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 the price of negligence ♦ sylarne

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Lorsei Ravncrone

Lotus noir de l'Orkenenmyr

Lorsei Ravncrone
Lotus noir de l'Orkenenmyr
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MessageSujet: the price of negligence ♦ sylarne   the price of negligence ♦ sylarne EmptyVen 11 Avr - 4:42



« Laissez-moi vous souhaiter la bienvenue à Ibenholt, Dame Lor— »

Levant sèchement sa main à l’adresse du conseiller qui l’accueillait, son visage de marbre parcourant avidement la cavalerie qui était venue à la rencontre de sa diligence. « Mon frère ? » s’enquit-elle sans prétendre à l’aménité, ancrant ses prunelles de jade dans le regard fuyant de son interlocuteur. « Sa présence est requise au conseil, ma Dame, tout comme celle de votre père. » Lorsei pinça ses lippes, agacée, et fit signe au reste de la diligence de poursuivre, ignorant les hommes que Jorkell avait envoyés à sa rencontre. N’était-elle donc pas suffisamment importante, une vétille à la cour des grands ? Tant pis ; s’ils étaient embourbés dans l’une de ces tables rondes, à endurer ce pensum et les homélies de ces insipides conseillers qui se croyaient pourvus de la science infuse, soit. Elle prendrait ses aises et s’installerait seule, si seulement on lui déférait quelque valet ou domestique pour porter ses possessions.
Elle avait tenu à monter elle-même en tête des coches, où s’entassaient quelques noblesses moindres de Ravenhole, cousins et autres accointances royales qui, par népotisme ou par mérite, avaient reçu l’invitation de Jorkell Ravncrone. En tant que princesse régente, elle n’était rien de moins que la dignitaire la plus importante de ce royaume et de ce fait lui incombait la responsabilité de mener les autres à bon port, flanquée d’une demi-douzaine de gardes aguerris qui s’assuraient de sa sécurité. Elle laissa sa jument, une pouliche argentée au port aussi altier que sa propriétaire, aux bons soins d’un palefrenier, garçon d’à peine dix ans qui avait néanmoins réussi en quelques caresses à dompter les quintes de l’animal.

Jouxtée de sa garde rapprochée, Lorsei se rendit donc là où son père assoyait désormais ses envies mégalomaniaques : Jernvugge, cette forteresse aussi glaciale que les cimes du Solvkant pouvaient l’être. Une fois assurée de la froide sécurité que lui procureraient les murs du château, elle les chassa, exécrant d’être ainsi épiée et suivie, bien que ce fût un mal nécessaire. Lorsei se vit prestement hélée par une domestique, une jouvencelle aux cheveux cendrés et au teint si pâle qu’elle craignit qu’elle ne fût malnutrie. « Dame Lorsei, la Reine a été informée de votre arrivée et aimerait que vous la rejoigniez pour le thé lorsque vous serez installée. » Ah… ainsi donc, la harpie qui avait divisé l’amour que son paternel pouvait avoir pour elle voulait assouvir sa curiosité ? Elles qui ne s’étaient vues que brièvement au mariage royal qui l’avait unie à Jorkell, voilà que Sylarne la semonçait candidement de partager quelque bref moment…
Lorsei remercia tout de même l’adolescente, ses lèvres étirées en un singulier sourire. Difficile de déterminer s’il dégageait bienveillance ou maléfice, ou si elle planifiait déjà toute l’obséquiosité avec laquelle elle pourrait houspiller, sous le couvert de jolis mots, la seconde femme de son père. Mais, pour l’instant, son installation se voyait être sa priorité, à moins qu’elle n’ait voulu encombrer davantage le palais, espérant que l’insipide aréopage auquel étaient retenus roi et prince se verrait avorté dans les plus brefs délais.

Si son accueil avait été décevant, ses quartiers l’étaient indubitablement moins. Un appartement richement décoré, où elle pourrait enfin se prélasser après plus d’une semaine en cavale. On fit porter ses affaires, qui avaient été déposées dans la chambre bien avant son arrivée ; elle avait tenu à détourner de son chemin sans répit, explorant ce nouveau palais comme elle avait prospecté sa forteresse natale à la recherche de ses secrets. Ayant promis à la reine une visite, elle rafraîchit sa peau asséchée par les longues journées d’équitation dans un petit bassin posé près de l’âtre, rendant l’eau agréablement tiédie, puis se changea pour une tenue qui siérait davantage l’occasion. Ainsi vêtue, sa longue robe marine richement brodée choyant derrière elle à chaque pas, elle jeta une œillade curieuse dans le couloir, l’écho des pas des domestiques et des serviteurs assourdissant l’environnement. Devant la sienne, une porte ouverte sur un appartement que l’on semblait être en train d’entretenir. « De qui sont-ce ? » fit Lorsei, apostrophant une jeune soubrette. « Ce sont les appartements du prince Lorkhan, ma Dame, » fut la réponse de la voix guillerette de la tanagra. L’information eût tôt fait d’avoir raison de la nivèlerie de la régente, qui n’hésita pas à s’y engouffrer, sachant pertinemment que personne n’oserait s’y opposer.

Les yeux scintillants, elle farfouilla sans vérécondie dans les effets de son frère, ouvrant tour à tour boîtes à bijoux, coffres ornés, laissant ses doigts parcourir langoureusement chaque surface, épreignant chaque étoffe avec émerveillement. Un courant d’air fit glisser sournoisement un frisson sur son échine et elle jeta un regard hyrcanien à la domestique qui s’affairait silencieusement à vider l’âtre de ses cendres. Visiblement distraite par l’attention non sollicitée de l’invitée, l’un des coins de la toile qu’elle utilisait à ces fins glissa de ses doigts et la poussière emplit bientôt la pièce, non sans causer à Lorsei une quinte de toux rauque. « Impotente ! » crachota-t-elle une fois ses voies respiratoires rétablies. La cendre retomba néanmoins assez vite, et d’autres domestiques vinrent prêter main-forte à l’humiliée. Alors qu’elles balayaient diligemment la déprédation de la jouvencelle, sous l’œil austère de la régente, un fragment flavescent, détonnant gravement du reste du gris de l’amoncèlement, attira l’attention de cette dernière. Elle se pencha et saisit entre ses doigts un fragment de parchemin, consumé dans l’ensemble, mais dont un petit éclat avait dû subsister. Lorsei souffla sèchement sur la missive, dont les quelques mots n’étaient cependant que trop peu visibles pour qu’elle puisse les décoder ; néanmoins, la signature était des plus singulières. Sylarne. Rien de plus, rien de moins que la reine elle-même faisait parvenir à son frère une missive et il ne trouvait nulle autre solution que de la faire s’embraser ?

