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........rop habituée à ces murs froids, la frugalité de la conception de l'immense Palais de Jernvugge, ses accès discrets et moult passages cachés, permettant à quiconque les connaissant de se faufiler dans les méandre de ses couloirs, le dédale enseveli sous une bâtisse taillée pour les mystères. S'affairant de tous côtés, appelée par la myriade d'invités arrivant sans cesse au château, la belle avait la sensation de ne plus avoir de temps pour elle, si seulement, elle n'avait véritablement aucun répit. Entre les préparatifs, les demandes toutes aussi extravagantes les unes que les autres, les dispositions à prendre pour accueillir ces personnalités venues des quatre coins de Middholt, Morgana avait un office de tous les instants à tenir. Cependant l'occasion était trop belle, voire rêvée, tout ce fourmillement était propice aux manigances et paroles volées, toujours avec le même modus operandi, la servante laissait traîner ses oreilles curieuses de salons en salons, chambrées en cabinets, toutes les pièces de la forteresse glaciale étaient soumise à son ouïe affûtée, éduquée à récolter le moindre murmure, le plus petit mot malvenu. Oh ça, elle en avait entendu des paroles chuchotées à voix basse, pensées qu'il aurait mieux valu laisser muettes, toutes les éminences s'adonnaient au jeu dangereux des ragots, dans l'intimité de leur suite où lors de rendez-vous feutrés que l'on pense à l’abri des regards et dont on ne s'inquiète pas de l'écho. Pourtant retentissant, laissant dans son sillage des décombres brisés lorsque révélé au grand jour. Aussi attentive était Morgana, sa langue était pourtant sagement retenue, et ce qu'elle entendait, elle ne le divulguait point. Qui donc s'intéresserait donc aux aveux d'une simple employée de maison ? Qui prêterai attention au piaillement d'une plèbe que la noblesse se refusait de considérer ? Personne, vraisemblablement. Mais ce recueil n'était pas vain, et la demoiselle prenait soin de coucher sur papier les péripéties rythmant ses journées,et bien entendu, les cancans qui fusaient de toutes parts. Elle conservait religieusement, sous clef, ce calepin cruel, dont elle ne savait encore que faire, mais prévoyante, qu'elle entretenait le plus régulièrement possible.

Les jours précédant la Grande Mascarade, événement tant attendu et aussi tant redouté, avaient été le théâtre d'une accumulation soudaine, emplissant de nouveaux commérages le carnet des doléances de Morgana. Cependant les plus grandes richesses qu'elle pût trouver, le hasard les lui apporta sur un plateau d'argent. Au détour d'un office pour une dame dont elle ne se rappelait point le nom et les titrés compliqués, le nom de Jora Ebonhand fût prononcé des lèvres gracieuses et pourtant sages de la Reine consort, Lady Sylarne Clanfell. Non pas que le patronyme de la captive soit un tabou, cela dépendait simplement de son usage …Morgana avait besoin de savoir, qu'en était-il vraiment ? Écouter entre les lignes, elle savait faire, on lui avait donné beaucoup trop d’exercice pour que cela soit tout naturel pour elle, mais une information si importante avait-elle pu filtrer si anodinement, en ce palais où les murs ont des oreilles ? Elle désirait en avoir le cœur net.
L'heure tardive à laquelle elle s'aventura dans le labyrinthe des dépendances de Jernvugge lui assura de trouver le fruit de ses pérégrinations. Touchant du doigt le clôt sur son passage, elle s'avançait à l'aveugle, se souvenant du chemin à prendre pour retrouver sa tendre amie, dont elle n'avait pu jouir de la présence depuis quelques temps déjà. Arrivant devant sa porte, elle frappa un petit coup sec et assuré, puis entra sans cérémonie. Elle était là, devant une coiffeuse de fortune, probablement occupée, elle ne remarqua même pas l'intrusion de Morgana.

« Irinwe . » Lâcha la servante d'un ton solennel. « Je suis au courant ... Je sais concernant Jora et son e v a s i on …. Ce dernier mot elle ne le dit point, et invitait sa camarade à lire sur ses lèvres qui finirent sa phrase en un bruissement.

