que l'Usurpateur avait eu la bonté de lui abandonner dans son sillon. « Je n'ai peut-être pas été réceptive à votre proposition de souper, mais il y avait d'autres moyens que celui-ci pour accéder à votre envie. Sachez que je n'apprécie pas le moins du monde et que ce n'est pas ainsi que vous obtiendrez ma collaboration, quoi que vous puissiez me vouloir. » Elle ne parvenait à pacifier le flot fielleux qu'elle voulait ardemment déverser sur une femme qui n'était potentiellement pas moins un pion qu'elle, sur un échiquier qui la dépassait très largement. Enfin, elle s'approcha, guigna le siège suggéré mais n'y prit pas place. Elle se contenta d'aplanir ses paumes sans influence sur la table et de s'incliner sensiblement en direction de l'épouse de Jorkell, les mirettes plissées dans une expression méfiance et belligérante. « Gobez votre baie, annoncez ce pour quoi vous êtes là et retournez à vos pénates, que l'on en finisse rapidement, votre "Majesté". » Elle n'avait cure de suer l'incongruité, elle voulait seulement que le supplice cesse, et qu'il cesse au plus vite.

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MessageSujet: Re: Language is wine upon the lips ♤ Sylarne   Language is wine upon the lips ♤ Sylarne EmptyJeu 10 Avr - 0:27

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«M
ensonges ! » Un destin commun qu'elles partageaient, un liquoreux apéritif qu'on leur servait avant de les gaver de perfides bectances et d'inanes savarins oints d'un sucre plus fétide que mielleux. La frondeuse péronnelle avait, certes, goûté à la gastronomie que servaient tous ces fielleux mignards, mais plus difficile à avaler encore devait être l'acrimonieuse glaire que lui avait fait ingurgiter Hulgard dans sa grande munificence. Pourtant l'impétueuse infante de la maison d'ébène ne semblait pas saisir le spectre pluriel de la gamme dans laquelle on l'avait laissée jouer de ses harmonieuses algarades, préférant de loin se dédier au silence ou à l'éclat, croyant encore jouer au divertimento du Bien et du Mal, fantoche et factice illusion d'un monde qui se déclinait en nuances mercuriales plutôt que monochromes où les spectres anthracites étiraient, carnassiers, leurs oblongues ratiches et leurs grêles incisives au-dessus de chaque moelle. N'avait-elle pas encore saisi, malgré cette boulimique gnose dont elle s'empanachait, que les freux et les fauves n'étaient qu'épigones de cette feintise qu'elle dédaignait comme si elle n'avait pas été son fléau et son fardeau, à elle aussi ? Peu importait à la reine que la jouvencelle considère ses paroles comme le plus puissant des émétiques tant qu'elle ne se leurrait pas de ses propres pièges et ne s'étourdissait pas elle-même de ses facétieux subterfuges. « Vous ne me ferez jamais croire que mes chaînes ne vous sont pas profitables à vous, parangons d'opportunisme, qui pouvez désormais rugir, juchés sur les monts d'un rocher qui n'est pas vôtre ! » Et qu'elle appétait la nasse dans laquelle son verbe s'empêtrait si éperdue qu'elle était de quitter sa geôle pour s'enfermer dans celle d'un esprit qui n'avait que trop refoulé l'exhalaison viciée d'une anamnèse qui béaient au creux de turpides viscères !  « Mesurez le poison que vous distillez dans vos paroles, princesse, amalgamé à votre cécité, il perd toute son efficience... » La reine n'avait pas entaillé le grès de son flegme et les ataviques fantasmes de l'altière donzelle ne méritaient guère qu'on y sacrifie le placide orfroi de la raison. « Ce rocher, comme vous le dites, n'est pas davantage le vôtre et c'est à grands renforts de décimations et à la pointe d'un régicide que votre père a usurpé la montagne qu'il vous a léguée dans une non moins éclatante félonie. Ne vous targuez donc pas d'une légitimité qui ne sied pas plus à vous qu'à moi. » Au sein de ce monde d'ombres mortifères et de rapaces souverains qui pouvait réellement s’enorgueillir de mériter le sceptre de la légitimité ? Et quels nécrophages corbeaux pouvaient, à tire-d'aile, se percher sur la cime des hommes et espérer leur indéfectible inféodation sans souffrir le croassement des schismatiques resquilleurs ? Engoncées dans une escarbille séculaire vivotaient néanmoins les centenaires clausules des almanachs, archaïques admonestations qu'on croyaient vétustes et qui pourtant distillaient de précieux préceptes que la princesse ne semblait pas avoir avalé dans toute sa sirupeuse érudition. Et dans la salle du trône le parangon anuitait tous les autres qui ne trouvaient grâce ni dans l'éclipse de l'imposture ni dans le flamboiement de l'aura d'un roi qui se prétendait véridique, puisque cette couronne cuprifère d'une juste revendication au trône n'était que chimère.