S’il n’était pas étrange qu’ils soient mutuellement cordiaux, il était plutôt singulier de les voir entretenir une telle correspondance. Quels secrets contenait donc cette lettre, quelles confidences ? Ou alors quelles collusions ? Que justifiait le besoin de soustraire aux yeux des curieux le corps de cette missive ? Les yeux toujours rivés sur ce qui n’aurait été autrement qu’un vulgaire bout de papier, le regard torve, elle emboîta le pas à une domestique qui s’excusait hors de la pièce. « Assurez-vous que mon frère, le prince, ne remarque rien de votre ineptie, » les enjoint-elle alors qu’elle regagnait ses propres appartements. Laissant glisser sa robe maintenant enduite de suie sur le sol, elle se saisit d’un livre sur un tablard, dans lequel elle glissa le bout de papier, mue par une énergie inconnue. Était-ce l’autopréservation ou la sauvegarde d’autrui qui justifiait ses actes ? Nue, sinon pour ses braies, appuyée contre la bibliothèque, elle fit une note mentale du titre du livre, puis opta pour une robe smaragdine qu’elle enfila prestement. Elle s’assura d’ôter toute trace de cendre de ses cheveux également, puis ressortit, étrangement dispose. Plus elle y pensait, plus l’évidence semblait s’empiler devant ses yeux : une correspondance interlope à dérober de la vue de tous n’était certainement pas la seule gabegie dont il était question. Elle refusait de se laisser aller à la frivole pensée qui valsait doucement dans son esprit ; ce serait grotesque, rebutant, peccamineux… pourtant ce qui devait être une simple visite à l’occasion de la fête du printemps se dévoilait maintenant être bien plus, à la lumière de la découverte d’un simple fragment de négligence.

Elle se porta jusqu’aux appartements de la reine, ses pas résonnant à un rythme régulier. À l’entrée, un garde, à qui elle adressa un doucereux sourire. « Sa Majesté Sylarne, ma belle-mère, m’a fait mander à l’occasion de mon arrivée, » l’informa-t-elle dans un accès d’obséquiosité, et l’homme ouvrit la porte, annonçant à son occupante l’arrivée de la régente. Il savait sans doute qu’elle était attendue, sinon, Lorsei osait espérer qu’il aurait davantage passé au crible les visiteurs de sa reine. Mettant un pied à l’intérieur de la pièce, elle posa ses iris opalins sur la silhouette de sa belle-mère, la reine Sylarne. Sa blondeur était tout aussi outrageuse que son mariage à un Ravncrone. « Ma Dame, » la salua Lorsei avec une assurance presque arrogante. « Votre invitation me fait le plus grand plaisir. »

Et comment.

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Sylarne Clanfell

Reine consort d'Ibenholt

Sylarne Clanfell
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MessageSujet: Re: the price of negligence ♦ sylarne   the price of negligence ♦ sylarne EmptyMar 15 Avr - 5:14

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sylarne clanfell & lorsei ravncrone
the price of negligence
S
ur la prasine prunelle se nitrifiaient les évanescentes et sirupeuses pensées qui tissaient l'arantèle encéphalique de préoccupations sans cesse renouvelées. Derrière le derme vitrifié du vasistas s'étiraient les oriflammes moirées de sinople repoussé d'émail houspillant l'attention de l'aquilon aux bannières d'écarlate liseré d'argent et à celles, violines, sur lesquelles croassait le corbeau aux ailes de jais déployées. Une demie lunaison déjà qu'essaimaient pompeux mignards, pédantesque piétaille transportant gonfalons et emblèmes brodées sur fond bigarré, ladies fardées de céruse et grimées de vanité vers l'immense ruche aux alvéoles tapissées de jais et d'obsidienne qu'était Jernvugge. Une semaine qu'elle papillonnait dans les coursives, se perdant en dérisoires sourires et en minauderies insipides, en conciliabules d'alcôves et en factices homélies dont elle ne voyait plus l'aboutissement tellement elle était harassée par tous ces artificieux verbiages qui lestaient sa langue d'un plomb qui ne trouvait de répit que lorsqu'elle était plongée dans une libation salvatrice. Le Myr n'avait jamais coulé avec tant de zèle dans les sébiles de cristal et seul le séide de grenat drapé semblait lui permettre quelque hémistiche dans ce tumulte qui semblait s'accroître avec une régularité déconcertante comme le ferait un crescendo incontrôlable. C'est du haut de son acrotère qu'elle mirait la flopée de pèlerins venus grossir les rangs de la capitale, son souffle aviné contre la paroi de verre qui la gardait des vents vifs ne faisait qu'augmenter son trouble, des ongles grinçant sur le verre alors que les autres démêlaient nerveusement son opulente crinière flave. Quelques jours seulement la séparaient de son forfait, quelques jours qui la départageaient peut-être de la résipiscence qui précédait sa condamnation et sa mise à mort sur les tréteaux de sa félonie. Elle avait pourtant tout calculé, mesuré et soupesé, dissimulé chaque accroc dans la tapisserie de son stratagème, lissé chaque aspérité de son plan, mussé chaque marque pouvant attester de l'empreinte de griffes léonines comme si sa vie en dépendait, puisque sa vie en dépendait. Et ce masque nacré de simulacre qu'elle avait greffé à l'usuel flegmatique faciès n'était qu'un leurre de plus, consolidant son innocence de feints sourires et de postiches mondanités s'étiolant en badinages courtisans.


D
ans la mouvance de cette vaudeville forcée elle s'était vue obligée de convier une pléthore de dignitaires et de notables à partager couvert dans les appartements régaliens ou à savourer une promenade printanière dans le jardin des glaces, endurant les gloussements frivoles des péronnelles qui voyaient se chamarrer de couleurs givrées les girandoles de fleurs qui perçaient la neige comme autant d'estocs diaprés. Elle avait tant souffert les friselis de ces mijaurées qu'elle en avait perdu tout émerveillement devant la clémence des températures et la vénusté des lys de glace qui se parementaient d'incarnadin quand ils ne s'ornaient pas de majorelle. Sitôt, donc, que sa belle-fille fut conduite dans le giron des remparts de la citadelle, elle fit dépêcher une camériste pour l'inviter à quelque goûter en sa compagnie, faisant déjà affluer dans ses appartements toute une légion d'entremets et encore plus de vin. C'est nippée de brocart nacarat qu'elle accueillit la régente, se retournant avec grâce quand elle perçut les premiers éclats de voix de l’intrigante corneille. Déposant sa coupe sur une desserte, elle se précipita à sa rencontre dans un bruissement d'étoffes, ses lèvres pâles s'étirant en un affable et subreptice sourire avant de poser ses mains liliales sur les siennes. « Lady Lorsei, votre présence en ces lieux m'enchante et je craignais que vous fussiez retardée par l’afflux de gens sur les routes et dans notre belle cité. Votre voyage depuis Ravenhole a-t-il été agréable ? » L'aboutissement de ses paroles fut ponctué d'une nouvelle risette dévoilant quelques perles jusqu'à maintenant jalousement gardées par la lippe royale. La lionne mit fin à l'étreinte de leurs mains proposant un siège à sa belle-fille avant de lui faire servir une coupe de vin. Féline, la consort d'Ibenholt laissa quelques doigts pianoter sur la surface veinée du bois avant d'incliner du chef, se retournant à moitié pour toiser la demoiselle de ses prunelles léonines avant de se saisir de son propre calice pour le glisser à ses lèvres. « C'est un comble que vous puissiez assister au Grand Bal et au festin qui le précède. À vos côtés, je n'aurai pas à endurer les cajoleries de quelque flagorneur... » Elle lui sourit, véritablement heureuse de n'avoir pas à partager le couvert avec les vipérines matrones qui s'entretuaient comme lionnes en cage pour avoir l'opportunité d'échanger quelque poisseux commérage avec la reine. « Et j'ose espérer pouvoir vous délivrer également de quelques insupportables cuistres. »