J

aspes anthracites aux rubans nuancés couleur lila. Irinwe s’éprend d’une contemplation évasive, lèvres closes dans un soupir résolu, le collier reposant dans le creux de sa main. Ce n’est qu’un modeste bijou qui est pourtant cher à son cœur, celui-ci ayant appartenu à sa défunte mère. Un présent qu’elle réserve à la belle à la chevelure argentée qu’elle a considéré comme sa fille jusqu’à ce que sa maturité ne lui accorde amitié et attachement. Plus les jours les rapprochent de leur dessein d’évasion, plus la préceptrice elfique se sent bouffie d’inquiétude et d’appréhension. Son récent échange avec Blaze Blackthorn ne l’a en rien conforté dans la marche à suivre, elle qui ne s’est pas manifestée depuis leur rencontre en accord avec les pérégrinations à venir. Sûrement un peu déçue par la perspective de voir son amie rester auprès de la reine consort, Irinwe en vient à se questionner sur les conséquences de leur fuite. Ser Dralvur sera-t-il lorgné avec défiance et jugé de les avoir aidé à s’esbigner ? Blaze sera-t-elle soupçonnée d’avoir participé aux troubles instigués au sein de la forteresse ? Elle ne pourrait supporter qu’il arrive malheur à ses amis, à leurs alliés, et pourtant, toute indépendance a un coût et elle le sait. Le prix du sang.
Embrumée dans ses pensées moroses au lieu de s’aliter et fermer les paupières pour libérer son esprit des affres du futur incertain, la belle se tient assise face à la vieille coiffeuse ébréchée - celle qui contient les maigres effets de ce qui lui reste de sa vie d’avant.
Malgré son ouïe fine, la donzelle n’entend pas les pas feutrés de la silhouette qui se précipite jusqu’à son huis pour y frapper avec discrétion. Aussi furtive qu’un petit rongeur se carapatant dans les venelles sombres d’Ibenholt, Morgana s’invite dans la chambre et Irinwe manque de sursauter à en basculer de sa chaise. Une main plaquée sur sa poitrine pour faire taire les palpitations chaotiques de son cœur affolé, l’elfe vrille le menton en direction de sa visiteuse en la détaillant avec un effarement. Puis, l’expression faciale de la belle se détend dans un soulagement salutaire. « Morgana ?! C’est toi... » La jeune servante, pourtant de noble naissance, est rentrée au service du feu Hulgard Ebonhand lorsqu’il était souverain. Pétrie de bonnes intentions, l’adorable jouvencelle s’est toujours plu à effectuer les besognes sans rechigner - ce qui fait d’elle une fille sans histoire, sur qui le regard ne s’attarde guère. Irinwe s’extirpe de sa chaise en la mirant d’un œil inquiet. « Morgana, quelque chose ne va pas ? Qu’est-ce qui t’amène à la nuit tombée ? » L’elfe se tord les mains, appréhendant de noires nouvelles qui auraient pu courir les murs du château, et pourtant, la quiétude de son interlocutrice laisse le doute flotter durant une poignée de secondes. Lorsqu’elle articule enfin ce qui l’amène, Irinwe ouvre des yeux effarés, ne s’attendant guère à entendre la jeune femme parler du plan tenu secret jusqu’ici. « Comment ?! » Interloquée, la préceptrice fond en direction de son interlocutrice pour l’attraper par les mains et la guider vers le fond de la pièce. Craignant d’être surprises dans leur discussion, Irinwe intime à Morgana de s’asseoir derrière l’armature du lit et la rejoint en se flanquant sur les genoux. « Comment es-tu au courant Morgana ? » Lui murmure-t-elle dans un regard oscillant entre sévérité et surprise. « Est-ce que quelqu’un d’autre... ? » Paniquée par la perspective que d’autres aient pu flairé l’initiative, Irinwe se mordille la lèvre d’un air songeur. Même si elle pressent que lady Morgana a toujours pris plaisir à servir les Ebonhand, elle préfère redoubler de vigilance. Plissant les yeux dans une expression inquisitrice, la donzelle serre la main de son interlocutrice dans la sienne en reprenant d’un ton grave. « Promets-moi que tes intentions sont bonnes et que ta discrétion sur le sujet est à la hauteur de tes déplacements nocturnes ! »    
 