L
a lippe royale s'était close, toutefois, et la férale souveraine préféra se murer dans le marbre d'un mutisme calculé, désireuse d'en finir avec la péroraison de l'oiselle dont le caquètement avait le mérite de lui arracher un narquois sourire. « Quand bien même nous accordons-nous à dire que vous êtes à mille lieues d'avoir trouvé la félicité maritale, il n'en demeure pas moins que vous n'êtes pas peu fière d'avoir su vous tailler la part du lion en répondant au cri de ralliement de la Corneille. Moi qui pensais que vous n'étiez pas de ceux qui se laissaient apprivoiser même avec l'avènement à la clé, la promesse de gloire et de pouvoir a visiblement tôt fait de désavouer les convictions les plus enracinées ! » Cette fois pourtant, l'agonistique insinuation arracha au stuc de son faciès les lézardes factieuses d'un sardonique rictus qui n'avait d'égal que l'ignifuge calcaire de ses prunelles malachite. Une griffe sur le vélin de la fierté princière avait suffi à révéler cette génotypique jactance qui semblait, chez les Ebonhand, se céder comme un précieux douaire et ne constituer l'unique héritage des fats qui se rassemblaient sous la distinguée paume liliale. Et les quelques phonèmes ébruités par la claquante langue altière avaient le mérite d'ignorer superbement — et elle n'aurait su dire si c'était par ingénuité exagérée ou par outrecuidante affèterie — la brûlante exactitude dans une révulsante nescience pétrie d'une amaurose préméditée. C'était donc-là le legs d'Hulgard laissé à la ville veuve de Septentrion : qu'une séditieuse péronnelle éborgnée par la tutelle aliénante du patriarche ? Et alors que coulait dans l'air la fébricitante lamentation de l'aulique captive, Sylarne regrettait presque la compromission qui ferait briller au-dessus de son cou les éclats argentés d'un couperet. Une braise soufflée par l'aquilon d'une infatuation loin d'être apyre, une traînée de cendres ataviques agitées d'une main chryséléphantine, un tison autrefois lucifuge s'improvisant désormais spéculaire. C'était le bûcher qui guettait Middholt et la pyromane à l'ivoirienne crinière ne profiterait que de cette comburante liberté pour y mettre le feu. Mais le flambeau était arme à ne pas occire si on savait en contrôler les ardeurs. Et la lionne n'était pas femme à dédaigner l'audace, si elle avait été mûrie au soleil d'une circonspection, de telle sorte que le prédicat qu'elle comptait émettre à la jouvencelle n'était le fruit que d'une conviction loin d'être imprudente. C'est dans la mare cenelle du cécube qu'elle noya sa volubilité, opposant à la logorrhée de l'hirondelle le cristal tangible de son équanimité. C'est d'un sourire attentif qu'elle saluait la bravade de la captive donzelle, toujours perchée sur l'immuable trône d'une quiétude qu'on disait proverbiale. La lionne n'avait toujours su rugir qu'à travers un verbe saumâtre et une placide rhétorique qui n'avait de pardonnable que le fourreau qui gardait jalousement un estoc à l'acier irrémissible. Et dans le silence qui murait l'acmé de sa calculatrice ruse se dessinaient les mortifères liges d'un esprit plus dédaléen que retors. « Je n'ai peut-être pas été réceptive à votre proposition de souper, mais il y avait d'autres moyens que celui-ci pour accéder à votre envie. Sachez que je n'apprécie pas le moins du monde et que ce n'est pas ainsi que vous obtiendrez ma collaboration, quoi que vous puissiez me vouloir. Gobez votre baie, annoncez ce pour quoi vous êtes là et retournez à vos pénates, que l'on en finisse rapidement, votre "Majesté". »