L
orsei, à vrai dire, l'indifférait, fusse-t-elle la fille de son époux ou la sœur de celui qui partageait sa couche en secret. La singulière corneille n'était pourtant qu'une autre Ravncrone, une de celles dont elle ignorait la véritable couleur du pennage, préférant jauger l'animal avant d'en juger de la férocité. Mais la férale souveraine n'était ni de celles qui mésestimaient les gens ni de celles qui se laissaient aller à de hâtives conclusions ; la marne ductile de sa conscience n'étant égratignée que par de tangibles preuves avant de faire de toute argile des golems à abattre et des ennemis à désarçonner. Sylarne s'attabla devant sa convive, attrapant entre ses doigts graciles un savarin au miel dont le sucre chassa insensiblement les quelques muscats qui s'accrochaient à son souffle. Le pantomime devenait seconde nature dans les dédaléens tunnels qui perforaient le ventre du castel et la lionne arborait le crin des mondanités avec flavescents galons et festons cuprifères, jouant la comédie avec distinction et pourtant elle répugnait à écorcher la désaffection qui burinait son minois des insignes volutes de son indifférence. Les simulacres n'étaient ombres qu'elle aimait apprivoiser de ses doigts, préférant singulièrement la superbe dont elle maculait ses lèvres et la fruste expression de son équanimité à tous ces vélums cauteleux. Et pourtant il n'y avait que dans l'intime chrysalide qu'elle partageait avec le prince qu'elle pouvait être Sylarne. Là et dans le havre des secrets qui tissaient entre elle et son géminé une ombilicale complicité qui n'avait d'égal en ce monde. Tous les autres étaient des ennemis, tous les autres étaient des bourreaux... La reine consort voulait faire de Lorsei une alliée et la corneille était un pion à ne pas négliger, puisque sis sur la cime du monde, glorieux panoptique où elle rivait le jais de son regard aux alentours depuis une position plus que stratégique. Et si Lorkhan domestiquait sa sœur d'un amour filial plus que resserré, la lionne n'était pas prête à considérer les barreaux de cette geôle affective comme aussi efficaces que ceux d'une véritable ergastule et elle comptait s'arroger une précieuse amitié, une féale connivence qui ne viendrait jamais à contrevenir à ses plans. Trop de variables s'étaient déjà glissées dans l'équation et la docte reine ne comptait pas commettre d'impair. « Je suis navrée que la distance nous empêche de développer l'une pour l'autre une profonde et indéfectible affection. J'aimerais tant rectifier cela durant votre séjour dans la capitale nordique. Votre père n'a eu de cesse de me réitérer la confiance qu'il a en vos capacités de régente et votre frère, le prince Lorkhan, n'a pas tari d'éloges à votre égard. Je sais à quel point vous comptez pour lui. » Si Sylarne n'était pas davantage prête à révoquer cet amour filial, elle ne l'était pas plus de le laisser s'interposer entre la lionne famélique et sa prise. En se claustrant derrière les murs du castel ibenholtois, Lorkhan avait aussi cloîtré son cœur au creux de ses mains jalouses et jamais elle ne serait prête à le laisser s'envoler comme corbeau dans l'alizé sans lutter pour le rattraper. Sa survie en dépendait...

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Lorsei Ravncrone

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MessageSujet: Re: the price of negligence ♦ sylarne   the price of negligence ♦ sylarne EmptySam 19 Avr - 3:09



Les griffes acérées de la lionne enserrèrent les pâles serres de la corneille, qui élargit son obséquieuse risette. Il aurait été mentir de dire que Lorsei trouvait le contact amène et aussi chaleureux que celui que quelqu’un d’autre lui aurait offert ; non pas par pruderie, mais par réelle envie de se trouver ailleurs, loin de la féline dorée qui lui avait dérobé son précieux père. « Fort avenant, » entama-t-elle dans la foulée d’un soupir qui se voulait enthousiaste, tentant tant bien que mal de dissimuler quelque trace de fatigue et d’épuisement. « Je n’ai eu que rarement l’occasion de me rendre à Ibenholt – la cité est encore plus impressionnante que dans ma mémoire. » Qu’elle soit ou non enchantée de son impromptu rendez-vous avec la Clanfell, Lorsei était d’un naturel loquace et volubile, n’hésitant pas à s’épandre en détails logorrhéiques sans considération pour le sujet débattu. Néanmoins, si elle voulait éviter de retomber dans la facilité du sarcasme et de sa spontanéité, elle devrait s’en garder autant que possible. « La chevauchée m’a néanmoins laissée aussi éblouie que recrue. » Si elle se gardait bien de le montrer, la régente n’en était pas moins souffrante de terribles brûlures, ses cuisses mises à vif par la longue randonnée sur sa pouliche ; or si elle était habituellement généreuse de détails quant à ses aventures, Lorsei resta muette sur ce point.
Elle suivit docilement la reine consort jusqu’à la table richement garnie, où elle prit place sans se faire prier. Le vin qu’on lui avait servi exhala une doucereuse fragrance de muscat et des arômes de pêche et de coriandre alors qu’elle le portait sous son nez : au moins, elle avait du goût en matière de vin. Une brève gorgée acheva de convaincre Lorsei de cette indéniable qualité ; elle reposa aussitôt la coupe devant elle, alors que la reine reprenait sa plaisante conversation. La demoiselle hocha la tête, amusée par le commentaire qu’avait émis son interlocutrice. Sans doute ces prétendus papelards savaient mieux qu’il était plus prudent d’éviter d’attiser la colère ou l’impatience de Sylarne ou de Jorkell en importunant les augustes occupants de la table d’honneur avec leurs blandices insipides. Peut-être sous l’influence hypnotique du vin, certains oseraient jeter œillades et badineries à l’adresse de la reine consort, néanmoins Lorsei était convaincue que la lionne réussirait à les faire reculer avec leur queue entre leurs jambes. Une femme qui se hissait à de telles hauteurs n’était pas du genre à laisser quiconque empiéter sur son territoire, que la lionne devait farouchement garder, par ailleurs.

« Je ne doute point que quelque biturin parvienne néanmoins à vous importuner, » raisonna la corneille sans relâcher les commissures de ses lèvres, un sourire qui dévoilait une compassion parfaitement feinte. « Mais nous ne serons que plus fortes, à deux, contre quiconque aurait l’idée incongrue de venir perturber le dessert. » Un petit gloussement échappa à la régente de Ravenhole, qui replongea dans sa coupe sitôt son hilarité éteinte. Accusant un bref silence, perturbé uniquement par les friselis de la robe de la consort alors qu’elle tendait la main vers une pâtisserie, elle se maudit d’être incapable de décrypter les intentions de sa belle-mère. À son avis, il allait sans dire que ce genre de femme ne faisait rien sans raison ; sa visite était donc calculée, et Sylarne avait derrière la tête quelque idée ou stratagème fulgurant dont la nature obscure échappait à l’invitée. Néanmoins, Lorsei n’était pas sans savoir que son interlocutrice était sans enfant – peut-être naïvement, la princesse se demandait si ce n’était pas par réel désir de souder sa nouvelle famille que la consort était si courtoise à son égard. Non, impossible – de toute manière, les souhaits de Lorsei n’iraient jamais en ce sens, bien trop fauve pour s’ouvrir à une autre mère, toujours amère des tendances infanticides de sa génitrice. La seule parentèle qu’elle désirait était son père et son frère, et ce serait la seule qu’elle reconnaîtrait.
Sylarne semblait regretter que Lorsei soit enchaînée à Ravenhole, prétendant se désoler de la difficulté qu’elles auraient à s’apprivoiser ; la régente s’en voyait également attristée, néanmoins ce n’était que trop peu pour les mêmes raisons. La fille du roi dut se faire violence pour retenir un haussement de sourcil discourtois. Son père, chanter ses louanges, osant admettre à haute voix qu’il considérait de bon aloi la régence qu’il avait imposée à sa fille aînée ? Lorsei baissa plutôt les yeux dans une modestie feinte qui était tout à fait l’inverse de la réputation des Ravncrone – et de la réalité. « Ce n’est que pour se rassurer lui-même qu’il vous impose ces constats, » minauda-t-elle, « la vérité est bien moins glorieuse, néanmoins je suis honorée qu’il daigne vous importuner en m’imposant comme sujet de vos discussions. Je jongle sans relâche entre apprentissages et applications de ces nouvelles responsabilités, parfois avec maladresse, mais le peuple de Ravenhole en est un bon et patient à mon égard. » L’ego de la Ravncrone s’en voyait gonflé, contrairement à ce qu’elle avait pu mentionner dans cet élan d’embarras fantomatique, dans une diplomatie modeste et suave.