B

........ien que sa visite était hâtive et répondant à un besoin impulsif, la jouvencelle avait tourné la question dans tous les sens dans son esprit torturé, s'imaginant mille et une possibilités, songeant à comment Irinwe prendrait le couperet qu'elle s'apprêtait à faire tomber. Évidement elle s'était attendu à cette réaction de panique, à des questions urgentes quant à l'affaire plutôt qu'une réponse posée, ainsi acculée, mise face à l'inattendu, Morgana aurait eu la même attitude, postée sur la défensive, voulant à tout prix connaître le pourquoi du comment. Affichant un calme olympien, tranchant avec la fébrilité de son amie, la servante contemplait le collier que l'elfe manipulait avant de se rendre compte de sa présence. « Rassures toi, mon amie, il n'y a personne d'autre. Je te l'assure, du moins, je l'espère vivement. » Elle se voulait réconfortante, désirant apaiser la montée en tension causée par le glas de son annonce, mais ne pouvait formellement assurer la sûreté de ce secret qu'elle même avait pu découvrir. «  Tu connais mon appétence pour les bavardages, et par Catharis, qu'ils sont nombreux en ce castel ! La Grande Mascarade m'a donné bien du fil à retordre, et mes tendres oreilles ont ouïe dire nombre de racontars, cependant cette information concernant notre enfant bénie est aussi parvenue à se faufiler jusque moi, malgré toute la discrétion et l'emballage de fausseté dont vous avez fait preuve. »

Morgana n'avait pas pensé qu'il lui faudrait narrer à la préceptrice comment elle était entrée elle aussi dans la confidence, mais puisque ainsi percée à jour, il lui fallait faire preuve d’honnêteté et parler sans détours afin de conforter la confiance d'Irinwe. « Je t'ai surpris discutant avec Dame Sylarne, il y a quelques jours, et c'est lors de cet entretien qu'écoutant entre les lignes j'ai discerné les contours de votre projet. Je me suis d'abord questionnée, puis terriblement inquiétée, et si ce projet tombait entre des mains malfaisantes ?» Continua t-elle devant l'expression de stupeur se dessinant sur le beau visage de sa camarade. Les griffes de la royale lionne étaient avaient déjà une emprise trop importante sur cette entreprise risquée, mais elle n'en fit pas part, ses aversions n'avaient pas à interférer avec l'état critique dans lesquelles elles se trouvaient à présent. «  J'ai d'abord souhaité oublier, m'éloigner un temps de ce dessein duquel, malgré moi, j'étais mêlée. C'est pourquoi nous ne nous sommes point vues. Et puis cela devenait trop fort, trop prenant, il me fallait une réponse, il fallait que je sache la vérité, que je l'apprenne de toi et toi seule, pas en écoutant aux portes ni prêtant attentions aux murmures de Jernvugge. »
Elle regrettait ce comportement lâche, d'avoir fui alors qu'elle aurait pu apporter son soutien à son égale dont la condition était délicate. Il était temps d'en changer.
« Je suis donc venue à toi pour éclaircir toute cette obscurité, tu me connais Irin', nous avons partagé nombre de choses ici et tu sais que je suis tout comme toi, comme d'autres dont je tairais les noms, une fervente partisane de la cause de Jora. Je souhaiterai te proposer mon concours quant à votre projet, je voudrais...... Je voudrais vraiment vous aider. »

E

n détaillant les traits de son interlocutrice, Irinwe ne peut se résoudre à couvrir la jeune servante d’autant de sévérité. La certitude qu’elle est une alliée dans leur bataille contre l’Usurpateur chasse avec un semblant d’évidence toutes les turpitudes de la préceptrice. Etirant un faible sourire à l’égard de la jeune servante, Irinwe finit par inspirer profondément tout en lui accordant son entière attention. L’elfe n’est pas sans savoir que Morgana est digne d’une petite souris qui n’hésite pas à laisser trainer ses oreilles dans les alcôves résidentielles. Chose qui pourrait d’ailleurs lui porter préjudice si elle ne fait pas gare mais Irinwe la sait vigilante et espère que ça puisse durer le plus longtemps possible. Que Morgana ait pu lire entre les lignes de leur discours enrobé est une chose. L’elfe n’a plus qu’à espérer que personne de mal intentionné n’ait eu la même idée. « Mon amie... » Lui murmure-t-elle en faisant les gros yeux comme l’on réprimanderait un enfant. « Cela peut être dangereux d’écouter aux portes ! Et si quelqu’un te surprenait ? » Les mauvais traitements ne manquent pas à Jernvugge et en ces temps troublés. Ne pas en douter que les châtiments seraient sévères. Irinwe prête une oreille attentive aux explications de son interlocutrice avant de river un regard coupable vers ses mains nouées. « Oui... La reine Sylarne a accepté de me reprendre au palais, tout en me faisant comprendre le dessein qu’elle ébauchait concernant la possible évasion de Jora. » Chuchote-t-elle, jetant quelques regards autour d’elle dans la crainte de l’expression « Les murs ont des oreilles. » Chose on ne peut plus vraie lorsqu’on voit avec quelle facilité Morgana s’est enquise d’en apprendre plus. « C’est dangereux Morgana. Es-tu sûre de vouloir t’y trouver mêlée ? » Une boule d’angoisse se bloque dans le gosier de la préceptrice qui observe le visage de la jeune femme avec douceur. Elle se rappelle encore ses propres paroles adressées à Blaze - ce sont toujours les plus nobles de cœur qui paient les premiers. L’idée qu’une jeune fille aussi innocente puisse risquer sa vie dans une entreprise périlleuse ne la met pas bien à l’aise. « Sois sûre que lady Jora ne doute pas de ton allégeance. Ton soutien est estimable, mais je doute que ce soit une bonne idée de t’embringuer dans cette histoire, Morgana. » Irinwe incline légèrement la tête sur le côté, couvrant son interlocutrice d’une vive attention. « Si quelque chose venait à mal tourner, songe à ta famille... » Etant seule et sans réelle attache, excepté la légitime héritière qu’elle s’enhardit à protéger, Irinwe estime ne pas avoir grand chose à risquer. Concernant, Morgana Vallière... C’est une toute autre histoire. « Cela se passera durant le Grand Bal. J’ai eu vent de quelques passages secrets qui pourront nous être utiles pour nous éclipser du château. » Inquiétée par la détermination de la jouvencelle à participer à leur dessein, la préceptrice soupire longuement, vrillant ses prunelles abyssales dans celle de son amie pour y déceler toutes les turpitudes qui l’assiègent. « Peut-être pourras-tu couvrir notre fuite lors de la réception ? Il nous faut éviter d’attirer l’attention des gardes jusqu’à parvenir à la petite réserve ouest. » Irinwe se refuse à mettre Morgana en réel danger et estime qu’elle sera bien plus en sécurité dans l’enceinte du château qu’à courir les routes avec elles. Les servants du palais auraient vite fait d’alarmer les grands de son absence, et sa famille finira par payer pour elle. Forcément.    
 