S
ouveraine dans ses errements comme dans l'hégémonie qu'elle exerçait vraisemblablement sur la captive oiselle, elle avait posé d'une main leste le calice qui quittait rarement sa paume, s'inclinant en avant pour river le céladon de ses prunelles à l'azuré des siennes. La belle n'avait certes nulle égale entre les murs du castel, toute la vénusté des précieuses n'étant que pâle pastiche face à celle de la fille Ebonhand. Pour peu qu'elles fussent alliées, elles auraient pu naître sœurs et pourtant le sort avait décidé de les faire reines d'altérité uniquement symétriques par leur qualité d'usurpatrices. L'ironie résidait justement dans cette conjoncture qui les obligeait à rivaliser pour la même couronne d'imposture et la monarque, contrairement à la princesse déchue, savait savourer le miel d'une si dantesque plaisanterie. « Peut-être habillez-vous votre reflet de glorieux principes lorsque vous vous mirez dans la psyché des ambitions, mais n'allez pas m'abreuver des mêmes litanies postiches dont vous vous enivrez dans votre ennuyeuse captivité. Je ne vous ai pas fait ingurgité les mêmes faussetés dans l'espoir enfantin de vous voir courber l'échine devant de telles imprécations, faites-moi l'insigne honneur de ne pas me considérer comme une de vos idiotes suivantes. » L'éburnéen masque de flegme ne s'était nullement craquelé pas plus que l'impavide physionomie de ses traits léonins qui ne souffraient ni des acérées paroles ni des désobéissances de la princesse. Sylarne avait peu de temps pour les badines mutineries et encore moins envie de partager le couvert avec une insurgée princesse en manque d'attention. Elle était néanmoins dans ses appartements par une basse ruse — elle en convenait — et elle aurait volontiers échangé les mirettes offensives de la belle pour celles, plus appréciables, de son amant. Mais ambition et caprices allaient rarement de pair, la princesse ferait bien de l'apprendre au plus vite. « Maintenant, asseyez-vous et souffrez ma détestable présence aussi longtemps que je vous l'imposerai, si vous ne voulez demeurer la reine d'un royaume d'amnésiques spectres et de solitaires velléités... » L'hégémonique main de la souveraine vint s'attacher de nouveau à la coupe cristalline et ses lèvres vinrent embrasser la miroitante libation. La baie violine s'était déjà craquelée pour se saigner d'un substrat purpurin entre ses doigts, alors qu'elle rivait à nouveau son regard au sien avec une expression navrée. « Et sachez que le parangon d'opportunisme que je suis bénéficierait davantage de votre libération que de votre captivité, mais si vous préférez les couards plaisirs de cette prison cuprifère, qui suis-je pour vous en détourner ? »

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Jora Ebonhand

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MessageSujet: Re: Language is wine upon the lips ♤ Sylarne   Language is wine upon the lips ♤ Sylarne EmptyJeu 10 Avr - 16:13



E
lle osait. Elle osait sans opprobre lui expectorer un truisme qui n'était pas tant véridique pour la donzelle. Brandir ladite illégitimité de cette quérulence qu'elle hululait à qui voulait l'entendre – et même à qui ne le voulait pas, d'ailleurs. - était un revers d'une innommable bassesse. Jora prit une grande inspiration qui, à elle seule, vaticinait une réplique aussi acerbe qu'antithétique dont elle avait le secret. Le secret ? Mais la pauvrette ne faisait que découvrir les plus laids versants de la rhétorique, qui plus est basée sur des certitudes que tous ici réfutaient avec ardeur, voire jovialité vicieuse. Elle brûlait d'envie de lui percer les tympans à grandes objections et de lui faire ravaler cette circonspection maladive dont, elle, était incapable de se draper avec tant de maestria. Elle ne se souvenait plus de la sapidité du flegme, et encore moins de celle de la quiétude, n'y avait que la bile de la rancoeur et de la convoitise. Alors, pour la première fois depuis longtemps, son sens commun ceignit son cou de biche d'un carcan oppresseur pour la faire taire. Aucun son ne sortit de ses lèvres charnues, comme si la raison venait soudainement de prendre l'ascendant sur le coeur et les émotions exacerbées que ce dernier ne parvenait à réprimer. Son intuition lui affirmait que toute tentative d'apologie sur les Ebonhand et leur bien-fondé au trône serait vaine, retournée contre elle et sa dialectique lacunaire comme les carreaux d'une puissante arbalète discursive. Si sa chair n'était pas menacé de suinter son ichor lors de ce conciliabule, sa fierté risquait bien de finir sanguinolente au détour d'un sujet ou d'un autre, tant la lionne était reine pour frapper là où la douleur était la plus accrue. Lui remémorer que les premiers monarques à s'être assis sur le Trône de Jais étaient ses ancêtres ? Perdu d'avance. Elle la voyait d'ores et déjà venir piétiner son argutie en soulevant que la monarchie de l'époque originelle avait été bicéphale, à demi contrôlée par rien de moins qu'un elfe – comme ceux qu'Hulgard avait pris un malsain plaisir à occire, mû par un sentiment d'iniquité et de jalousie concernant un patrimoine dont sa famille avait été indûment spoliée. L'Histoire était diaprée de failles et de controverses, aucun des protagonistes n'avaient jamais été probes – elle avait pris conscience que cette notion n'existait que dans les opuscules pour enfants. Mais de ces trivialités, elle n'en avait cure, et considérait Ibenholt comme son hoirie, qu'importait ce que les autres viendraient à en dire.