Si la discussion n’était que superficielle, Lorsei ne manqua pas de remarquer que le prénom de Lorkhan s’y était glissé bien tôt. Forte des compliments indirects de son père, mais également de la découverte singulière qu’elle avait faite dans les appartements de son aîné, la jeune femme se désaltéra d’une brève lampée de Myr ; un sourire poliment amusé se dessina sur ses lippes incarnates alors qu’elle y passait discrètement le bout de sa langue. « Oh, Lorkhan et moi sommes terriblement proches ; ce n’est que bien trop à regret que j’ai dû le laisser suivre notre père, le roi, lorsqu’ils ont quitté Ravenhole, » déplora-t-elle, sincère dans ses doléances. Le départ de son frère était un cauchemar duquel elle ne s’était toujours pas réveillée et qui la hantait à chaque instant. « J’ai été si soulagée de constater que vous semblez entretenir une bonne relation ; il serait bien déplorable que, devenus une famille, vous ne parveniez pas à créer un lien… complice. » Le choix de terme était singulier, mais néanmoins approprié. N’était-ce pas complice, dans bien des sens, que d’entretenir une correspondance à l’insu de tous ?

Si elle marqua un bref silence, ce ne fut que parce que son cerveau était en ébullition : Lorsei se mourait d’envie de remettre la négligence de Lorkhan et ses potentielles conséquences sous le nez de la lionne. Or, ce faire condamnait également son tendre et bien-aimé frère, qu’elle ne jetterait aux loups pour aucune raison, si choquante soit-elle. Tiraillée incessamment entre son désir d’asseoir la maigre dominance du freux Ravncrone sur le lion Clanfell et le besoin de sauvegarder l’intégrité du prince héritier, elle se laissa néanmoins aller à une remarque acerbe qui tranchait sauvagement de l’obséquiosité qu’elle avait manifestée jusqu’à maintenant. « Vraiment touchant de voir que mon frère tient à vous au point de jeter les missives que vous lui envoyez au feu. J’espère que vous le lui rendez bien. » Le sourire de la régente s’était affaissé aussi subitement qu’une digue emportée par le déluge alors qu’elle ancrait, défiante, ses iris d’émeraude dans les billes argentées de la reine consort ; ses sourcils froncés trahissaient son mécontentement obvie. Lorsei ne savait pas sur quel terrain miné elle s’avançait : elle ignorait tout du contenu de la lettre dont elle n’avait trouvé qu’un fragment à moitié calciné, défiguré par la suie. Le doute qu’il s’agissait d’une combine immorale, de quelque complot arcane imaginé par l’un ou par l’autre était amplifié par sa jalousie et sa tendance irrémédiable à arracher des conclusions hâtives.

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Sylarne Clanfell

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MessageSujet: Re: the price of negligence ♦ sylarne   the price of negligence ♦ sylarne EmptyMer 23 Avr - 5:37

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sylarne clanfell & lorsei ravncrone
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N
e t'encombre pas des sentiments, ils constituent autant d’écueils qui précipiteront ton naufrage. Disloqué, le factice ascendant qu'elle exerçait sur sa vie glissait dans les abyssales profondeurs de son être, comme si on le lui avait arraché de serres faméliques. Une étique volonté qui ne se nourrissait que de fourvoiements, avalant impostures hyalines et s'enivrant au goulot d'une chimérique emprise. Quand exactement avait-elle échappé la cristalline effigie de son desideratum qui, à l'instar de son entendement, s'était brisée en fragments épars sur les voliges de ses affects ? Si tout lui échappait désormais, glissait entre les travées de son âme comme des flots impossibles à endiguer, que lui resterait-il hormis le chaos dévorant, le brasier décimant de l'anarchie et les cendres tièdes d'une existence passée à thésauriser des parcelles dispersées pour en faire un simulacre d'équilibre et d'eurythmie ? Était-il seulement celui qu'elle devait blâmer, celui sur qui elle devait jeter l'anathème et accabler de son grief ? Oh si souvent il lui semblait que le freux à qui elle avait chevillé son âme était celui qui avait arraché de ses ergots le suaire de sa volonté pour le jeter sur l'apex du monde, se gaussant du fauve qui, tellurique, était condamné à tisser de ses pas la poussière du monde, ses yeux léonins tournés vers les cimes enneigées, rugissant pour qu'enfin la corneille daigne lui rendre ce qu'elle lui avait pris avec une cruauté inhumaine. « Vous frissonnez, ma Reine... » Elle frissonnait chaque nuit qui lui était donné que vivre depuis ce conciliabule vespéral avec le prince et elle n'avait oublié aucune de ses paroles, occulté aucune de ses promesses, effacé aucune de ses caresses qui marquaient le parchemin de sa peau comme autant de graphèmes signant sa reddition, comme autant de sceaux consacrant sa capitulation. Alors que le muscat du Myr jetait à l'orée de son occiput une effervescence salutaire, elle sentait toute la lassitude lester ses épaules, lithiase esquintée d'une montagne qui, face aux corrosives œillades de l'aquilon, s'effritait, s'éboulait et s'érodait inéluctablement. Elle était fatiguée. Éreintée de cacher son inclination pour le prince, exténuée par les pantomimes dont elle se guindait, patraque d'une clandestinité à l'empreinte si incommodante qu'elle la laissait sans souffle à la frontière du crépuscule, neurasthénique.