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........angereux oui, mais qu'est ce qui ne l'était pas, en cette demeure où une inspiration anodine pouvait être mortelle ? Respirer, simplement vivre à Jernvugge, était une pure folie, quiconque y résidait assez longtemps pouvait aisément s'en rendre compte. Le Grand Corbeau et sa décadence n'avaient aucune limite, et Morgana faisait souvent profil bas, tout en perpétuant ses activités de l'ombre. « Je sais quel est le prix à payer pour une pareille entreprise, je ne l'ai assimilé que depuis trop longtemps. La mort d'Hulgard a été une terrible perte pour Ibenholt, pour Middholt même, c'était un bon souverain, un grand homme, attaqué dans le dos par un rapace dont l'ambition n'a d'égale que sa démence ! Dès le changement de régime j'ai voulu, espéré pouvoir intervenir, me révolter, ne pas me laisser abattre par cette fatalité. Malheureusement je n'en fis rien, de même que toutes les âmes qui pleurèrent Feu Sa Majesté Ebonhand. » Évoquer ainsi ce douloureux passé la rendait mélancolique, Il y a peu l'existence avait un autre goût, une autre saveur, plus douce et profitable.  «  Aujourd'hui, vous me donnez l'opportunité d'agir, d'agir pour cette cause qui me tient autant à cœur que ma propre vie! » Morgana rendit son sourire à l'elfe, le baume de ce joli rictus pensait ses blessures, la fuite de l’héritière était comme la promesse d'un nouvel espoir, de voir l'avenir sans craintes, sans douter de sa survie dans cette caverne hostile servant de roukerie. « Oui je pense à ma famille, je ne sais s'ils cautionneraient une telle fantaisie, mais je suis sûre qu'au fond d'eux ils approuveraient. Nous les gens du Nord sommes profondément attachés à notre maison vassale, et tant qu'un de ses représentant est en vie, il est notre souverain légitime. Jora est une seconde famille pour moi, pour tous les bannerets qui peuplent les terres septentrionales. »

Morgana savait que son amie aurait du mal à comprendre cet acharnement, leurs origines étant différentes, même antagonistes, la culture elfique ne répondait pas à la même hiérarchisation de la dirigeance, à la féodalité. Mais la préceptrice avait passé assez d'années à côtoyer les mortels pour peut-être, donner du sens à cette fougue. Cela était chevaleresque de la part de la servante, mais elle n'avait que trop marmonné, espéré, et enfin subit pour que cette lueur d'espoir ne s'éteigne aussi promptement.
La jeune fille connaissait fort bien le château, et les passages secrets dont Irinwe parlaient lui rappelaient de lointains souvenirs, à sa connaissance ils avaient été condamnés. Et si c'était un piège ? Si Lady Sylarne voulait les traîner dans une traquenard pour mieux les accoutrer d’opprobre ? Cela n'avait aucun sens, la Reine devait avoir ses raisons pour agir ainsi, il valait mieux ne pas s'en inquiéter.
« Le Grand Bal …. Oui cela va arriver vite, il nous faudra parfaitement régler les modalités de l'évasion. Si tel est le rôle que tu me proposes, j'honorerai ma tache avec ardeur, je ferais alors diversion à l'opposé de la réserve, dans l'aile Est, afin que vous ne soyez pas dérangées. Il nous faudrait alors un signal. » Lui dit-elle, songeuse, comme si le plan était infaillible et que ses détails n'étaient que facéties.