Pour cette fois, elle parvint à museler sa véhémence, sans pour autant épargner son interlocutrice d'une oeillade assassine. Toutes deux dignes. Toutes deux opiniâtres. Toutes deux prêtes à défendre leurs intérêts avec une infrangible férocité. Peut-être Jora n'était-elle qu'un pâle simulacre de Sylarne, dont il aurait été plus sage d'entendre les conseils plutôt que se complaire en pantalonnades d'ambition qui ne feraient que rendre la conversation plus stérile qu'elle ne l'était déjà. La jouvencelle à la crinière argentine se redressa lentement lorsque la souveraine la somma de prendre place, ce qu'à nouveau, elle ne fit point. « Je souffre, ne vous rongez pas les sangs pour cela, croyez-moi, je souffre votre présence. » Et combien de temps le pourrait-elle encore ? Elle se demanda si Jorkell était au fait des agissements de son épouse, et s'il n'aurait pas été opportun, au moins pour celle, d'aller les lui narrer pour mettre un point final à cette mascarade. S'il était question de préserver ses appartements de la flétrissure Clanfell pour cette sorgue et toutes celles à venir, elle s'échinerait à jouer les princesses plaintives qui ne trouvaient rien de plus efficace que mander l'incursion de l'Usurpateur. Là encore, une scène qui serait d'une profonde et lamentable ironie, et elle sentait son coeur bourlinguer jusqu'à l'orée de ses lèvres pour mieux lui donner la nausée. Etait-ce ce pour quoi la féline quêtait ? Que l'héritière déchue se ridiculise plus encore ? Les prunelles céruléennes de cette dernière guigna la baie qui se fendit et larmoya sur les phalanges de sa vis-à-vis, puis revint sur elle lorsque sa phonation adextre retentit derechef. Sa déclaration, cette fois, obligea l'un des épais sourcils Ebonhand à se courber en une réaction entachée d'étonnement et de scepticisme. Elle la contempla intensément, cherchant à sonder les chrysolites royales pour rendre les intentions absconses plus limpides. « Vous n'avez aucune idée de ce qu'est la captivité, n'est-ce pas ? » L'interrogea t-elle sur un ton plus placide que tous ceux qu'elle avait empruntés jusqu'à présent. « En fait... toutes les femmes de notre apanage ont connu les geôles serties d'or de leur condition, c'est inéluctable, alors... en savez-vous peut-être quelque chose, à une échelle moindre que la mienne. » Son expression devint à la fois rude et meurtrie, elle ressemblait à ces ronde-bosses immortalisées dans leur profond émoi, quelques tisons de fatalisme se miroitant dans ses calots d'azur.

« Je n'ai jamais eu l'honneur d'avoir la plus infime prise sur mon existence, je n'ai toujours été que la spectatrice de ma propre impuissance, martyre de l'amour outrancier de mon père avec lequel il a forgé mes chaînes. J'ai sincèrement... » Une houle chagrine et coupable immergea sa physionomie, bien qu'elle tenta de la combattre pour garder un semblant de contenance. « J'ai sincèrement... espéré que Jorkell Ravncrone prenne la décision de les briser, même si cela signifiait disparaître, parce que je me suis dit que la mort était peut-être l'unique liberté qu'il me serait permise de goûter. » Oui, elle l'avait souhaité, ce trépas qui n'était finalement pas venu l'étreindre, et s'était ensuite sentie misérable et indigne de son patronyme. C'était ainsi qu'était né le réflexe impétueux d'admonester tout le monde et de ne cesser de revendiquer son héritage avec toujours plus de ferveur. Une façon comme une autre de se défendre et, surtout, de se convaincre qu'elle n'était pas dans le tort et ne songerait plus jamais comme elle l'avait fait, cette fameuse fois. La nymphette échappa un rire furtif et sans joie, l'air presque absente bien qu'elle n'avait pas quitté le regard du fauve attablé. « Les premières nées ont aujourd'hui autant de privilèges que les héritiers mâles, et pourtant... J'ai la sensation que les femmes, continuons d'être sous le joug de ces sieurs... Du moins, ici, en Ibenholt.... N'est-ce pas injuste ? »