L
e masque de la pétulance était sans doute celui qu'elle trouvait le plus difficile à porter, il lui semblait alors que ses traits se distordaient avant de se réifier en simiesques épigones d'une liesse qu'elle ne s'offrait jamais dusse-t-elle en ressentir véritablement les exaltations. Elle n'était plus pétillante péronnelle, elle ne l'avait, d'ailleurs, jamais été. Trop tôt, on lui avait tout arraché pour ne la laisser que spectre brillant de vacuité et désormais la placidité lui semblait plus lénifiante qu'une véhémence exubérante. Là-dessus, tout l'opposait à la régente de l'Orkenenmyr qui semblait se complaire dans d'inanes logorrhées. Malgré l’alanguissant verbiage de la corneille, la lionne ne baissait pas sa garde, sifflant de lèvres assoiffées quelques lampées de vin alors que l'héritière achevait de paraphraser les incertitudes et maladresses de son règne à Ravenhole. Ainsi, la lionne ne trouva à dire qu'un laconique « Bien entendu... » lorsque la Ravncrone lui confia que la populace de Ravenhole savait se montrer patiente. Pourtant la corneille entrecoupa ses prolixes palabres d'ellipses dont Sylarne ne saisit le sens qu'au terme de ses paroles. « Vraiment touchant de voir que mon frère tient à vous au point de jeter les missives que vous lui envoyez au feu. J’espère que vous le lui rendez bien. » La reine s'immergea dans une consommation dilatoire, une lampée de vin trouvant la soie carnée de sa gorge avant que sa main adamantine vienne poser le sébile sur la crédence, son index toujours attaché au cristal sur lequel il traçait d'insaisissables orbiculaires alors qu'elle sondait le céladon des prunelles de sa belle-fille avec un pâle sourire. Qu'avait cru saisir la volubile sylphide au crin de carbone au juste ? Avait-elle uniquement une idée de l'ampleur que prenait cette complicité entre elle et Lorkhan ? Et si l'intrigante régente tenait à son frère au point de venir se jeter dans la gueule du lion, l'appâtant de si périlleuses accusations, Sylarne était sans doute la mieux placée pour comprendre à quel point les affects filiaux comptaient davantage, au final, que les risques de voir son ventre déchiré par les crocs affûtés du fauve. N'avait-elle pas, à l'image de Lorsei, tout risqué pour Synric, tout joué à quitte ou double lorsqu'elle avait accueilli en elle les coupables carnes et les languides crimes d'un géminé qui se soudait à elle comme il l'avait jadis été dans le sanctuaire matriciel ?


M
aintenant pourtant, tout était différent. Depuis qu'on avait fait de l'ivoire de son oriflamme le jais de celui du freux elle n'était que plus divisée encore, déchirée comme le serait une proie, entre les crocs du fauve et les éperons du corvidé. Sa sculpturale lippe fit s'ébranler le grès d'un visage jusque-là impavide et elle laissa se perdre un rictus lapidaire avant de river aux yeux de l'oiselle l'émeraude des siens, un sourcil relevé. « Je ne vous étourdirez pas d'homélies sur la condition féminine ni même d'apophtegmes sur la difficulté qu’éprouve une femme lorsque par une fatalité injuste elle se doit de se tailler une place dans un monde d'hommes à travers l'hyménée. » Son dextre s'égarait toujours sur le cristal limpide de sa coupe, l'incarnat de la libation s'irisant des rayons du soleil pour se moirer sur le marbre de ses joues. « Il est de notoriété publique que l'alliance de la famille Clanfell et de la votre ne fut mue que par des considérations politiques, comme il en est ainsi pour la plupart des mariages. Et nul à la cour n'ignore encore que je n'avais sur les joues ni l'érubescence de la félicité ni sur les lèvres un sourire d'allégresse en remontant l'allée au bras de votre père. » L’euphémisme la fit sourire et elle laissa la sirupeuse boisson noyer sa langue une autre fois, les yeux attachés à de cuprifères corpuscules qui dansaient dans l'éclat diffus du jour. Oh qu'elle devait être sublime, l'acrimonieuse lionne pendue au dextre d'un freux qu'elle exécrait, se dirigeant vers l'autel comme si elle avait été amenée sur l'échafaud pour y recevoir sa sentence à perpétuité. « Sitôt l'union consommée, on me jetait déjà sous les feux croisés des caudataires. Pas que je n'aie jamais expérimenté les calomnies et autres médisances, mais cette fois, ce n'était plus en tant que Clanfell que je défiais ces anthropophages, mais en tant qu'épouse d'un usurpateur. Et c'était comme si les crimes de votre père étaient désormais les miens et les atrocités perpétrées, l’œuvre de ma prétendue vilenie. » Sa voix n'était désormais que soliloquie et les paroles coulant du socle de ses lèvres, lénifiantes confidences. Cette fois, elle n'avait pas maquillé sa rhétorique de démagogie ou de simulacre. Elle n'en avait pas besoin. Puisqu'elle sentait en Lorsei une sensibilité qui avait jadis été la sienne et qui s'était étiolée, au fil du temps, en un aseptique flegme qui laissait dans son sillage lithiase plutôt que substrat ardent. Elle amarra une nouvelle fois son regard à celui de la jouvencelle, y cherchant quelque caution, quelque empathie, même si elle n'y investissait guère d'espoir. La corneille ne laissait jamais une nitescence voiler les ténèbres insondables de sa prunelle. « Votre frère fut celui qui m'empêcha de sombrer dans un monde où tous se faisaient écueils ou ressacs dans le but unique de provoquer mon naufrage... Hélas, je ne suis pas la seule à avoir souffert les tempêtes de votre père et dans notre tourmente mutuelle nous n'avons eu d'autre choix que de développer une certaine complicité l'un envers l'autre. Comme des suppliciés, Lorkhan et moi partageons le même calvaire... Il nous sembla alors tout naturel de nous épauler.» La férale reine esquissa un geste leste de la main, congédiant les domestiques qui s'affairaient toujours à déposer les plats et remplir les coupes ainsi que les factionnaires qui flanquaient l'entrée des appartements régaliens. Désormais seule avec la princesse, Sylarne osa une question, convaincue plus que jamais que les deux femmes partageaient quelque similitude. « N'avez-vous pas également bravé maints orages et traversé maintes rafales pour garder votre famille unie et soudée ? N'êtes-vous pas, comme moi, lasse de raccommoder un suaire qui n'a été que trop déchiré par un père insensible et ascétique ? »

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Lorsei Ravncrone

Lotus noir de l'Orkenenmyr

Lorsei Ravncrone
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MessageSujet: Re: the price of negligence ♦ sylarne   the price of negligence ♦ sylarne EmptyJeu 1 Mai - 5:10



Le regard pourtant teinté des chaudes couleurs de l’été de Lorsei se trouvait aussi glacial que les plaines nordiques, détaillant les moindres mouvements de la lionne au crin de soleil. Alors que la reine consort reposait la coupe, la régente de l’Orkenenmyr haussa les sourcils, comme pressant les paroles de Sylarne, étrangement muette. La corneille soutenait fièrement, presque impatiemment, les prunelles pâles de la Clanfell, son faciès marbrier dénué de toute expression. Or, elle bouillait impétueusement, nourrie par mille et un feux qui lui calcinaient les entrailles, sous le couvert d’une retenue tranquille. Elle devait savoir ; sa curiosité était à son comble et tout ce qu’elle imaginait l’empêchait d’avoir une vision d’ensemble de la crise. Les scénarios les plus incongrus défilaient dans son esprit, s’abreuvant à même son imagination trop fertile et prompt à inventer les plus frivoles faussetés.
Le regard sévère, seul son poing crispé sur le pied de sa coupe trahissant les émotions conflictuelles qui s’entrechoquaient dans sa psyché, elle écouta néanmoins d’un calme qui ne lui était que rarement attribuable. Les paroles de Sylarne se gravaient dans sa tête à mesure qu’elles étaient prononcées ; elle aurait voulu que la lionne laisse glisser le voile de ses jolies palabres et en vienne à ce qui était pertinent, chaque phonème inutile qu’elle prononçait ne faisant que retarder l’inévitable colère de la régente.