L’

on impute souvent aux femmes une certaine faiblesse de coeur. Et pourtant, ne voient-elles pas plus de sang dans toute leur vie qu’un homme guerroyant sur le champ de bataille ? Ne doivent-elles pas renoncer à bon nombre de choses - que ce soit leurs filles que l’on offre aux alliances opportunes, à leurs garçons qu’elles ne peuvent qu’espérer voir survivre aux confrontations sanguinaires. Non, les femmes sont les piliers en demeure d’une famille. Celles qui se défendent avec décence et humilité contre les entraves de la vie. Irinwe ne peut que partager le sentiment de confusion de son interlocutrice, se sentant impuissante face à l’injustice commise, désirant revêtir l’armure de chevalier pour se battre pour une cause. Elle la comprend, comme elle désire la protéger des dangers qu’elle encourt - lui rappeler que l’opprobre peut ôter des vies qui lui sont chères. Quand Morgana s’exprime sur la mort d’Hulgard Ebonhand, l’elfe se crispe dans un pincement de lèvres. Un bon souverain, un grand homme... Veut-elle seulement s’en convaincre ? « J’entends bien ce que tu dis Morgana... Je ne peux malheureusement pas en dire autant sur lord Ebonhand. Le Corbeau s’est servi de sa faiblesse pour le détrôner dans son bon droit. La Nuit des Larmes est l’exemple même de ce que j’avance. Hulgard Ebonhand était un homme dévoré par l’ambition, dénué de toute compassion pour le peuple qu’il gouvernait. » La remarque acide transit l’expression faciale de la préceptrice d’une amertume vorace. « C’est Jora que je compte sauver d’un triste sort. J’exècre cette couronne, ce trône de Jais et toute cette malédiction qui ne cesse de se répéter. » La confidence se fait avec douleur. Irinwe ferme les yeux pour émettre un soupir résigné. Elle ne peut que comprendre la loyauté des familles vassales et cet entêtement à lutter pour les défendre, quoiqu’il en coûte. L’elfe se rend compte qu’elle presse le bijou dans sa paume de main à s’en imprimer les motifs ciselés dans la peau. Elle desserre lentement sa poigne, relevant les yeux vers son amie dévorée par la combativité. Rassurée de l’entendre affirmer qu’elle restera au château pour organiser la diversion, les traits de la belle se détendent dans la reconnaissance. « C’est très noble à toi de nous prêter main forte et ce que tu fais pour nous est très important Morgana. » L’elfe presse la main de la jeune lady avant de lui déplier les phalanges pour déposer le collier dans le creux de se main. « Accepte-le. Il me vient de ma mère. Et il gage de mon retour auprès de toi. Nous ne te laisserons pas dépérir dans cette forteresse aux mains de l’ennemi. Je te le promets. » N’est-ce que folie d’articuler telle promesse ? Le destin est trouble et préoccupant. Si Irinwe sait qu’elles devront faire route pour Sorhelm pour se réfugier en terres australes, elle sait aussi bien que rien n’est gagné d’avance. « En attendant, fais profil bas, applique-toi à tes tâches. Et surtout, gare à où tu fais traîner tes oreilles. S’il t’arrivait quelque chose, je ne pourrai guère le supporter. » Elle lui flatte la main, réellement concernée par sa sécurité, puis fronce les sourcils dans attitude songeuse. « Un signal... Je pensais à une chanson. Je demanderai à un ménestrel de nous faire entendre sa plus belle interprétation de La colère d’Alenefjell. » Le volcan plus à l’est a toujours été source d’ahurissement, ravissant le cœur des conteurs émérites. Irinwe referme ses mains sur celles de son interlocutrice, inspirant profondément. « Est-ce que ça va aller ? Merci mon amie. Tu vas tellement me manquer. » Le regard vif d’émotion, la préceptrice ravale toutes ses appréhensions, reprenant avec contenance. « Tu devrais partir avant que l’on ne se doute de quelque chose. »