Une question qui n'attendait point de réponse, et Jora rompit le contact visuel, songeait à quel degré de ridicule elle venait de se brûler. Pourquoi avait-elle seulement parlé de ceci à Sylarne ? Elle n'en avait pas une once d'idée, la soitude la rongeait telle une bactérie pernicieuse et sépulcrale, et lorsque ses tempétueux remparts faiblissaient, elle se souvenait qu'elle n'avait plus personne à qui se confier. Et étrangement... un siroco de soulagement balaya l'hiver de son être, comme un bribe de réconfort, qui lénifia son indocilité. Contre toute attente et certainement espérance, la naïade s'installa dans le siège en face de la Clanfell, faisant preuve de l'évolution positive de la situation bien que rien n'était encore remporté. Elle contempla les denrées et accessoires disposés sur l'ensemble de la table, sans que les arômes ne parviennent néanmoins à exciter son appétit ou à la mettre entièrement à l'aise. Elle n'omettait pas à qui elle avait à faire, et ne serait pas sereine tant qu'elle se trouverait dans cette cage en compagnie d'un lion. « Ecoutez... J'ai suffisamment de mal à rester lucide et en pleine possession de mes moyens sans que vous ne veniez m'importuner, ou que sais-je... Mais, pour quelle raison êtes-vous là, à la fin ? Si vous voulez que nous discutions, soyez plus intelligible sur vos motivations, car ce serait un euphémisme de dire que je nage en plein brouillard. Expliquez-moi donc en quoi ma libération vous serait profitable, et ce qui vous enhardit assez pour que vous en soyez réduite à me le dire. »

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Sylarne Clanfell

Reine consort d'Ibenholt

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MessageSujet: Re: Language is wine upon the lips ♤ Sylarne   Language is wine upon the lips ♤ Sylarne EmptyMar 15 Avr - 1:40

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F
uyante lymphe, elle couvrait le substrat lilial de son poignet, s'attardant au creux de sa paume pour en maculer le suaire soyeux. De l'ichor vermeil d'un oiseux quidam elle n'avait jamais repeint le canevas vierge de l'existence, laissant les homicides, parricides et autres cides aux assassins, aux ombres mouvantes qui se dérobaient à l'encoignure des dédaléennes coursives pour en embrasser la pénombre de lèvres anthropophages. L'inertie. C'était là une vicissitude qu'elle abhorrait, un fléau qu'elle redoutait plus que toute chose en ce monde et l'égarement de l'esprit humain venait, dans les langes de l'atonie, à se nécroser, à se putréfier jusqu'à suppurer et empoisonner les autres de ses remugles infects. La veulerie s'était progressivement faite affliction, puis endémie et chaque jour le charnier des pleutres s'emplissait, exhalant ses relents délétères, avariant chaque vertu pour la résilier, invariablement. Macérant dans l'acrimonieuse bile de l'infante, la mirifique cuirasse de la reine en venait à se corroder, les oxydations clairsemées se jouant du cuprifère airain d'un esprit qu'on disait spéculaire et qui, pourtant, se ternissait des admonestations dont on le lestait d'oriflammes fielleuses et pesantes à travers ce vulnérant conciliabule. Ce n'était pourtant pas de son quiétisme vis-à-vis de la princesse dont elle se stigmatisait, mais plutôt de la passivité dans laquelle elle s'était claustrée, troquant la férale lionne pour se faire féale chatte, se laissant happer par une dipsomaniaque léthargie nourrie par le cynisme et la frigide apathie de sa condition. Et au sein du microcosme de ce castel en perdition elle ne pouvait compter que sur l'acuité des griffes d'une intelligence fauve et sur la léonine mâchoire d'une ruse déchirante avec laquelle elle déchiquetait moelles poltronnes et chairs percluses. La princesse ne faisait que réifier cette célérité renaissante, la captive ne faisait que devenir extension des éperons qui se rétractaient sous la cautèle d'une rachidienne faculté à faire flèche de tout bois et instrument de toute acrimonie. Le fiel de la donzelle ainsi versé comme vinasse d'encre dans une coupe pellucide concluait pourtant leur alliance et le sceau parcheminé de la lippe royale scellait indéniablement un pacte dont la princesse ignorait encore les clauses.