Évidemment que le mariage n’en avait pas été un d’amour ; Lorsei ignorait si Jorkell avait même aimé sa première femme, et ce n’était pas avec ces épousailles précipitées qu’il parviendrait à convaincre ses enfants que ce n’était pas par appât du gain qu’il avait demandé la main de la doucereuse fauve. Toujours muette, la Ravncrone fronça néanmoins les sourcils, peu appréciative des qualificatifs qu’avait accolés Sylarne à son père. Certes il n’avait jamais été particulièrement démonstratif, jamais même appréciatif du rôle que Lorsei avait à jouer dans la famille, toujours obnubilé par l’héritier – d’abord Lorkmir, puis Lorkhan – il n’en restait pas moins son père et entendre ces mots rendait la jeune corneille furieuse. Elle n’était pas sotte ; elle savait que son père n’avait pas été tendre à l’endroit de ses adversaires lors de la prise du trône, néanmoins elle exécrait d’entendre ces mots prononcés par une… étrangère. Une personne qui, à son sens, n’était aucunement dans le droit de juger de la moralité des actions du souverain. Or, si Lorsei ne se laissa pas aller à une furibonde logorrhée, ce fut qu’elle semblait remarquer chez la reine consort un certain abandon de son auguste façade, semblant glisser vers l’amère sincérité. Les traits de la pâle régente aux cheveux d’obsidienne restèrent inchangés, comme si elle était intouchée par ces authentiques révélations. Il n’en était pourtant rien, et bien malgré elle, la cadette des deux se vit incapable de déverser son fiel sur son interlocutrice, qui poursuivit dans sa lancée.

Qu’elle soit proche de Lorkhan n’était que le moindre des mécontentements de la Ravncrone. Lorkhan avait toujours été plus apte à s’ouvrir à de nouvelles rencontres, et était plus que disposé à compatir avec sa nouvelle belle-mère quant aux humeurs changeantes et aux ambitions férales de l’Usurpateur. La jalousie de Lorsei était bien ancrée dans son caractère, elle qui avait tant perdu et qui était maintenant trop possessive de ce qu’elle croyait naïvement posséder ; elle était cependant bien au courant de ce trait et tentait de le réprimer autant que sa volonté le lui permettait. Lorsei lorgna les servantes qui quittèrent la pièce, chassées par le geste las de la reine ; les gardes s’éloignèrent aussi, étrangement. Sylarne révisait-elle sa stratégie ? Lentement, la régente redirigea son regard vers la reine, qui reprenait, plus doucement, une lueur presque optimiste brillant au fond de ses iris anthracite. Pinçant ses lèvres de plus en plus fort à mesure que la lionne parlait, serrant les dents jusqu’à ce que ses lippes prennent une teinte fantomatique, exsangue, la conclusion de la blonde se vit accueillie par un lourd fracas. Lorsei frappa sa coupe contre la table, la faisant se fracasser dans un bruit cristallin; elle balaya ce qui se trouvait devant elle dans un élan de rage, son bras envoyant voleter pâtisseries et carafes dans un tintamarre qui résonna longuement entre les murs de la pièce. « Réalisez-vous que la tempête qui menace de naufrager mon esquif n’est nulle autre que vous ?! Vous ne savez pas ce que c’est de tenter de souder ma famille, vous n’êtes qu’une étrangère qui l’a impunément scindée ! » ragea-t-elle sans se soucier de qui pourrait entendre. « Vous m’arrachez mon père et mon frère adoré, la seule personne à qui je puisse faire confiance, mon phare dans la pénombre, alors que je me vois reléguée aux tâches ingrates, loin de tout ce que j’ai connu jusqu’à maintenant ! Ma famille n’a jamais été aussi dissoute que depuis votre damné mariage ! » Furieuse, Lorsei s’était levée sans même s’en rendre compte, perçant Sylarne de son regard d’émeraude dans lequel tonnait un tumultueux orage. Le Myr s’était répandu sur la crédence et dégouttait tranquillement sur le sol, presque las, contrairement à la colère montante de la régente.

Des larmes amères commençaient à creuser les joues de Lorsei, laissant derrière elles des sillons qui reluisaient à la lumière des torchères. « Si, je suis lassée ; je suis exténuée, ravagée par ces efforts titanesques qui s’écroulent à mes pieds à chaque fois ! Je suis jalouse, terriblement jalouse que vous puissiez être près de mon père, même à contrecœur, sans la moindre pensée pour celle qui donnerait n’importe quoi pour ne serait-ce que le croiser brièvement chaque jour ! Écœurée par cette obscène correspondance que vous entretenez avec mon frère alors que vos quartiers sont voisins, tandis que je me contente de quelques lettres griffonnées d’instructions politiques à chaque lune ! » La voix de la corneille s’était enrouée, ressemblant davantage aux croassements de l’emblème de la maison Ravncrone, à mesure qu’elle avait versé sur la reine consort tout ce qu’elle avait ressenti depuis qu’elle avait épousé son père. La jalousie ; ce sentiment empoisonné motivait chaque revendication de la jouvencelle, qui n’éprouvait pas la moindre honte à laisser aller ses larmes devant la seconde femme de son père. Une tache sombre s'était formée sur la main délicate de la régente ; une longue lacération traversait sa paume, vestige des mauvais traitements qu'elle avait infligé à quelque élément du décor.

« Tout est votre faute, » souffla finalement Lorsei, soudainement plus calme, en se laissant retomber lourdement sur sa chaise, posant son regard éteint sur la table ravagée. Alors seulement remarqua-t-elle qu’elle avait renversé candélabres, victuailles et couverts sans discrimination, l’ensemble de son carnage maculant la table et le sol, promettant aux domestiques un travail considérable. Un soupir s’échappa de ses lèvres rosies par l’émotion, puis elle leva une œillade désespérée, mais sereine sur la reine consort. « Vous aimez Lorkhan. » Ni question, ni hypothèse, mais plutôt affirmation ; Lorsei n’était pas sotte et c’était ce qu’elle avait retiré des innombrables tergiversations de Sylarne. La colère n’était plus au rendez-vous, mais plutôt l’évidence, côtoyant l’acceptation. Que faire d’autre ? Elle ne pourrait se détacher de cette révélation à moins de vouloir provoquer la fin de Lorkhan et la détresse de son père, deux choses qu’elle tentait d’éviter à tout prix ; et surtout, elle savait que Sylarne aurait le même raisonnement. Lorsei n’avait nullement envie de porter ce fardeau, mais elle le devrait. Elle passa sa main ensanglantée sur sa robe, laissant une longue traînée pourpre sur le tissu foncé.

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Sylarne Clanfell

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MessageSujet: Re: the price of negligence ♦ sylarne   the price of negligence ♦ sylarne EmptyMer 7 Mai - 5:00