E
n guise de bonne foi la férale Clanfell laissa les dernières flèches biliaires de la princesse fuser vers elle, esquivant les ultimes invectives du pavois de son impavide faciès, la caustique rapière bien rangée dans son fourreau et l'acérée langue bien cloîtrée dans la geôle carnée de sa bouche. L'irénisme était un moindre mal lorsqu'on affrétait un navire d'une telle importance et c'est toutes voiles dehors que la reine accueillait les péroraisons de sa glaire et les soliloques souffrances de l'oiselle. L'argile de sa conscience s'imprégna pourtant du neurasthénique requiem que lui soufflait la belle, puisqu'elle y joignait sa voix si souvent, harmoniques détestables d'une mélodie qui était pourtant commune à toutes les sylphides de ce monde et qui écorchait les chairs comme les fatuités, glaive impitoyable qui n'épargnait aucune tête, surin qui n'évitait aucune poitrine. Et à la question rhétorique de la princesse elle répondit tout de même, les yeux attachées aux flammes du candélabre et la voix rivée à l'injustice qui alanguissait chaque parole d'une atonie feutrée. « Ne cherchez pas en vain une justice qui n'est que fuyantes chimères ou une liberté qui n'est qu'insaisissable spectre. La véritable geôle est celle qu'on ne saurait nommer et dont on ne perçoit pas les frontières. » Ce fut là l'unique incartade qu'elle s'autorisa, recomposant le masque de flegme qui habillait son visage des fragments épars de son utilitarisme, le tissant de quelques instants de silence avant de cheviller le sinople de ses yeux au turquin du regard princier. « Écoutez... J'ai suffisamment de mal à rester lucide et en pleine possession de mes moyens sans que vous ne veniez m'importuner, ou que sais-je... Mais, pour quelle raison êtes-vous là, à la fin ? Si vous voulez que nous discutions, soyez plus intelligible sur vos motivations, car ce serait un euphémisme de dire que je nage en plein brouillard. Expliquez-moi donc en quoi ma libération vous serait profitable, et ce qui vous enhardit assez pour que vous en soyez réduite à me le dire. » La reine avait les clés de l'ergastule princière, comptait rendre à l'hirondelle ses ailes éthérées qu'on avait trop rapidement lestées de plomb et pourtant elle redoutait à lui faire miroiter une liberté qui menaçait jusqu'à ses plus intrinsèques ambitions. Et pourtant le risque valait bien qu'on déploie élytres de papier au-dessus des flammes d'une chandelle. Jorkell n'avait que trop consolidé l'architecture de son ascendance, tirant de la tectonique capricieuse de la cour des fondations ignées à la ductilité moins qu'incertaine qu'il convenait de buriner rapidement d'un ciseau précis. La souveraine macula de ses doigts sibyllins l'ivoirienne lustrine qui gisait sur la table, s'emparant du cristal de sa coupe pour le faire remplir à nouveau et c'est d'un rugissement ferme qu'elle congédia les domestiques qui, interloqués, se firent statues stoïques. « Sortez, tous ! »


Q
uand ils se fussent enfin évanouis dans les coursives il lui sembla que les murs orbes s'hérissaient de prunelles inquisitrices et que des pierres poreuses s'extirpaient leurs murmures, exhalaisons secrètes qui traverseraient les remparts et les oriflammes pour venir s'évanouir au creux de l'encéphale royale et pourtant, elle laissa sa voix caresser le silence et en extirper les coupables épigrammes. « Beaucoup diront que l'harmonie préserve le royaume. D'autres croient que le chaos est la loi qui régit l'édification des empires. Et si le désordre est une échelle pour les uns ou un gouffre béant pour les autres, seule l'entropie est à mes yeux une certitude. » Le chaos était glaive destiné à servir les intérêts des uns, la paix et l'ordre, un bouclier protégeant les acquis des autres. Tous occultaient l'insaisissable loi qui pourtant régentait toutes les autres, se soustrayant à l'ascendance humaine ou au jeu des ambitions comme le faisait le ciel immatériel qui se dérobait sous les doigts insatiables des enfants qui tentaient d'en capturer des lambeaux. L'entropie était un fuseau qui se déplaçait sur l'étoffe des existences en déformant les fibres pour en distordre le relief. La fuite de la fille Ebonhand n'était qu'une maille de plus dans l'enchevêtrement qui échappait à tout empire : c'était dans l'ordre naturel des choses et c'est en filant le textile du chaos que Sylarne s'assurait de rendre à l'entropie ce qui lui revenait de droit. « Mes motivations ne seraient pour vous que brouillard opaque et je ne compte pas vous griser d’escobarderies ou vous étourdir de perfides mensonges. Et si je me risque à fomenter votre fugue tout en exposant ma nuque à la francisque du bourreau, ce n'est pas par lubie vipérine ou frasque retorse, mais parce que votre fuite deviendrait entre mes mains estoc à retourner contre mon ennemi. » La pragmatique souveraine n'aurait pu être plus franche et Jora ne représentait pour elle qu'un instrument de plus à manœuvrer pour mener sa barque et arriver à destination sans trop être écorchée. Un sourire vint maculer ses lèvres grenat d'une céruse ironique alors qu'elle se laissait une fois de plus bercer par ses apories, exhortant à l'héritière de l'éburnéenne maison une adjuration destinée à ne pas lui faire regretter son choix : « Depuis votre emprisonnement entre les murs de cette bastide je n'ai cessé de me demander si je pouvais vivre avec sur la conscience l'emprisonnement d'un innocent tout en sachant que sa liberté en viendrait peut-être à en condamner d'autres... » Elle chevilla le sinople de son regard aux yeux de la princesse, sondant l'âme de l'oiselle captive qu'elle s'apprêtait à relâcher sur le monde. « Je fais le choix ingénu de croire à votre innocence, veillez à ne pas me le faire regretter. Et grand bien vous fasse de convaincre l'ours d'abandonner les douillets remparts derrière lesquels il s'est muré pour qu'il daigne enfin faire face à l'hiver. Son hibernation n'a que trop duré... » La féline quitta l'écrin de son siège, déposant le calice sur le bois veiné de la crédence avec un sourire distant. « Je m'occuperai du reste. Ce fut un réel "plaisir" de partager le couvert avec vous, princesse. » La férale reine s'arracha à cet affligeant conciliabule, traversant la loggia pour laisser la péronnelle à ses réflexions et à ses solitudes. En d'autres circonstances, d'autres lieux, elles auraient pu naître sœurs. Mais l'entropie avait fait d'elles des rivales. En posant les doigts sur la porte elle se retourna, l'amertume au bout des lèvres. « Si vous revoyez mon frère, dites lui que malgré la noirceur de la pèlerine le sang reste écarlate. Il comprendra... » Et elle poussa la porte.

Et si les corneilles se disputaient les entrailles du lion, son rugissement éteint parcourait toujours les cols et les cimes enneigées des montagnes, assourdissant écho qui, lui, ne mourrait jamais...

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MessageSujet: Re: Language is wine upon the lips ♤ Sylarne   Language is wine upon the lips ♤ Sylarne EmptySam 19 Avr - 1:33



E
lle contempla le breuvage aviné fluer dans le récipient cristallin comme s'il n'avait s'agit que d'une cataracte de ciguë, et elle l'aurait peut-être véritablement cru si cette coupe avait été la sienne. Cependant, sa vie ne semblait point être la flamme d'un cierge que l'on mirait péricliter dans sa propre cire, la souveraine au port altier ne la plaçait sous aucun astre d'affection, mais elle serait une pièce maîtresse sur l'échiquier dont elle foulait les dalles d'ivoire et d'ébène bon gré mal gré. En ces temps de divergences d'intérêts, il était plus salvateur d'être utile que bien aimée, elle aurait tout le loisir de glaner les piétés des bannerets partiaux qui fondaient leurs espérances sur son hypothétique règne, dont l'essence divisait bien des gens. Infante d'un despote abject dont elle aurait été criblée des vices ataviques ou immaculée descendante dont l'être avait été épargné de l'anathème familiale. Puis, il y avait tout simplement ceux qui la voyaient comme une pouponne à peine sortie de l'oeuf, arrachée à l'étreinte possessive d'un père qui l'avait toujours gardée des vicissitudes. Et voilà que Sylarne procréait une nouvelle catégorie de penseurs, ceux pour qui elle n'était, vraisemblablement, qu'un instrument prompt à importuner Jorkell, sans qu'elle ne soit sans doute encline... à plus glorieux destin ? Les prunelles de son interlocutrice demeuraient désespérément opaques à toute lecture extrasensorielle, c'était comme parcourir les pages d'un recueil rédigé en un dialecte inconnu. Frustrant, pour une bibliophile avéré. Mais si l'ouvrage félin ne dévoilerait assurément pas tous ses secrets, il s'en venait tout de même lui conter son exorde, ce que Jora comprit lorsque les feulements de la lionne sommèrent les serviteurs de les abandonner à leur chrysalide discursive. Pas moins pantoise que ces derniers, elle les mira succinctement et tendit l'oreille pour ouïr l'huis se clore, éloignant ainsi les curiosités illégitimes des idées compromettantes. Se retrouver seule et enfermée avec un fauve dont on connaissait l'appétence quintessentielle avait de quoi épeurer, et la demoiselle resta aux aguets.