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A
rcane fureur que celle de la régente, maculant les voliges des fruits déhiscents d'une colère manifeste. L'éclat de cet emportement s'était fait plus que cuprique devant les prunelles acérées de la lionne qui avait tressauté l'espace d'une fugace seconde pour se claustrer à nouveau dans un mutisme impavide. Rien ne servait de juguler la bile fielleuse de la corneille qui n'aurait vu que comme un affront supplémentaire le fait de briser son éclatante algarade. Et si les jactances de la donzelle trouvaient fond de vérité dans son esprit jouvenceau, Sylarne ne pouvait que trouver Lorsei résolument ingénue ou inextricablement sourde aux évidences qu'elle devait rejeter avant même qu'elles ne s'engluent sur l'arantèle de son encéphale, sertissant sa conscience de remparts chimériques et de cuirasses oniriques. La fauve se leurrait-elle de ses propres illusions ? Elle ne pouvait s'empêcher de voir dans le combat de Lorsei un peu du sien avec son géminé. Plutôt que de canaliser sa morgue en éclats criards, la lionne s'était plutôt claquemurée dans l'esquive, préférant laisser à ses nuits de déréliction les flammes dévorantes d'une jalousie qui rongeait sa médullaire placidité à la fois pour le freux et le lion, comme si le jais et l'or se faisaient astres de ses jours et de ses nuits ne lui laissant aucun répit. L'orbe de ses lippes sculptait un visage au marbre glabre alors que ses malachite prunelles se perdaient dans le ressac des flots carminés qui ondoyaient dans sa coupe, unique vestige de la capricante rage de Lorsei qui, comme la tempête, avait retrouvé un calme pourtant déchiré des sillons d'amertume qui creusaient toujours la liliale joue. « Vous aimez Lorkhan. » La férale releva l'émeraude de ses yeux vers elle, caressant de son regard le faciès éteint de la jeune femme, une main leste traçant machinalement les veinules qui s'étiraient dans le bois de la table. Éreintée de celer autant de secrets, elle laissa un soupir las écorcher l'étanchéité de ses lèvres. Elle aurait tout aussi pu se laisser aller à de melliflues affabulations ou à d'adroites cautèles, mais savait d'ores et déjà que rien ne réussirait à rassurer la régente, trop profondément happée par une jalousie qui se faisait méphitique. La corrosion de la paranoïa étant une des pires, Sylarne ne s'y risqua pas, se contentant d'amphigouriques confidences qui, quoique semblant aseptiques étaient pourtant plus que sincères : « Semble-t-il qu'il n'y ait dans ce monde pas de crime plus grave que celui d'aimer... » Le cynisme était aussi poison qui se déversait dans ses veines comme si, mordue par la céraste, elle n'en était que plus vésanique encore. « Dans ce monde on met sur l'échafaud les amants éperdus et sur le trône, les meurtriers. » L'amour lui semblait désormais plus morfal que le gibet et plus elle s'engouffrait dans l'hyalin guède des prunelles de Lorkhan plus elle sentait le fil tranchant de la francisque glisser sur le parchemin de ses poignets ; la passion déversée comme poix sur le bûcher qui servirait à l'immoler, elle accueillait toutefois les flammes à bras ouverts, la poitrine offerte aux pandémoniums avec au creux de l'âme une réminiscente empyrée.


G
laive retourné contre un monde hostile, elle ne tournait plus sa placide rationalité contre sa belle-fille ; sa pérenne équanimité se faisant lénifiante accalmie, sédative sérénité qui chassaient ostensiblement ses appréhensions et ses doutes. Sa coupable passion se réifiait en crime pour une société déjà délétère et il en serait toujours ainsi dusse-t-elle en implorer les dieux rien ne changerait, aucun électuaire ne parviendrait à enrayer l'endémie de l'ambition envieuse et des intérêts jaloux. Le cristal de sa voix s'était fait moins acéré, ductile, presque velouteux alors qu'elle repoussa la coupe pleine d'une main leste, laissant le dextre flavescent du jour apposer sur sa joue une caresse tiède. « Mon frère jumeau, Synric, épousera bientôt la princesse de Hvittjell. Avec mon frère cadet en exil, Synric est ma seule famille. » La mélancolie se déposait en sédiments dans sa gorge comme le marc maculait le cristal du sébile qui renvoyait éclats cinabre sur le dextre ivoirien de ses mains. « Nous sommes venus au monde ensemble, avons appris à nous défendre contre ce monde ensemble... » Elle baissa les yeux, se mordant subrepticement la lippe, avalée par les réminiscences amères d'une anamnèse partagée. Puis elle amarra de nouveau ses prunelles à celles de Lorsei avant de lui souffler : « À nos yeux, tous ceux qui n'étaient pas nous étaient des étrangers, des ennemis... Et même ceux qui partageaient notre sang nous semblaient si... éloignés. » La léonine sylphide ne pouvait ignorer les égrotants frémissements de l'asthénosphère de la régente, ils avaient autrefois liquéfié sa propre lithiase l'enlisant tantôt dans une colère magmatique tantôt dans une ignée catatonie. Comme Sylarne avait appris envers et contre tout à scinder l'inextricable lien qui la chevillait à Synric, Lorsei réussirait elle aussi à le faire. « Vous avez partagé et partagerez des choses avec Lorkhan que je ne pourrai jamais connaître. Mon envie n'est ni de vous les arracher ni de me les arroger. Je ne sais que trop bien ce que représente un frère aux yeux de sa sœur... »


Q
ue lui coûterait de se vouer ainsi aux gémonies de la corneille, se dénudant sous l'orbe anthracite du freux pour se saigner de rubis entre ses ailes de jais ? Elle ne savait comment se terminerait ce conciliabule et si même Lorsei serait sensible à son honnêteté. Sylarne aimait-elle Lorkhan ? Il lui semblait désormais que son sang irriguait les jaspures de sa carnation au même rythme que le sien, que les exhalaisons brûlantes de son souffle se calquaient inexorablement sur les siennes et que le grès de ses lèvres ne s'ouvrait désormais que pour servir une finalité qui était la sienne. Elle aimait Lorkhan. Plus qu'elle n'avait aimé aucune chose en ce monde hormis son géminé. Le freux vespéral avait capturé l'or de ses jours pour recracher l'encre obsidienne d'une solitude qui était sienne tout à fait et il l'obsédait désormais, faisant de son absence une ergastule et de sa déréliction une bastille. Lorsei pouvait-elle au moindre comprendre ? Pouvait-elle seulement saisir les pans fuyants d'un amour qui semblait à la lionne si intangible qu'il disloquait son implacable logique, rivant aux médullaires vertèbres de son flegmatisme des surins qui avaient le fil mortifère des fragilisants affects ? Oh, qu'elle les exécrait plus que tout au monde ces fatales émotions, corrosives abrasions qui érodaient l'unique cuirasse qu'elle affectionnait encore. Combien de fois s'était-elle maudite, jetant l'anathème sur la déshonorante inclinaison qui la précarisait et l'incoercible passion qui l'atrophiait ? Combien de fois avait-elle tenté de se faire violence, en vain ? Elle ne trouva de cautère à ses cacochymes tourments que dans le vin qu'elle vint cueillir une nouvelle fois de ses lèvres avant de laisser sa voix fendre le silence. « J'aimerais croire que le mariage à venir de mon frère est l'unique responsable de notre schisme. Pourtant il n'en est rien... » Les léonines prunelles s'attachèrent à celles de l'héritière. « Croyez-moi, Lorsei, j'aimerais être coupable des infamies que vous m'imputez, ne serait-ce que pour rendre votre supplice plus tolérable. » Dans sa poitrine se creusait une vacuité incommensurable, fatalité implacable qui empoignait son épigastre pour le crever d'inanition, une fois de plus. Chaque exhalaison de phonème se brûlait dans l'incandescence de sa gorge, laissant sur ses lippes une inextricable brûlure : « Être tombée amoureuse de votre frère est pourtant l'unique crime dont vous pouvez m'accuser. » Lestée de plomb, elle calmait les saccades de son cœur qui fustigeait la geôle du silence dans laquelle il avait été trop longtemps maintenu captif. Déjà la lucifère réalité l'aveuglait superbement, faisant fuir les ombres souveraines d'un affect qu'elle avait gardé trop longtemps dans les ténèbres d'une frigide placidité. Et si elle n'avait jamais avoué à Lorkhan qu'elle était malade d'amour, égrotante folie qui l'étreignait tout à fait, les confidences qu'elle faisait à sa sœur devenant réification d'une crainte larvée, creusée dans une encéphale omnipotente et totalitaire. La reine quitta néanmoins le socle de ses pensées pour s'avancer vers sa belle-fille, se saisissant doucement de la main meurtrie pour y enrouler une lustrine aux couleurs zinzolines des Ravncrone, faisant pression sur la lésion qui déchirait la paume rageuse. « Si vous devez me condamner de votre haine, faites-le. Si vous devez me châtier en m'opposant votre silence, faites-le. Si vous devez me cingler de votre colère, faites-le. Mais épargnez votre frère, je ne voudrais pas déchirer une autre famille comme on a déchiré la mienne... »

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Lorsei Ravncrone

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MessageSujet: Re: the price of negligence ♦ sylarne   the price of negligence ♦ sylarne EmptyMer 28 Mai - 4:20



La garance lacération, qui laissait s’échapper l’essence même de l’existence de Lorsei, l’élançait douloureusement, de plus en plus alors que les morceaux du casse-tête s’emboîtaient fructueusement dans son esprit torturé par la jalousie. Elle aurait cru, à l’annonce de l’évidence qui lui avait endommagé l’esprit, être témoin des véhéments dénis de la férale reine consort, or le silence qui planait inexorablement dans la pièce, las, lourd, mais néanmoins serein la surprit. Les paroles de Sylarne lui arrachèrent un petit rire étouffé, rictus narquois qui n’avait pourtant rien d’hostile à l’endroit de la lionne au crin doré. Ces concepts – la passion et le pouvoir – n’étaient que trop incompatibles pour réalistement coexister sainement au creux d’un même être. La princesse n’était pas sotte et n’ignorait pas la façon par laquelle Jorkell, son bien-aimé père, avait saisi le trône d’Ibenholt, or elle se refusait à considérer un parallèle entre le meurtrier hypothétique qui animait l’affirmation cynique de la consort et cet homme qu’elle admirait indéfectiblement.
Les mots doucereux de Sylarne, que Lorsei savait destinés à faire faillir son cœur, à la faire compatir à la cause de la consort, restèrent néanmoins sans la réponse claire qu’ils méritaient pourtant. Bien sûr que la princesse pouvait compatir avec les histoires mélodramatiques de celle qui avait épousé son père, mais jamais elle ne laisserait voir quelque faiblesse, quelque émotivité qui trahirait sa compassion et la rendrait plus vulnérable à la manipulation. La paranoïa était à la fois le plus utile et le plus asservissant, le plus entravant des traits caractériels qui muaient la régente ; persuadée que Sylarne avait, quelque part dans le labyrinthe sinueux qu’était son insidieuse encéphale, quelque combine destinée à l’assujettir, elle qui s’était déjà liée à son frère et à son père irrémédiablement. La reine continuait sur sa lancée, mais alors qu’elle suspendait sa phrase, insistant qu’elle n’était pas étrangère aux relations fraternelles telle que celle qu’elle entretenait avec Lorkhan, elle leva la main dans un geste désinvolte, d’une impolitesse acérée face au rang de son interlocutrice. Ses prunelles d’émeraude étaient habitées par une ombre noire comme les nuits des campagnes, mais sa voix restait posée. « Épargnez-moi vos giries, par les Quatre, » l’implora impunément la régente, excédée, sans déloger son smaragdin regard de celui de la reine consort.

Elle se tut alors, pinçant ses lèvres jusqu’à les priver de leur douce pigmentation incarnate. Oh, que la jalousie pouvait noircir son cœur pourtant prompt à la candeur… Voilà que, dix ans plus tard, ses pensées voguaient de nouveau vers celui qu’elle avait aimé si férocement, substituant aux noms de Lorkhan et Sylarne les leurs, comprenant parfaitement leur misère sans réellement vouloir comprendre. Cet amour avait été ruiné et, malgré tout l’amour qu’elle portait à son frère, ne pouvait réprimer l’envie de décrier l’injustice dont elle avait été victime alors qu’elle n’était qu’une jouvencelle. Or, les doux traits de son amant d’antan, flottant vaguement dans son esprit, avaient suffi à apaiser sa colère et ses yeux s’éclaircirent de nouveau, sans qu’elle puisse réellement les en empêcher. Lorsei savait qu’elle était impitoyable, qu’elle refusait par simple égocentrisme de reconnaître ce qui motivait chaque phonème qui passait les lippes de Sylarne. Cette dernière avouait néanmoins son crime, après avoir tergiversé afin d’assouplir le marbre qui figeait les traits de la régente ; l’amour qu’elle avait pour Lorkhan aurait dû la toucher, mais ses émotions ne s’en voyaient que peu changées. Elle était maintenant embarrassée du fardeau du secret, qu’elle se devrait de garder jalousement jusqu’à trépas afin de préserver son frère aîné. Un petit sourire qui trahissait son incompréhension étira éphémèrement ses lèvres, alors qu’elle hochait la tête, incrédule, mais elle n’ajouta rien ; elle n’aurait jamais cru que la reine s’éventrerait ainsi devant elle, qu’elle laisserait ses tripes parler plutôt que son légendaire pragmatisme. Lorsei ne retira pas sa main de celle de Sylarne, qui s’était accroupie devant elle, pansant sommairement la main ensanglantée de sa belle-fille. La prenant au mot, Lorsei recula le siège et se leva, surplombant la consort de sa hauteur, avant de se diriger vers la porte, sans offrir à son interlocutrice le moindre son. Or, lorsque sa main se posa sur l’acier de la poignée, elle se retourna, ancrant son regard dans celui de sa belle-mère. « Déverser mon fiel sur mon frère pour cette abjecte… révélation ne m’a jamais traversé l’esprit. Si notre famille s’est scindée, c’est votre faute uniquement, » l’accusa de nouveau Lorsei, la voix néanmoins anormalement douce. « Bien que vous m’embarrassiez d’un bien lourd secret, mes lèvres resteront scellées à ce sujet. N’allez pas croire qu’il s’agit là d’un geste de compassion ; je n’ai pas de désir autre que celui de recoller les quelques fragments de ma famille qui sont toujours sous mon influence, avant qu’il ne soit trop tard, et de préserver mon frère. » Sa visite à Ibenholt aurait pu l’aider dans cette ambitieuse entreprise, néanmoins elle se voyait encore plus encombrée qu’à son arrivée. Lorsei marqua une brève pause, mais reprit sans trop d’attente : « Vous n’êtes pas la seule à posséder la capacité d’aimer avec une passion ardente ; or, si vous croyez que cette idylle restera à jamais un secret jalousement couvé, sachez plutôt que tôt ou tard, votre cœur se verra arraché de votre poitrine par la découverte de l’interdit… peut-être littéralement. » La poitrine de Lorsei s’enserrait douloureusement alors qu’elle repensait au vide que ce blondinet ménestrel avait laissé dans son cœur, vide qu’elle s’était affairée à remplir au cours des dix dernières années, se jurant que plus jamais elle ne laisserait quelque être défaire ses efforts, répéter l’histoire et raviver sa détresse. Sentant sa résolution à ne pas donner raison à la reine vaciller, elle ouvrit la porte, faisant sursauter les gardes, qui l’observèrent gauchement. « Bonne nuit, Votre Majesté, » souffla-t-elle simplement alors qu’elle glissait hors de la pièce, laissant le capharnaüm qu’elle avait orchestré aux bons soins des domestiques.

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