L'Ebonhand sourcilla. L'entropie ? La Clanfell avait beau s'élancer dans des palabres explicatives, ou en partie, ses propos ne faisaient qu'égarer davantage sa juvénile consoeur. Les subtilités du jeu des trônes l'outrepassaient, mais si l'on commençait à forer dans des philosophies alambiquées, elle ne trouverait jamais la sortie de ce dédale cérébral qui finirait par avoir raison de son pauvre crâne. Il n'y eut que le mot fuite qui la foudroya et fit choir des flammèches de ses mirettes grandes ouvertes. Son ennemie qui lui offrait la liberté ? Trop beau pour être véridique, où diable se tapissait le loup sous la peau de lion ? Elle chercha la faille dans l'oeuvre sculpturale qui lui faisait face, sans parvenir à en dénicher une. Chacun possédait ses motifs, et les aspirations des uns créaient les batailles des autres, et s'il y avait bien une chose qu'elle avait compris ces dernières années, c'était qu'il n'existait pas de noble dessein. Un piètre simulacre tout au plus, mais la boussole des fantasmes ferait toujours frémir l'aiguille vers un égoïsme plus ou moins prononcé. Sa propre quête n'était pas désintéressée, si elle chérissait le candide espoir d'apaiser les maux du royaume en siégeant sur le trône de jais, elle voulait aussi renouer avec un héritage qui lui appartenait. C'était ainsi, et pas autrement.
Quelques vers ensuite, qui lui firent incliner le minois sur le côté comme si cette position permettrait de les rendre plus intelligibles. L'Ours ? Elle n'avait jamais coudoyé qu'un seul et unique représentant de l'auguste mammifère qui frappait, puis veillait. Oui, d'ours, il n'y en avait qu'un qu'elle savait arpenter les corridors de Jernvugge, ayant troqué sa fourrure féale pour une pelisse de parjure. Dralvur. La reine l'avait d'ores et déjà approché, et Jora n'était point surprise de conclure que le fier quidam avait arboré l'égide du quant-à-soi. Evidemment, qu'il ne s'était laissé ni bercer ni berner par les cantilènes de la blonde dryade, n'y aurait probablement qu'une voix pour laquelle il délaisserait ses remparts : la sienne. Etait-ce pour cette raison, pour cet indispensable concours, que la lady était venue la trouver ? Une myriade de questions lui embrasa les lèvres, mais avant qu'elles ne puissent se frayer un chemin hors de celles-ci, voilà que son héroïne inopinée annonçait son départ. « Oh, mais... » L'ironie voulait que les rôles aient échangé leurs lubies, la princesse déchue aurait volontiers offert plus de son temps infini à l'intrigante, qui semblait impatiente de déserter la cage dorée de la captive. Décontenancée et étourdie, la jouvencelle ne sut que dire, que faire, et se contorsionna sur son siège pour écouter les ultimes paroles octroyées. Ehvan... était-il seulement encore en vie ? Elle s'était longuement interrogée, avait fini par se persuader qu'il était plus sage d'étouffer son expectative, à présent ravivée.

Seule, dans sa geôle d'opulence, et pourtant si froide. Sur les tentures toutefois, elle voyait se profiler un avenir pour lequel elle avait, bien malgré elle, craint. Elle ignorait si elle avait parfaitement traduit les codes de Sylarne, mais dans tous les cas, à partir de demain, elle partait à la chasse à l'Ours.

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